Il est facile d’interpréter les comportements de nos enfants à travers nos propres filtres, nos croyances ou nos attentes. Quand on regarde un enfant autiste réagir ou ne pas réagir à certaines situations émotionnelles, on peut être tenté de conclure qu’il lui manque d’empathie ou qu’il ne perçoit pas les émotions, qu’il ne comprend pas. Cependant, cette lecture unidirectionnelle peut nous éloigner de la vérité intérieure de l’enfant autiste.
Explorer au-delà des interprétations automatiques
Quand on voit un enfant ne pas réagir à la tristesse ou à la joie d’un parent, d’une sœur, d’une camarade, il est naturel d’interpréter cela selon notre propre cadre de référence. Pourtant, pour l’enfant autiste, sa réaction ou son absence de réaction pourrait découler de multiples facteurs.
Les autistes sont hypersensibles et sont souvent de véritables éponges à émotions et à l’atmosphère ambiante. Un enfant hypersensible peut sembler distant non pas par indifférence, mais par besoin de se protéger des émotions intenses qui sont trop envahissantes et difficiles à gérer. N’oublions pas que les enfants ne peuvent pas réguler seul leurs émotions et leur stress.
Les enfants autistes ressentent souvent quand les émotions sont simulées. Ils ont un profond besoin de sincérité dans leurs interactions. Souvent, nous essayons de leur faire apprendre les émotions sur des pictogrammes ou des visages qui affiche une émotion. Or, il s’agit ici d’une mémorisation et d’un apprentissage par cœur de l’émotion et de l’empathie qui devrait être manifestée. Ce n’est aucunement naturel et il manque toutes les informations perceptives subtiles que les autistes ressentent fortement. Il ne suffit pas d’afficher un visage triste pour que la personne soit réellement triste et les autistes n’y sont pas dupes.
Parfois, l’enfant ne sait pas comment réagir ou interpréter une situation émotionnelle ambiguë, il peut préférer garder ses distances parce qu’il ne sait pas comment réagir ou recevoir cette émotion d’autrui.
Il se peut également qu’il perçoive et traite l’émotion en silence, intérieurement, plutôt qu’en l’exprimant de manière observable. Il demeure à distance pour ne pas se sentir envahie, pour demeurer en sécurité intérieure et pour prendre le temps de voir et comprendre ce qui se passe. Comme plusieurs compétences, les autistes passent beaucoup par l’observation. Et cela ne signifie pas qu’ils sont indifférents ni qu’ils manquent d’empathie ou de compétences.
Se reconnecter à l’enfant : une voie vers la compréhension
Au lieu d’interpréter le comportement de l’enfant comme un manque d’empathie, il est plus productif de s’ouvrir à sa réalité émotionnelle. Observer l’enfant avec bienveillance et curiosité peut ouvrir la voie à une connexion plus profonde. Plutôt que de poser des attentes précises sur la façon dont il devrait réagir, on peut s’interroger : Qu’est-ce qui se passe pour lui ? Comment ressent-il les choses ? De quoi a-t-il besoin ?
Les enfants autistes ont eux aussi besoin de ressentir l’empathie de leur entourage. D’un point de vue autistique, on pourrait même dire que c’est souvent le monde extérieur qui semble manquer d’empathie envers eux, en exigeant qu’ils se conforment à des normes neurotypiques. Plutôt que de supposer un manque, inviter la curiosité et le respect dans l’interaction permet de bâtir une relation de confiance, dans laquelle l’enfant peut se sentir compris et accepté tel qu’il est.
Le défi de comprendre les réactions d’un enfant autiste n’est pas un manque de compétence, mais une invitation à aller au-delà de nos perceptions initiales. En explorant de nouvelles perspectives et en nous connectant sincèrement, nous ouvrons la porte à une empathie plus profonde et réciproque. Cela permet de renforcer le lien, de cultiver la confiance et d’offrir à l’enfant la possibilité d’évoluer dans un espace de compréhension authentique.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme