Autisme : les interventions comportementales sont-elles acceptables?

Autisme : les interventions comportementales sont-elles acceptables?

Le 1er octobre dernier, un article provenant du cahier spécial Enseignement supérieur est paru dans le Devoir avec pour titre « Trouble du spectre de l’autisme : former à l’intervention comportementale[1] ».

Ce texte aborde l’importance de la formation des personnes aptes à soutenir et à comprendre les comportements sociaux des personnes diagnostiquées. La formation à l’UQAM, le diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en intervention comportementale, y est mentionné et prôné comme étant une bonne formation pour la relève. « Pour former la relève, le DESS en intervention comportementale combine ainsi la théorie et l’application pratique en milieu professionnel. Il est basé sur l’analyse appliquée du comportement, une approche reconnue comme étant l’une des plus efficaces pour réapprendre des comportements et améliorer tant la qualité de vie que les habiletés sociales, » pouvons-nous lire dans cet article.


Pourtant, déjà en 2016, le Dr Laurent Mottron[2] mentionnait que « l’intervention précoce en matière d’habiletés sociales et de langage chez les autistes n’a pas donné de résultats concluants. » Lorsqu’on utilise ces méthodes, « c’est comme si on criait à un sourd congénital, au lieu de l’aider avec le langage des signes, » mentionnait-t-il. Tout récemment, le rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé (ACSS)[3] mentionnait que bien que de nombreux travaux de recherche avaient été menés au sujet des interventions comportementales intensives (ICI) et que ceux-ci démontraient leurs efficacités, la rigueur méthodologique de ces recherches était faible.

La reconnaissance de l’autisme comme profil cognitif divergent via le concept de la neurodiversité a également permis de modifier notre regard sur l’autisme et de diminuer les efforts pour atténuer les caractéristiques intrinsèques de l’autisme et ainsi, respecter le profil atypique des autistes. Le paradigme de la neurodiversité invite à mettre l’accent sur le soutien au développement des compétences naturelles, sur la régulation des émotions, sur la participation inclusive, sur la mise à profit des forces et sur l’importance d’offrir des conditions optimales pour que les autistes aient une vie épanouissante[4].

En plus de ne pas correspondent au profil particulier des autistes, ces méthodes outrepassent les droits fondamentaux des enfants. Ces interventions sont contraires à l’éthique et c’est également le constat fait par le dernier rapport de l’ACSS. Toutes les problématiques liées à l’éthique ne sont aucunement considérées lorsque Québec recommande les interventions comportementales intensives, soit la violence inhérente de ces méthodes envers les autistes[5]. De plus en plus d’adultes autistes ayant été contraints de suivre ces interventions comportementales témoignent des violences subies et des traumatismes engendrés qui affectent grandement leur qualité de vie en tant qu’adulte aujourd’hui. D’ailleurs, il a été mis en évidence que 46 % des autistes ayant été exposés à ces interventions dans leur enfance présentent à l’âge adulte un syndrome de stress post-traumatique[6].

Rappelons que l’objectif premier de l’ICI est de rendre l’enfant « moins autiste » en modifiant ses comportements. Selon le principe de l’ICI, « le plus tôt, le mieux », il faut intervenir rapidement afin que le cerveau de l’enfant reprenne son cours normal de développement. L’autisme est considéré comme un trouble et non comme une divergence cognitive. Bien sûr, les résultats sont parfois spectaculaires et très rapides. Plusieurs parents constateront une « belle amélioration » chez leur enfant qui aura appris à faire quelques demandes verbalement, à jouer avec les autres, à manger à heure régulière, à avoir un contact visuel, à pointer du doigt, mais à quel prix?

Forcer un enfant à regarder dans les yeux, à jouer à des jeux réciproques, à faire des demandes verbales plutôt que gestuelles, même sous forme de jeu ludique, c’est de l’ingérence et c’est une forme de violence banalisée. Même avec toutes nos meilleures intentions, lorsque nous essayons de rendre une personne le plus « normale » et « indiscernable » que possible, nous violons les droits fondamentaux des humains. En autisme, ces droits sont outrepassés sous prétexte que l’autisme est un trouble neurodéveloppemental. Cependant, il ne serait jamais acceptable dans notre société actuelle de faire subir de telles thérapies aux enfants non-autistes, qui plus est, de manière si soutenue.

Bien qu’au fil des dernières années, les interventions comportementales semblent s’assouplir et s’adapter à la réalité autistique, l’aspect comportemental est toujours l’assise de l’intervention. Ainsi, plutôt que d’utiliser des punitions, des récompenses et des renforçateurs sont maintenant utilisés dans l’objectif de modifier ou de faire acquérir certaines compétences. L’environnement de jeu ainsi les comportements, les gestes, les attitudes de l’enfant sont dirigés et approuvés par l’adulte qui l’accompagne selon des attentes précises.

Également, il est souvent recommandé d’ignorer ce qui est perçu comme étant de « mauvais comportements », comme une crise, un comportement opposant, un geste jugé inadéquat, une vocalise jugée sans intérêt. Laissé à lui-même avec ce qu’il vit, l’enfant se retrouve dans une grande détresse émotionnelle avec personne pour l’accompagner et le soutenir dans ce qu’il vit. Les approches comportementales se centrent sur ledit comportement sans considérer que les comportements sont le langage affectif. Un comportement exprime toujours, maladroitement, une émotion et un besoin sous-jacent.

Malgré ces changements, les interventions comportementales utilisent toujours un pouvoir sur l’enfant, une tentative de normalisation, un anéantissement de l’autodétermination et de l’autonomie véritable, la base même de ce que ces programmes souhaitent faire acquérir!

Involontairement, les interventions comportementales envoient le message suivant à l’enfant : mes comportements, mes gestes sont mauvais, je suis donc mauvais, je suis nul, je n’ai pas de valeur. Quand je suis en détresse, je suis ignoré, je suis seul. Mes émotions et mes besoins de sont pas légitimes.

C’est ainsi que malgré certains progrès observables, les conséquences ICI sont lourdes pour les autistes. Le camouflage social est parmi les causes importantes d’anxiété, de dépression et de suicide chez les autistes[7].

L’acquisition de certaines compétences, en particulier l’autonomie, est un pilier fondamental de l’ICI. Nous avons la croyance que l’enfant autiste ne pourra jamais devenir autonome si des objectifs précis ne lui sont pas fixés : faire son lit, attacher ses souliers, se laver et manger à heure précise, préparer un repas. Cependant, l’autonomie ne s’enseigne pas et ne s’apprend pas par cœur. L’autonomie est un processus qui suit son cours de développement et se déploie dans un environnement favorable sain ; elle prend du temps, elle demande du soutien et de l’accompagnement. Nous déplorons qu’une majorité d’autistes, qu’ils soient enfants ou adultes, aient de la difficulté à ressentir la satiété, la douleur, le froid, la fatigue, leurs propres émotions. Ces sensations corporelles ne s’apprennent pas par cœur ; elles se ressentent dans le corps.

Les interventions font ainsi tout le contraire souhaité : elles rendent les autistes complètement dépendants de leur environnement extérieur, incapable de reconnaître leurs sensations et donc leurs besoins. L’enfant aura appris à manger en même temps que passe-partout mais, il n’aura jamais appris à reconnaître sa sensation de faim. Il aura appris à mettre un vêtement chaud quand il y a de la neige mais, il n’aura jamais appris à ressentir le frisson dans son corps. L’enfant aura appris que les crises ne sont pas acceptables mais, il n’aura pas appris à ressentir le poids sur sa poitrine et l’accélération cardiaque lui indiquant qu’il est en colère et que son intégrité doit être réparée. Il aura appris à se camoufler socialement mais, il vivra de l’anxiété sans avoir conscience de sa boule au ventre qui témoigne de sa peur lui indiquant qu’il a besoin de repère et de sécurité.

À l’inverse des interventions comportementales, une approche développementale basée sur le soutien de la maturité cérébrale, l’accueil et la régulation des émotions, permet à l’enfant de prendre consciences de son corps, de ressentir pleinement ses sensations, ses émotions qui sont à la base même de ses besoins et donc de son autonomie. Que souhaitons-nous offrir aux autistes?

Mélanie Ouimet

Consultante experte en autisme

Fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité


[1] https://www.ledevoir.com/societe/education/759713/trouble-du-spectre-de-l-autisme-former-a-l-intervention-comportementale

[2] L’intervention précoce pour enfants autistes, Laurent Mottron, MARDAGA, 2016

[3] https://cahs-acss.ca/wp-content/uploads/2022/04/ACSS-Lautisme-au-Canada-Reflexions-pour-lelaboration-de-futures-politiques-publiques.pdf

[4] Ali et coll., 2012; Milton et coll., 2014; Mottron, 2017; Lai et coll., 2020

[5] Dawson M. The Misbehavior of Behaviorists : Ethical Challenges to the Autism-ABA Industry. 2004. https://www.sentex.ca/~nexus23/naa_aba.html

[6] Kupferstein H. Evidence of increased PTSD symptoms in autistics exposed to applied behavior analysis. Advances in Autism, 2018, vol 4, issue 1, 19-29. DOI 10.1108/AIA-08-2017-0

[7] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5509825/

Nouveau regard sur l’anxiété des autistes

Nouveau regard sur l’anxiété des autistes

L’anxiété est une problématique qui revient souvent lorsqu’on parle d’autisme. Certaines personnes croient que l’autisme est systématiquement lié à l’anxiété. 

L’anxiété est souvent considérée comme une comorbidité de l’autisme. Pourtant, il n’y a aucun lien entre la neurologie autistique et les troubles anxieux ni avec une santé mentale plus fragile. Récemment, des chercheurs des universités anglaises de Surrey et de College (Londres)[1] ont démontré que l’anxiété et les troubles de santé mentale des personnes autistes sont directement liés à la discrimination, l’intimidation, le rejet, la marginalisation qu’ils subissent quotidiennement. L’anxiété n’est pas corrélative à l’autisme en soi mais bien à la détresse psychologique plus élevée que vivent les autistes dans leur environnement. 

Cependant, plusieurs autistes ressentent de l’anxiété en lien avec leur cerveau perceptif. Cette anxiété n’est pas une fatalité en soi, bien au contraire. Selon Brigitte Harrisson, « Le taux d’anxiété ressentie est un bon indicateur du travail qui doit être fait sur le plan de l’organisation cognitive chez l’autiste.[2] » Ainsi, pour comprendre l’anxiété chez les autistes, il faut tout d’abord tenir compte des particularités neurologiques de leur cerveau perceptif. Inévitablement, les informations entrantes ne sont ni perçues, ni analysées de la même manière que chez les non-autistes. 

Généralement, les méthodes d’aide actuelles couramment utilisées et la médication ne tiennent pas compte de ces particularités neurologiques. Ces méthodes pourront aider à court terme, en superficie, mais elles n’offrent pas de solutions concrètes et efficaces. L’autiste risque alors d’être aux prises avec des problèmes d’anxiété plus sévères, pouvant mener à la dépression par exemple. La personne autiste tombe alors dans un cycle pernicieux. Il risque également d’être dépendant toute sa vie de la médication.

Lorsqu’on parle d’anxiété en autisme, on ne parle pas de la même anxiété : il ne s’agit pas d’anxiété sociale. Bien sûr, un autiste pourra être anxieux pour des raisons similaires aux non-autistes, dans certaines circonstances ou certains événements de la vie et ressentir également, à certains moments, de l’anxiété sociale. L’anxiété est un sentiment humain. 

Les événements sociaux, les conversations et interactions sociales sont abstraites et imprévisibles. Tout se passe rapidement. Il y a plusieurs informations à traiter et analyser. Tout bouge, tout change. Le cerveau de l’autiste reçoit une quantité faramineuse d’information de toute part. De l’information variable et en continu !

Le cerveau d’un autiste traite plus aisément les informations concrètes et fixes. Sa pensée en images est séquencée. Lorsqu’un imprévu survient, comme dans les situations sociales où rien n’est prévisible, l’autiste aucun repère. Son schéma mental stable n’existe plus. Il doit rebâtir une nouvelle image, puis une nouvelle, puis une nouvelle, puis une nouvelle… C’est exigeant et anxiogène ! 

Par exemple, un autiste côtoie une collègue au travail. Ils ont des échanges à propos de leur travail dans l’environnement de travail. Un jour, il rencontre par hasard cette collègue au centre commercial. La panique s’installe ! Son schéma mental vient d’éclater en mille morceaux. L’autiste vient de voir pour la toute première fois sa collègue dans un autre lieu que celui du travail. De plus, elle est habillée de manière totalement différente qu’à l’habituel. Bien sûr, la personne autiste sait très bien que la collègue de bureau a une vie à l’extérieur du travail et qu’il est possible de la croiser par hasard. Mais, au niveau mental, il n’a plus de repère puisque le schéma initial était fixe, enregistré et classé dans son cerveau, tel quel. Il doit alors gérer cet imprévu, refaire un autre schéma. C’est énormément de travail. Et maintenant, comment dois-je communiquer avec cette collègue ?  Que dois-je dire ? Dois-je agir comme sur le lieu de travail ? 

Il est possible pour un autiste d’apprendre à faire des liens rapides entre « ses images mentales » sans que cela le déstabilise complètement. Il est possible de diminuer l’anxiété d’un autiste en travaillant avec lui afin qu’il apprenne à mieux gérer son fonctionnement. 

