TDAH : l’urgence d’un changement de paradigme

TDAH : l’urgence d’un changement de paradigme

Aujourd’hui, nous assistons à la dérive du paradigme médical. Un modèle pour lequel l’originalité, les étapes de vie, les défis, la détresse et la souffrance humaine sont bien rapidement considérés comme des affections psychiatriques. 

Le 31 janvier dernier, dans une lettre ouverte[1], 48 professionnels, dont 45 pédiatres dénoncent la surmédicamentation des enfants québécois ayant reçu un diagnostic de TDAH et sollicitent la réflexion collective. 

La neurodiversité[2] et nous en tant que militantes du mouvement, soutenons cette lettre ouverte et appelle à un changement de paradigme. 

Statistiquement parlant, à l’heure actuelle 23 % des adolescents ont reçu un TDAH et 17 % ont reçu un trouble anxieux. Ces chiffres alarmants ne tiennent pas compte des autres « troubles psychiatriques » comme l’autisme, la bipolarité, la dépression, les troubles alimentaires, etc. 

À l’époque où la science nous démontre que le développement d’un être humain est un processus variable et unique, ces dernières statistiques devraient nous inquiéter et nous amener à réfléchir sur notre conception de la normalité, sur les standards de développement des enfants, sur l’uniformisation de l’enseignement, sur notre mode de vie, sur la performance ainsi que sur nos attentes personnelles.

Les fondements théoriques du modèle médical sont majoritairement basés sur une approche neurologique et génétique selon laquelle le cerveau est rapidement considéré comme dysfonctionnel lorsque des défis sont rencontrés. Il est d’emblée admis que les enfants en difficulté souffrent d’un trouble neurologique, en l’occurrence ici, d’un TDAH.

Collectivement, nous en sommes venus à justifier, voire à idolâtrer le modèle médical qui vient apaiser éphémèrement la détresse et déculpabiliser en masquant le manque de connaissances et d’outils alternatifs, laissant l’illusionnisme d’avoir somme toute agi pour le mieux-être. Cela, non sans risque pour ces jeunes concernés pour qui leur problématique est transformée en trouble mental.

À l’heure actuelle, notre société voue un culte à ce modèle biomédical, dominant et bien ancré dans nos mentalités, brimant notre sens critique. Nous tendons à prendre ces théories sur les troubles neurodéveloppementaux pour acquises. Mais, une question est rarement posée : quelle est la validité de ces troubles d’apprentissage ? Personne ne détient cette réponse. Affirmer le contraire serait une grave erreur scientifique et éthique. 

N’oublions pas que dans les faits, nous nous basons simplement sur des observations, des listes de critères subjectives, sur ce que nous appelons « troubles du comportement » pour émettre un diagnostic psychiatrique. Aucun marqueur biologique ne permet d’assurer la validité dudit diagnostic émis. En ce sens, tout diagnostic neurologique émis demeure subjectif. Ceci ne veut pas dire que la diversité neurologique n’existe pas ni que la détresse n’est pas présente. Ceci veut simplement dire que les évaluations psychiatriques comportent des limites humaines et scientifiques quant à la fiabilité, d’autant plus lorsqu’on met l’accent sur le dépistage précoce des enfants en âge préscolaire. La recherche nous apporte d’ailleurs certaines réponses concernant la validité de ces outils de dépistages[3]. Le risque de mal interpréter les comportements est énorme. Le risque de s’enfermer dans un diagnostic ou dans une difficulté donnée et d’y réduire l’enfant à ces derniers est réel et préjudiciable. 

De plus, nous ne tenons que très rarement compte de l’environnement dans lequel l’enfant évolue. L’accent est excessivement mis sur la vision médicale. Dès qu’un enfant éprouve des difficultés, rencontre des défis, a certaines lacunes, nous croyons immédiatement qu’il a un trouble quelconque. Nous ne remettons que très peu souvent les méthodes d’apprentissage en doute ni le contexte familial dans lequel le jeune grandit. Des facteurs qui influencent pourtant considérablement ses comportements et ses émotions, dont sa concentration et son hyperactivité en classe. 

Sommes-nous devenus à « pathologiser » ni plus ni moins des comportements normaux humains; à pondérer l’enfance ? La profession médicale outrepasse-t-elle sa vocation? Il semblerait qu’au-delà d’apporter des soins aux individus, l’institution médicale s’attribue le droit de définir le concept de normalité et par conséquent, de définir ce qu’est un être humain normal. Cette transgression médicale est la force motrice derrière cette immodération de la solution pharmacologique.  

La neurodiversité[4] et nous en tant que militantes du mouvement, dénonçons cette médicalisation des émotions et des comportements humains qui en découlent.

Le concept de la neurodiversité apporte ce changement dans la manière dont d’une part, nous considérons le fonctionnement cognitif et d’autre part, sur nos méthodes de soutien envers les jeunes – et adultes – rencontrant des défis. 


Le gouvernement caquiste a annoncé récemment que 70 à 90 millions $ seraient investis au cours des deux prochaines années pour la détection des retards de développement chez les enfants. Vraisemblablement, ces mesures de dépistages précoces enrichissent cette force médicale dans un engrenage clinique qui est déjà hors de contrôle. De plus, par exemple, « il est bien documenté que les diagnostics précoces – en autisme – sont plus à risque de ne pas être confirmés par l’évolution de l’enfant (Turner & Stone, 2007), puisqu’un tiers des diagnostics portés avant 24 mois s’avèrent ultérieurement inexacts.[5]» Le risque de confondre immaturité cérébrale avec un trouble est énorme.

Une annonce donc plus qu’inquiétante considérant cette surmédicamentation et le manque de ressources humaines pour accompagner ces jeunes dans une approche humaine ayant en compte la situation unique globale de ceux-ci. Tel un ordinateur comprenant trop d’erreurs dans le programme (un bogue), le gouvernement semble appeler au formatage des enfants. Dans cette optique, nous interpellons le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, afin que ces dernières mesures annoncées soient réévaluées. 

Par ailleurs, nous soulignons l’importance de ne pas transférer la problématique c’est-à-dire de transformer le « TDAH » en d’autres troubles psychiatriques immuables. Par exemple, les troubles du comportement et les troubles anxieux semblent être mis de l’avant pour expliquer les problématiques des jeunes. Certes, ces défis sont bien réels et les problématiques doivent être prises au sérieux. Mais, n’en faisons pas des troubles mentaux ! Essayons de développer des stratégies, des compétences, des ressources pour nos enfants. Accompagnons-les avec bienveillance. L’anxiété par exemple, fait partie de la vie : la réaction au stress est par ailleurs inévitable. Mais, il est possible d’apprendre à la canaliser et d’en tirer profit pour nous propulser plus loin au quotidien et ainsi, développer la résilience. 

Au-delà des nombreuses sources extérieures pouvant perturber la concentration laissant croire à un « TDAH », nous oublions l’essentiel : la diversité humaine. Ces personnes excentriques, originales, créatives, intuitives qui ont toujours existé ainsi et dont notre société actuelle a de plus en plus tendance à stigmatiser sous des diagnostics psychiatriques dont les troubles neurodéveloppementaux. 

Nous avons tous une part de responsabilité. Et si nous prenions le temps de comprendre l’origine des comportements qui nous dérangent ? Et si nous prenions le temps pour découvrir qu’un changement dans nos approches pourrait établir une harmonie dans nos relations interpersonnelles ? Et, si finalement, nous acceptions que la normalité soit un mythe construit à partir de la souffrance de ceux qu’on soumet ? Nous demandons d’ouvrir le dialogue avec toutes les parties concernées, sans exclure les personnes ayant reçu un diagnostic. Pour que l’investissement soit fait de manière efficace sans trimballer les erreurs du passé.



Signé Lucila Guerrero, Mentore de rétablissement en santé mentale et Mélanie Ouimet, fondatrice de La Neurodiversité.


