Ce dimanche, un article sur le programme innovant Nexus pour les autistes a été publié dans le Devoir[1]. Ce programme soi-disant basé sur une approche sécurisante n'est qu'en réalité un autre programme comportemental axé sur des récompenses. Les systèmes de récompenses présupposent que les enfants peuvent bien ou mal se comporter. Quand ils parviennent à faire ce qui est acceptable à nos yeux, nous offrons une récompense. Ce que nous leur apprenons est le contrôle, la retenue émotionnelle, la motivation extrinsèque et l'approbation des autres pour être bien méritants.
Dans l’article en question, des comportements ont été qualifiés d’antisociaux et ils ont été interprétés comme des crises de colère, de l’opposition constante, de la destruction de biens d’autrui, des gestes prémédités de vengeances, des vols et des voies de faits. Ce pourrait-il que ces comportements ne soient que la pointe visible de l’iceberg?
En tant qu'adultes, nous interprétons au travers un prisme de croyances les comportements dérangeants. Cela nous amène à être nous-même en posture réactionnelle et défensive vis-à-vis les jeunes. Nous entrons en opposition et en confrontation avec eux, tel que décrit dans cet article. C'est épuisant et lourd au quotidien. Particulièrement quand notre enfant est autiste et qu'il a des réactions qui peuvent nous sembler incompréhensibles, disproportionnées, irrespectueuses, agressives et violentes envers autrui et surtout, intentionnelles.
Les autistes sont hypersensibles. Ils vivent généralement les émotions plus intensément. Ils peuvent vivre plus de stress et d'anxiété. Ils ont besoin de sens, de sécurité, de connexion, d’être vus plus que la moyenne. Cette posture défensive que nous avons envers nos jeunes augmente leur stress et alimente les cycles de comportements difficiles. D’ailleurs, la majorité des comportements difficiles sont des réactions liées au stress (attaque, fuite, immobilisation, soumission).
Sur le plan social et affectif, les comportements sont le reflet d'émotions, de besoins et chez les jeunes, ajoutons de l'immaturité du cerveau. Tous les enfants, qu'ils soient autistes ou non, ont un cerveau immature. Leurs comportements dérangeants ne sont ni bons ni mauvais : ils sont le reflet de cette immaturité. C’est le signe qu'ils ont des compétences à développer et pour se faire, ils ont besoin du soutien des adultes pour être en quelque sorte leur cerveau préfrontal qui permet la co-régulation.
Un enfant qui vit une grande frustration ou une injustice sera traversé par une colère légitime. Puis, est-ce une crise de colère ou une décharge de stress qui a besoin d’être vécue pour rétablir l’équilibre interne? Une telle crise peut durer 45-60 min et c’est normal! Si les comportements d’opposition voulaient dire : « J’ai peur d’échouer. J’ai besoin de me sentir compétente, c’est difficile. », « Plus on parle fort, plus on crie, plus j’ai peur. Mon corps réagit au stress et à la menace par l’attaque. J’ai besoin de sécurité émotive »[2]. Un enfant qui vole essaie peut-être de combler le vide relationnel et affectif. Un besoin qui n’a rien à voir avec le fait d’aimer notre enfant mais, avec un besoin de se sentir vu et entendu. Un enfant qui détruit des biens d’autrui pourrait avoir besoin d’être entendu dans des émotions vulnérables qui lui sont très difficiles à tolérer dans son corps.
Nous mettons un fort accent sur les enfants mais, aucun soutien n’est apporté aux adultes qui les accompagnent. Pourtant, les adultes qui sont confrontés aux comportements dérangeants des enfants sont démunis. Ils manquent de connaissances sur le développement affectif et social, sur la neurodiversité, sur l'autisme dans ce cas-ci. Il n’y a pas de mauvais parents ni de mauvais adultes. Il n’y a que des adultes dépassés qui ont besoin de soutien eux aussi pour travailler cette posture d'accueil empathique qui offre un contenant sécurisant aux jeunes, ce qui leur permet de se déposer, de traverser leurs émotions, de se montrer vulnérables, de déployer ces compétences socio-émotionnelles que nous souhaitons tant qu’ils aient.
Mélanie Ouimet, Fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité, co-chercheuse en autisme
Références :
[1] https://www.ledevoir.com/societe/sante/811781/programme-innovant-jeunes-atteints-trouble-spectre-autisme
[2] Pour aller plus loin : https://neurodiversite.com/2023/07/23/lopposition-avec-ou-sans-provocation-de-grands-defis-mais-pas-un-trouble/