Mélanie Ouimet


Également disponible au MPLV : https://www.mamanpourlavie.com/blogues/le-blogue-dune-maman-autiste/17213-nouveau-regard-sur-l-a-anxi-t-des-autistes.thtml

Références :

[1] Extending the Minority Stress Model to Understand Mental Health Problems Experienced by the Autistic Population, Monique Botha, David M. Frost, publish October, 2018

[2] L’autisme expliqué aux non-autistes, Brigitte Harrisson et Lise St-Charles, TRÉCARRÉ, 2017

Mieux comprendre le besoin de « fuguer » des autistes

Mieux comprendre le besoin de « fuguer » des autistes

Une des problématiques souvent relevée chez les enfants autistes est leur tendance à fuguer. En effet, on estime qu’environ le tiers[1] des enfants autistes sont susceptibles de fuguer. Ce risque de fugue estimé ou d’errance est plus élevé chez les autistes que chez les non-autistes. Ces fugues sont très anxiogènes pour les parents et elles sont également très difficile à comprendre. 

De manière générale, on propose une liste de conseils afin d’aider à prévenir l’errance des enfants autistes dans le but d’éviter une tragédie. Bien que les outils proposés s’avèrent souvent indispensables pour la sécurité de l’enfant devant ses fugues imprévisibles, on n’offre rarement des pistes concrètes afin de comprendre les motivations de l’enfant à fuguer et ainsi, à y mettre fin en développant d’autres stratégies. 

Bien souvent, on se limite à dire que les fugues sont une « simple » problématique liée au trouble autistique et que « ces enfants » n’ont pas la notion de danger. Il faut ainsi apprendre à vivre avec « le trouble ». 

La prudence s’acquiert au fur et à mesure des expériences de vie chez tous les enfants. Il est très difficile pour les enfants d’évaluer les risques potentiels pour sa sécurité. Chaque enfant progresse à son rythme et passe progressivement de l’âge de l’imaginaire à l’âge de la raison. Parfois, il paraîtra très « mature » et raisonnable dans certaines situations, et parfois, il sera plus ambivalent face à une autre situation. 

Or, lorsqu’un autiste prend la fuite, cela n’a aucun lien avec la compréhension de la notion de danger. Un enfant autiste en fugue n’est pas, à priori, un enfant imprudent n’ayant aucune notion du danger. L’enfant autiste en fugue agit instinctivement à l’anxiété qu’il ressent sur le moment. Son cerveau est en mode « défensif » et ce sont les mécanismes de survie qui prennent le dessus. Ainsi, pour la majorité des situations, l’enfant fugue par peur. Il fuit un danger potentiel, qu’il soit réel ou non. 

Dans son livre « Aimer dans l’imbroglio », Lucila Guerrero relate certains faits qui se sont passés dans l’établissement scolaire de son fils. « En après-midi, un enfant autiste est rentré dans la classe parce que la porte n’était pas bloquée. Son enseignante lui a dit de retourner dehors. L’enfant ne voulait pas et il a couru pour ne pas se faire attraper. L’autre adulte responsable de la classe lui a pris la main et l’a serré fort. L’enfant a crié, disant qu’il avait mal. Mais l’adulte ne l’a pas lâché. Il l’a trainé par terre pour le mettre hors de la classe. »  

On comprend aisément, à l’aide de plusieurs autres exemples similaires illustrés dans son livre, que le jeune autiste a subi de la violence physique et psychologique de la part du personnel enseignant. L’environnement scolaire n’est pas sécuritaire. Il se sent menacé. S’enfuir, se mettre à courir, fuguer sont des mécanismes de survie ! 

Malheureusement, les situations comme celles-ci sont encore trop nombreuses dans nos écoles, qu’elles soient spécialisées en autisme ou non. Par contre, il n’y a pas besoin que la situation perçue comme menaçante soit aussi évidente pour que l’enfant autiste se sente véritablement en danger et que les mécanismes de fuite s’opèrent.

Parfois, il s’agit d’un incident très mineur, d’une dispute antérieure, d’un ton de voix trop élevé, de l’ambiance environnante, des stimuli trop envahissants, d’une incohérence, d’un manque de repère sécuritaire, d’un manque de lien de confiance, d’un climat autoritaire. Tous ces éléments sont anxiogènes. Ils peuvent tous être perçus comme un potentiel danger. Ils peuvent tous être perçu comme une menace à l’intégrité et à la survie de l’enfant

Tout être humain qui se sent menacé agira ainsi : attaque, fuite, immobilisation. Comme le mentionne Catherine Gueguen[2], les enfants sont dominés par leur cerveau émotionnel. Ils réagissent instinctivement pour leur survie. Leurs émotions sont vécues très intensément. Par exemple, lorsqu’ils sont en colère ou qu’ils ont peur, ils peuvent être poussés à attaquer, à fuir ou à se figer. Ils n’ont pas encore la maturation nécessaire pour prendre de la distance avec leurs émotions et analyser la situation avec discernement. 

