Un article paru dans l’actualité de L’université de Montréal1 le 5 décembre dernier abordaient des comportements difficiles et dérangeants chez certains enfants autistes. L’article a été publié en raison de témoignages récents d’éducatrices spécialisées et d’enseignantes qui rapportaient des agressions sexuelles et des blessures allant jusqu’aux traumatismes crâniens causées par des enfants autistes ou atteints d’une déficience intellectuelle. Des parents exprimaient également leur impuissance et leur détresse lorsqu’ils sont confrontés aux crises de colère de leur enfant.
Tout d’abord, je précise qu’un autiste ne souffre pas d’un trouble neurodéveloppemental. L’autisme est un état qui fait partie de la diversité cognitive humaine.
C’est merveilleux de constater que cet article de l’Université de Montréal prend en considération la fonction d’un comportement et le besoin légitime. On ne parle plus de violence. C’est super!
Cela dit, nous parlons de conditionnement de comportements défis. Les professionnels dans l’article mentionnent que ces comportements sont difficiles à déconstruire quand l’enfant est devenu adolescent. Or, si les comportements difficiles persistent, c’est parce que l’enfant n’a pas appris à ressentir et n’a pas eu le soutien pour se co-réguler L’approche proposée demeure basée sur le comportement plutôt que sur l’émotion qui se vit dans le corps.
On parle de la fonction du comportement. On parle d’analyser rigoureusement les événements et les facteurs pour émettre des hypothèses et pour trouver des solutions potentielles. Ce n’est pas mauvais en soi.
Encore une fois, nous restons dans le cognitif/comportemental plutôt que dans l’approche émotionnelle et développementale. Le cerveau prend plusieurs années avant d’être pleinement mature. Un enfant est par définition immature. Quand il est submergé par une forte émotion, il ne peut pas se réguler seul.
La régulation est la capacité à reconnaître, gérer, prendre du recul et réfléchir quand une émotion nous traverse. Un comportement difficile n’est pas d’ordre comportemental mais, bien développemental ; la formation des connexions neuronales permettant la régulation émotionnelle prend des années à se déployer, dans un environnement sécurisant. C’est-à-dire par la co-régulation avec un adulte qui offre un lien sécurisant, empathique, chaleureux, prévisibles et aimant. Ainsi, la co-régulation est un processus par lequel le système nerveux apaisé de l’adulte calme celui dysrégulé de l’enfant. L’enfant peut alors se déposer, relâcher et vivre ses émotions.
Nous proposons des solutions pratiques plutôt que d’apprendre à l’enfant à ressentir ce qui se passe dans son corps. Nous pensons, réfléchissons, analysons plutôt que de se mettre en posture empathique et de résonance émotionnelle qui dit à l’enfant « Je te vois », « Je suis là avec toi ».
Autisme ne rime pas avec agressivité. Autisme rime davantage avec hypersensibilité. Les enfants particulièrement subissent cette hypersensibilité (Je vous invite à consulter cet article sur l’hypersensibilité). Leur cerveau est immature, ils ont besoin du soutien d’un adulte pour les co-réguler. Quand l’enfant est autiste, les sensations physiologiques sont intenses et le système nerveux se dysrégule rapidement et souvent. L’enfant devient agressé par son environnement. Il est sous stress et réagit instinctivement : fuite, attaque ou immobilisation.
D’ailleurs, on nomme à tort « crise de colère » dans ces situations précises. Il s’agit plutôt d’une réaction au stress.
La co-régulation est alors d’une importance capitale. Il y a un énorme travail à faire sur soi en tant qu’adulte pour assurer notre propre régulation. Si nous souhaitons apaiser un enfant, nous devons nous-même pouvoir être régulé et ancré pour accueillir et supporter l’intensité émotionnelle de l’enfant. Si nous sommes nous-même en train de vivre une émotion comme l’impuissance, de la peur, de la panique, de la colère, il devient impossible de co-réguler l’enfant.
C’est notre posture d’adulte qui est à changer. Dur dur !
Et ce n’est malheureusement pas l’intelligence artificielle qui va faire ce travail à notre place. Cette utilisation technologique proposée dans cet article nous ne fait que nous déconnecter de notre empathie et de toutes ces magnifiques compétences socio-émotionnelles que nous possédons tous en tant qu’être humain. Et dont il serait bon de s’y reconnecter.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité/co-chercheuse en autisme