Références complémentaires : 

Caitlin M. Conner, Ryan D. Cramer et John J. McGonigle

https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Rapports/ServicesSociaux/INESSS_CoupDoeil_TDAH.pdf?fbclid=IwAR2_ru-VhaXP9EiXktIxVDTQ4O1g4QV5mqM-jUWNH169PuZigJ2sy5vBpJo

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/547952/une-lecture-sociologique-du-tdah?fbclid=IwAR14ChRtiGsrTuzU_Go5c-hacHn1grnSI3pPwbIFzTuzJAKTl6lLXZjYNwc

https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Rapports/ServicesSociaux/INESSS_CoupDoeil_TDAH.pdf?fbclid=IwAR3-v2_WX2iORp_ojwri1IWaYRn_Y1NCSX7SexaqUPDELGzqWh46r03gDVs

https://secure.cihi.ca/free_products/choosing-wisely-baseline-report-fr-web.pdf?fbclid=IwAR3nP-9wA7M7vzznmW2SmV5BxCxEkJjbgBTZGov2EIMN1aC3mXTXK7FVqHY


[1] https://www.journaldequebec.com/2019/01/31/tdah-et-medicaments-sommes-nous-alles-trop-loin

[2] http://neurodiversite.com

[3] Sommes-nous tous des malades mentaux ? La vérité sur le DSM-5, ODILE JACOB, Allen Frances, 2013

[4] http://neurodiversite.com

[5] L’intervention précoce pour enfants autistes, Laurent Mottron, MARDAGA, 2016

TDAH : une pathologie?

TDAH : une pathologie?

Le livre « pourquoi être ordinaire quand on peut être spécial » de Sylvain Guimond et Johanne Lévesque dernièrement paru amène un regard positif sur le TDAH. 

Derrière ce livre, nous pouvons y lire ce passage en guise de prémisse « En réalité, chacun de nous est unique et spécial, ce qui donne sa beauté à notre monde. Cependant, la crainte de sortir de rang nous a amenés collectivement à identifier nos différences et à la cataloguer. La société a alors diagnostiqué des pathologies parfois insensées, sinon dangereuses et aux conséquences trop souvent malheureuses pour nous, nos enfants, et notre avenir. »

Un passage fort qui dérange, chamboule et remue notre vision collective sur les troubles mentaux maintenant diagnostiqués en masse. Je me demande comment avons-nous pu en arriver là? Comment l’observation de comportements atypiques a-t-elle pu mener à une telle dérive envers des êtres humains?  Comment pouvons-nous comparer, rabaisser, étiqueter des humains entre eux? Mais qui a décidé d’établir que le cerveau humain devrait être uniforme? Qui a donc mis la ligne de la normalité à ne pas franchir ? Qui a pu se permettre d’affirmer qu’un cerveau est sain et l’autre troublé? 

Aujourd’hui, nous assistons au cirque du TDAH. Une maladie, un trouble, un déséquilibre inventé de toutes pièces. Des médecins, des pédiatres, des psychiatres et d’autres spécialistes ont autoproclamé les comportements des personnes ayant un TDAH comme des troubles, des pathologies, des déséquilibres conduisant des réactions démesurées, exacerbées et disproportionnées. 

Le cirque du TDAH dans lequel le TDAH est devenu le mal du siècle. Un mal épidémiologique qui s’en prend à nos enfants. Un mal pour lequel il est urgent de trouver les causes, un remède. Un mal que l’on doit guérir ! 

Un cirque où l’on pointe du doigt ces enfants comme étant des mal élevés, des colériques, paresseux et d’hyperémotifs, des impulsifs, des incapables ! Nous avons préféré voir un trouble en ces enfants, en ces adultes, plutôt que de voir en eux un potentiel créatif, authentique, sensible et unique. Nous avons préféré choisir la voie pharmacologique plutôt que la voie de la remise en question de notre fonctionnement sociétaire. 

Or, pour avoir ce potentiel créatif débordant et cette pensée hors du cadre, il est essentiel que notre cerveau soit moins inhibée, moins restreint par le cadre social, plus spontanée, plus intuitif, rapide et logique. Des différences cérébrales à la base même de la neurologique du « TDAH ». Une différence que l’on s’empresse de remédier par des médicaments. Des médicaments qui petit à petit éliminent cette richesse qu’est la diversité humaine. 

Nous avons inventé une maladie de toute pièce au bonheur de l’industrie pharmaceutique : le TDAH

À aucun moment, ces experts semblent avoir cru bon de se demander comment pouvait se sentir une personne ayant un TDAH au-delà de ses défis sociaux et environnementaux.

Investiguer sur le « trouble » a primé sur l’être humain tant et si bien que l’être humain se croit lui-même réellement trouvé et inférieur. Bien que les médicaments puissent être indispensables dans des cas d’exception, nous semblons avoir généraliser cette option comme étant LA bonne solution et nous semblons l’avoir justifié par le TROUBLE. Le mot « trouble » rend donc le traitement pharmacologique quasi obligatoire.

Pendant ce temps, des humains souffrent. Des humains qui essaient de faire comme les autres, mais qui n’y parviennent pas. Des humains qui se demandent ce qu’ils ont de mauvais en eux. Des humains qui se cherchent et se dévalorisent. Des humains ayant une neurologie divergente qu’on demande d’effacer. Des humains à qui on demande d’effacer l’essence même de leur personnalité et de leur âme. 


Mélanie Ouimet

La pensée en images, les fonctions exécutives et l’attention

La pensée en images, les fonctions exécutives et l’attention

Le « déficit » des fonctions exécutives est une problématique de plus en plus abordée lorsqu’on parle entre autres d’autisme ou de TDAH. 

Les fonctions cognitives sont les capacités de notre cerveau nous permettant de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances[1]. Les fonctions exécutives et l’attention font parties de ces fonctions cognitives. 

Les fonctions exécutives représentent un ensemble hétérogène de processus cognitifs de haut niveau. Ces processus cognitifs sont associés généralement à l’intelligence d’un individu. Quand une personne a des difficultés à ce niveau, nous avons tendance à nommer cette difficultés « troubles », ou « déficit ». 

Cependant, nous oublions un élément fondamental. Les neurologies divergentes. Le fonctionnement de la société n’est basé que sur la neurologie majoritaire, celle des neurotypiques. Tous les comportements que nous pouvons observer, comme les processus cognitifs sont basés sur cette norme et également évaluer selon cette norme. 

Les autistes et les personnes ayant un TDAH ont un cerveau davantage perceptif. Quand notre cerveau analyse les informations de manière perceptive, l’ordre de pensée n’est pas linéaire. Le cerveau est bombardé de stimuli et le flux informatif est très élevé. 

Il est alors facile de se sentir perdu, confus et distrait parce qu’on n’arrive que difficilement à rendre les informations entrantes fluides et de les prioriser. Il y en a trop. 

Lorsqu’on traiter les informations de manière perceptive, il faut généralement plus de temps pour traiter les informations abstraites et les environnements changeants. Il faut les analyser de manière consciente, manuellement. Nous devons essayer de construire un scénario continu et fluide avec des images reçues de toute part, sans lien nécessairement les unes avec les autres. 

Nous avons un tas d’images, d’idées et de schémas qui circulent dans notre tête. Elles circulent extrêmement rapidement, sans ordre linéaire. Quand un imprévu ou une nouvelle tâche s’ajoute, notre schéma initial s’égare ou explose et nous devons tout refaire pour donner un sens cohérant. C’est un processus ardu et complexe. 

Plus nous apprenons à connaître notre mode de penser, plus nous devenons habiles pour conceptualiser les mots et notre environnement en image (schémas, pattern, émotions, etc.), plus nous apprenons à faire des associations rapidement entre nos images et ainsi, à être plus fonctionnel dans notre quotidien. 

Avoir un cerveau favorisant un traitement perceptif n’est pas un déficit attentionnel et ni un déficit des fonctions exécutives. 

Lorsqu’on parle d’attention et de fonctions exécutives, nous nous basons sur le fonctionnement des neurotypiques, les personnes qui ont le fonctionnement neurologique majoritaire, c’est-à-dire, une pensée linéaire, plus ordonnée. Alors, il est impossible de comparer ces deux modes de pensées qui sont totalement différents.

On ne peut pas demander à une personne d’avoir un ordre linéaire de ses pensées et de sa planification quand son mode de pensée inné est non linéaire !

Lorsque notre cerveau analyse les informations entrantes de manière perceptives, il favorise la pensée en images et la réflexion intuitive. Les pensées sont nombreuses, arborescentes et très rapide. Plus rapide que le raisonnement verbal. La confusion et la dispersion surviennent souvent et la personne peine à expliquer son raisonnement et ses pensées. Elle peut avoir l’impression d’être plongée dans un profond brouillard. 

La majorité des personnes neurodivergentes adultes ignorent ou ont ignoré leur fonctionnement. Personne n’a tenu compte de leurs particularités. Plutôt que d’adapter l’environnement et de tenir compte de leurs différences, leur entourage, le système scolaire et le milieu de travail tentent de normaliser ou ne tient tout simplement pas compte de ces particularités. Souvent, elles ont été critiquées et forcées de se mouler afin de faire comme les autres. Ces personnes passent pour paresseuses et d’irresponsables.

Les gens ne s’imaginent même pas tous les efforts que ces personnes doivent déployer pour essayer d’être fonctionnel dans leur quotidien. Elles sont incapables de planifier correctement et d’accomplir leurs tâches quotidiennes. Elles sont dispersées, confuses, anxieuses et elles doivent faire d’énormes efforts pour essayer de fonctionner au rythme de la société… mais elles n’y parviennent pas. Elles ont appris à compenser leurs difficultés attentionnelles et d’organisation plutôt que d’apprendre leur mode de fonctionnement divergent. 

La personne n’a tout simplement jamais pu capter comment elle fonctionne. Elle essaie seulement de compenser sans cesse pour être à la hauteur des exigences. Quand on compense toute sa vie, on ressent un profond sentiment de honte et d’incompétence. Le sentiment de ne jamais être à la hauteur. Le risque de développer de l’anxiété généralisée ou de sombrer dans une dépression est bien réelle. 

Notre société étant construite en fonction de la majorité, le mode de réflexion est d’établir des listes de tâches déroulantes suivant un ordre linéaire. La majorité des gens analysent les informations les unes après les autres. Les idées s’enchaînent dans l’ordre séquentiel, étapes après étapes. 

Mais quand une personne autiste, TDAH ou toutes autres personnes ayant cette pensée perceptive réfléchit, c’est une explosion d’idées et de tâches qui surviennent dans tous les sens dans le cerveau. La personne est assaillie de mots, de couleurs, d’odeurs, d’émotions, d’images, de schémas. 

Il est alors évident qu’il est impossible de « lire » le dessin non linéaire de la même manière que le dessin linéaire !

Dans l’explosion d’idées, il y a un élément central auquel il est embranché une multitudes d’autres chemins et idées. L’élément central est souvent l’idée (ou la tâche) sur laquelle on réfléchissait initialement. Il est donc essentiel de nous recentrer sur cette idée de base pour avancer et accomplir la tâche. Une idée centrale nous amène vers d’autres pensées secondaires et la personne fait des associations entres les pensées secondaires. Les cartes mentales ou le « mindmapping » pourraient très bien représenter ce mode de pensée non linéaire. 

Il est possible de mettre de l’ordre dans le chaos de nos pensées et de moins se laisser submergée par ce flot informatif. Il est essentiel tout d’abord de connaître de mode de pensée et de le respecter. Par la suite, nous pouvons nous recentrer sur nous-même et sur notre objectif principal. Et n’oublions pas, les fonctions exécutives sont des compétences qui se développent… à long terme!

Mélanie Ouimet


[1] https://aqnp.ca/la-neuropsychologie/les-fonctions-cognitives/

Le TDAH n’est pas un déficit d’attention

Le TDAH n’est pas un déficit d’attention

Le terme « déficit » d’attention porte grandement à confusion. Tout d’abord, ce terme laisse sous-entendre que la personne est incapable de se concentrer du tout ou seulement sur une très courte période. Pourtant, lorsqu’on s’attarde au fonctionnement interne d’une personne ayant un « TDAH », l’attention n’est pas manquante, au contraire, ni troublée dans sa modulation.

Il n’y a pas qu’une seule, unique et bonne manière de se concentrer. Thom Hartmann a fait une comparaison intéressante pour illustrer l’attention distinctive des personnes ayant un « TDAH ». Leur attention fonctionne comme un radar à balayage. Comparativement aux personnes neurotypiques qui ont une attention comparable à un projecteur.

Ainsi, l’observation de l’environnement, d’un objet ou d’une image se fait point par point. Ils ont pleinement conscience de leur environnement en entier. On parle d’une attention multifocalisée. Tandis que l’attention d’un neurotypique se concentre sur un seul point à la fois.

