En tant que parents d’enfant autiste, nous sommes souvent confrontés aux nombreuses crises magistrales et déstabilisantes de notre enfant. Les crises sont un sujet qui revient fréquemment chez les enfants, particulièrement chez les enfants autistes.
L’intensité des crises peut atteindre un niveau très angoissant pour les enfants. On se retrouvent souvent désemparés devant des telles crises et sans ressource pour aider l’enfant à surmonter la crise adéquatement. Les crises peuvent survenir à tout moment et n’importe où, même en public !
Avec quatre enfants, nous avons eu (et aurons encore !) plusieurs crises à gérer. Il est vraiment difficile de vivre ces situations quotidiennement, même avec les meilleurs outils et la meilleure compréhension possible de l’autisme. Nous avons toujours l’impression d’être détectives des comportements et des émotions de nos enfants. Nous avons ce sentiment anxiogène quasi permanent comme d’être assis sur une bombe prête à exploser n’importe quand. Être en état d’alerte, intervenir rapidement, gérer les coups de pieds, les claques, les morsures, trouver le déclencheur, en parler et recommencer plusieurs fois par jour, c’est épuisant !
Il y a par contre quelques petits outils à mettre en pratique afin d’aider nos enfants à comprendre leur fonctionnement et ainsi, avec un travail à long terme, nous pouvons les aider à mieux gérer cette tempête intérieure.
Ces crises et leurs expressions sont difficiles à comprendre, surtout pour une personne non autiste. Et comment bien intervenir dans ces situations est encore plus ardu.
Il faut garder en tête qu’en aucun cas, il s’agit d’un trouble de comportement, de crise de colère, de caprice ou d’un manque « d’autorité » parentale.
Il s’agit d’un effondrement autistique. Ces effondrements peuvent également survenir chez les adultes autistes. L’environnement et la société dans lesquels nous vivons ne sont pas conçus pour des autistes. Tout est basé sur le fonctionnement majoritaire : le fonctionnement neurotypique.
Ainsi, les autistes se sentent souvent agressés par leur environnement et par leur entourage. Trop de bruits, trop de lumière, des contacts physiques, des non-sens, des incompréhensions face à l’autisme, des interventions non adéquates, etc.
Lorsqu’une personne autiste se frappe sur la tête, il ne s’agit pas d’un trouble de comportement nommé automutilation. Un autiste n’a aucune intention d’automutilation ou d’autostimulation ! Il s’agit plutôt d’une manifestation autistique dû à l’effondrement qu’il subit. Il s’agit d’une déstabilisation vécue à l’intérieur. Par ces manifestations, la personne autiste essaie de retrouver son équilibre interne. Effectuer une pression sur la tête est le moyen rapide qu’un autiste a pour essayer de retrouver la paix intérieure.
La personne autiste essaie généralement de comprendre une information complexe qu’elle a reçue de son environnement et qui est extrêmement difficile pour lui de traiter. C’est un peu comme si son cerveau venait d’éclater en mille miettes et qu’il essayait de replacer les morceaux en se tapant ou cognant la tête. La personne autiste, peut ressentir un mélange d’émotions difficilement exprimable et contrôlable, souvent, il s’agit d’une énorme peur intérieure.
La personne autiste essaie par tous les moyens d’enrayer son mal-être intérieur. Elle lance un véritable appel à l’aide car elle est dépourvue d’outils pour gérer son malaise interne et d’outil pour nous le communiquer.
Il est important d’intervenir adéquatement sans quoi, nous accentuons ce malaise interne de la personne autiste. Un autiste agressé deviendra un autiste « agressif » parce qu’il sera en mode d’autodéfense. L’agressivité est bien involontaire.
Lors de ces effondrement l’enfant autiste (ou l’adulte autiste) est en perte de contrôle et il n’est pas en mesure de comprendre et de gérer les conséquences de ses gestes posés. Par rapport à son âge et à ses capacités intellectuelles, l’autiste est incapable de faire une pause, de prendre du recul et de penser à une stratégie pour résoudre le problème. La peur (en apparence, la colère) est en puissance maximale et il peut avoir une réaction physique instantanée et irréfléchie. L’effondrement autistique passera par lui-même, généralement, assez rapidement.
Il ne s’agit aucunement d’un trouble de comportement. La modification de ces manifestations et les punitions ou encore des systèmes de récompenses est totalement inutile et non approprié. La crise autistique est hors du contrôle de la personne autiste. C’est un mécanisme automatique que la personne utilise pour survivre.
Il s’agit d’une réaction physique, d’une manifestation autistique en lien avec des stimuli trop intenses provenant de son environnement. Nous devons l’outiller afin de lui apprendre à comprendre ce qui se passe à l’intérieur d’elle et lui permettre progressivement de mieux gérer ces manifestions. Il ne faut en aucun cas brimer un autiste qui tente de retrouver son équilibre interne. On ne doit jamais bloquer ses mouvements et ses gestes. Jamais ne nous devons intervenir physiquement en contraignant les mouvements de la personne. Il est préférable de l’amener dans un endroit calme, sans le toucher et de veillez à sa sécurité.
Ne pas tenter de modifier directement ces manifestations ne signifie pas de ne rien faire, de n’apporter aucune aide à la personne autiste et de la laisser à elle-même. Il s’agit d’une part d’accepter que l’autiste ait une structure interne totalement différente des non autistes et que les réactions ne sont pas les mêmes. L’interprétation que les neurotypiques peuvent donner de la crise n’est pas nécessairement juste et bonne. Ces effondrements autistiques ne sont pas un non-sens exemptant d’explication logiques : ils sont des appels à l’aide et un mécanisme de survie.
Lorsqu’il s’agit de jeunes enfants autistes, il faut toujours garder en tête également que ces effondrements autistiques sont également combinés un cerveau encore immature pour comprendre et exprimer toutes les émotions qui l’envahissent. Il est ainsi de notre devoir en tant qu’adulte d’apprendre à l’enfant à mettre des mots sur ces ressentis ET de comprendre comment fonctionne son cerveau autistique. Il s’agit d’un double travail !
Sur un travail à long terme, il est important que la personne autiste puisse communiquer, peu importe le moyen et nous devons l’aider à apprivoiser son fonctionnement interne. Et pour ce faire, il est important d’attendre que l’effondrement soit complètement passé et d’attendre l’accord de la personne autiste pour revenir sur l’événement afin d’en trouver les déclencheurs, les émotions et les méthodes pour éviter les prochains effondrements.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité, co-chercheuse en autisme