La mémoire est souvent un sujet de frustration pour les personnes ayant un TDAH. Les oublis fréquents, la difficulté à se souvenir d’une tâche ou d’une conversation semblent parfois être attribués exclusivement au TDAH, comme s’il s’agissait d’une dysfonction intrinsèque du cerveau. Mais est-ce réellement le cas ?
En réalité, de nombreux facteurs influencent la mémoire, et le stress est l’un des plus puissants. Pour les personnes ayant un TDAH, cette dynamique est amplifiée, non pas en raison d’un dysfonctionnement, mais parce que leur cerveau est naturellement plus sensible aux stimuli. Ce n’est pas un déficit ni un trouble, mais une manière de percevoir et d’interagir avec le monde.
Le TDAH : un cerveau attentif à tout
Contrairement à l’idée préconçue que le TDAH est synonyme de distraction, il serait plus juste de dire que le cerveau TDAH est particulièrement vigilant. Il capte un grand nombre de stimuli dans l’environnement : des bruits subtils, des mouvements, des changements imperceptibles. Cela peut donner l’impression d’être distrait, alors qu’en réalité, il s’agit d’un cerveau « à l’affût », très utile à l’époque des chasseurs-cueilleurs! Cette capacité est un atout, mais elle peut aussi surcharger le système nerveux, car chaque stimulus est un stresseur potentiel.
Un stimulus n’est pas forcément signe de menace. Par exemple, un son doux ou une lumière agréable peuvent stimuler le cerveau sans être un danger. Mais lorsqu’il y a une surcharge de stimuli, le corps peut interpréter cela comme une situation stressante, ce qui active la réponse au stress.
Le stress : un impact direct sur la mémoire
Le stress, même de faible intensité mais chronique, affecte directement la mémoire. Lorsqu’une personne est stressée, le cerveau libère des hormones comme le cortisol. Une exposition prolongée à ces hormones peut perturber les zones cérébrales impliquées dans la mémoire, notamment l’hippocampe.
Selon des études en neurosciences, le stress diminue la capacité du cerveau à encoder et à récupérer des souvenirs. Cela ne veut pas dire que les souvenirs disparaissent, mais qu’ils deviennent moins accessibles . Chez les personnes ayant un TDAH, le fait de percevoir plus de stimuli augmente la probabilité de ressentir du stress, ce qui peut expliquer les oublis fréquents ou les difficultés de mémoire, particulièrement avec notre mode de vie effrénée.
Un indicateur, pas un symptôme
Si on considère ces oublis comme des « manifestations » plutôt que comme des symptômes, ils deviennent une invitation à écouter les besoins de notre corps. Ces moments d’oubli pourraient indiquer un besoin de repos, de sérénité ou d’une meilleure gestion des stresseurs externes. En ce sens, les difficultés de mémoire ne sont pas une fatalité liée au TDAH, mais une conséquence d’un équilibre à rétablir.
Une approche proactive et bienveillante
Plutôt que de dire « c’est la faute de mon TDAH », on peut choisir de voir ces manifestations comme des signaux. Par exemple :
• Ralentir : Prendre des pauses pour éviter la surcharge sensorielle.
• Réduire le stress : Intégrer des pratiques comme la méditation, la respiration consciente ou la cohérence cardiaque.
• Prioriser les besoins : Identifier les facteurs de stress dans l’environnement et les ajuster.
• Apprivoiser son cerveau : Comprendre que capter davantage de stimuli est une force qui peut être canalisée avec des stratégies adaptées.
En fin de compte, la mémoire, les oublis et les défis cognitifs des personnes ayant un TDAH ne sont pas des « failles » de leur cerveau, mais le reflet d’un cerveau extraordinairement attentif et vivant. En apprenant à écouter ces signaux et à répondre aux besoins du corps, nous transformons les défis en opportunités de croissance et d’épanouissement.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme
Références :
1. Stress et mémoire • McEwen, B. S., & Sapolsky, R. M. (1995). Stress and cognitive function. Current Opinion in Neurobiology, 5(2), 205–216.
• Le stress chronique altère l’hippocampe, rendant la mémorisation et la récupération des souvenirs plus difficiles.
2. TDAH et perception accrue • Barkley, R. A. (2015). Attention-Deficit Hyperactivity Disorder: A Handbook for Diagnosis and Treatment. Ce manuel met en avant la sensibilité accrue aux stimuli environnementaux chez les personnes TDAH.