C’est précisément ce qui se passe généralement lorsqu’un enfant autiste fugue ou se cache. Il ressent une forte anxiété qui le pousse à s’enfuir. 

Bien qu’il ne soit pas toujours facile de découvrir ce qui pousse un enfant autiste à s’échapper, tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas compris la source, l’inconfort persistera chez l’enfant, qui sera contraint de fuir à nouveau. 

Mélanie Ouimet


[1] https://www.eurekalert.org/pub_releases/2016-04/nh-ooa042616.php

[2] Vivre heureux avec son enfant, Catherine Gueguen, ROBERT LAFFONT, novembre 2015

Les « stéréotypies » ne sont pas un symptôme de l’autisme

Les « stéréotypies » ne sont pas un symptôme de l’autisme

Mal vues et mal comprises, les « stéréotypies » sont considérées comme un symptôme de l’autisme que l’on tente de faire disparaître. 

Souvent, nous pouvons entendre que lorsque les « stéréotypies » de la personne autiste sont moins présentes, c’est signe qu’elle va mieux, qu’elle est « guérie » de son autisme ou que son « état » s’est amélioré. Cependant, le fait de faire ces gestes et ces particularités ne sont pas le signe d’une atteinte quelconque. Ils sont le signe d’un apprentissage, d’une émotion, d’une manière d’assimiler de l’information, de se détendre. 

En traitant ces gestes comme étant un symptôme clinique de l’autisme, on fait une grossière erreur. On voit dans les « stéréotypies » des comportements néfastes et nuisibles qui empêchent l’évolution de l’autiste. Or, c’est tout le contraire. 

Ce sont les « stéréotypies » qui permettent à l’autiste d’évoluer.

Un enfant qui fait énormément de « stéréotypies » et qui, un jour, ressent moins le besoin d’en faire n’est pas moins autiste. Il n’a pas « progressé » dans son autisme. Il a grandi, simplement. Comme tous les enfants évoluent, cheminent, apprennent en grandissant. 

Par exemple, un jeune enfant non-autiste pourrait jouer à la poupée ou avec des petits camions. Cela pourrait être son jeu favori à 4-5 ans. Ce même enfant aura certainement changé d’intérêt à l’âge de 10 ans et il serait absurde de dire qu’il est « moins atteint » car il a progressé dans ses jeux. Il en va de même pour un autiste qui aligne ses jouets. Il joue, il s’amuse, il apprend. Puis, un jour il se désintéresse et passe à une autre étape. 

Les « stéréotypies » sont plus visibles et plus marquées surtout à l’âge préscolaire puisque le développement d’un enfant autiste, particulièrement prototypique (Kanner), diffère du développement d’un enfant non-autiste. Ce qui est très déstabilisant pour une personne qui ignore le fonctionnement autistique. 

Ce n’est pas « le degré d’atteinte » de l’autisme que nous devons améliorer, mais notre manière de percevoir les « stéréotypies » et notre compréhension de celles-ci.

De plus, on amalgame toutes les « stéréotypies » ensemble, comme si leur fonction était la même. Pourtant, elles sont toutes différentes et elles sont présentes pour des raisons variables. 

Lorsqu’on empêche un autiste de faire des alignements, d’observer les détails d’un objet, de faire tourner des objets, nous l’empêchons de jouer, de mettre de l’ordre fluide dans son environnement. Nous empêchons son cerveau de faire son travail organisationnel et conceptuel.  

Lorsqu’on empêche un autiste de faire de battre des mains, nous l’empêchons d’exprimer une émotion, la joie.

Lorsqu’on empêche un autiste de passer les doigts devant ses yeux rapidement, de caresser une couverture douce ou de focaliser sur toutes autres agréments sensoriels, nous empêchons son plaisir de découvrir les textures, les sons, les luminosités, les couleurs. 

Lorsque nous empêchons un autiste de faire des mouvements « bizarres » avec son corps, de se balancer, d’avoir la bougeotte, nous l’empêchons d’évacuer sans tension, de se concentrer, d’assimiler de nouveaux apprentissages, de mieux gérer le flot d’information entrant. 

Lorsque nous empêchons un autiste de faire des vocalises ou de l’écholalie, nous l’empêchons de communiquer, d’apprendre la communication verbale, d’avoir du plaisir. 

Lorsque nous empêchons un autiste d’avoir ses intérêts « restreints », nous empêchons l’autiste de développer ses passions. 

Mélanie Ouimet