Les personnes ayant cette attention multifocalisée sont hypersensibles (frontières interpersonnelles souples) et perceptives. Ainsi, ils ont la capacité de voir le portrait global d’une situation avec l’ensemble des détails, même ceux qui passent généralement inaperçus pour la majorité des gens. C’est ainsi qu’il devient pour eux, extrêmement difficile de percevoir qu’une seule chose à la fois et de s’y concentrer, s’il n’y a pas d’intérêt pertinent de le faire. Elles voient constamment le portrait en figure-fond sans interruption. Ces personnes perçoivent ainsi la globalité de leur environnement de manière très complexe. Elles sont sensibles aux bruits ambiants, à la lumière, aux mouvements des gens, etc. Elles voient et ressentent tout, constamment. Comme le souligne la psychologue Diane Dulude dans son livre le TDAH, une force à rééquilibrer, elles ont la capacité de percevoir les différentes perspectives. Ce qui peut s’avérer une grande force et un véritable défi à la fois.

Il serait donc faux de croire que la personne ayant un « TDAH » ne perçoit pas les détails ou n’y prête pas attention. C’est totalement l’inverse. Et, lorsque nous avons cette capacité de percevoir tous les détails d’une situation, il devient extrêmement difficile de rester concentré sur une seule chose précise à un moment précis.

La difficulté de cette attention réside principalement du fait que l’environnement, particulière l’environnement scolaire, est très peu adapté à cette neurologie. L’enseignement et les salles de classe sont pensés et conçus par rapport à la norme : l’attention comme un projecteur, un seul angle.

Cette hypersensibilité et cette intelligence perceptives les amènent à être plus facilement décentrés par leur environnement et c’est sur ce plan que nous pouvons travailler avec eux.

En se basant sur le modèle d’attention déficitaire, les stratégies qui sont couramment offertes servent à pallier ce « faux déficit ». Ainsi, ces stratégies, en plus de faire fausse route sur la compréhension du « TDAH », ne sont pas du tout adaptées à cette neurologique. Plutôt que d’apprendre à la personne comment son cerveau fonctionne et de respecter son fonctionnement, nous travaillons contre sa neurologie, en mode compensatoire. Les méthodes comportementales utilisées actuellement encadrent la personne de manière stricte. On instaure souvent un système de récompenses pour motiver l’enfant, on impose des limites, des horaires à respecter, on tente de le structurer au maximum. Or, à la base, le « TDAH » n’est pas un trouble de comportement, il n’y a donc rien à corriger ou à améliorer à ce sujet. Les méthodes comportementales essaient également de compenser le « déficit attentionnel », en ayant comme objectif d’amener la personne à avoir une attention standard (normale) plutôt que de comprendre comment fonctionne son attention.

Si au contraire, on apprend à la personne ayant un « TDAH » comment fonctionne son cerveau, on peut s’adapter à sa manière d’aborder les travaux scolaires par exemple, les tâches quotidiennes, les rapports sociaux, etc.

Les personnes ayant un « TDAH » sont les mieux placées pour comprendre leur propre mode d’apprentissage. Il est donc essentiel de leur faire confiance, même si cela semble complètement inusité. C’est en misant sur ses préférences, sa créativité, en les laissant elles-mêmes explorer ce qui leur convient le mieux qu’elles parviendront à mieux se définir, à mieux se connaitre, à comprendre leur neurologie et à en tirer profit.

Lorsque la personne a un concept de soi mieux défini et des intérêts personnels qui soulèvent la passion, sa motivation incroyable se soulève et elle peut mettre à profit sa capacité de grande concentration d’où peuvent immerger plusieurs nouvelles idées créatives. L’hyperfocalisation est une force incroyable souvent banalisée et parfois même ignorer lorsqu’on aborde le TDAH.

Nous pouvons donner des outils à la personne afin qu’elle puisse mieux gérer son attention de manière autonome, sans être constamment éparpillée. Nous pouvons également l’accompagner afin de clarifier son concept de soi en l’aidant à prendre conscience de ses intérêts et passions.

On ne peut pas parler de « déficit » d’attention puisque celle-ci n’est ni absente, ni inférieure, ni déficiente. Il y a seulement un cerveau qui fonctionne de manière différente : une variation génétique du traitement de l’information.

Être concentré sur une seule chose à la fois n’est pas l’unique mode de percevoir notre monde.

Mélanie Ouimet


Références :

Théorie du chasseur-cueilleur

Le TDAH, une force à rééquilibrer : Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivitéDiane Dulude, PH.D, Les éditions du CRAM et les éditions Porte-Bonheur.

TDAH: comprendre et favoriser l’estime de soi

TDAH: comprendre et favoriser l’estime de soi

Éparpillé, décentré, agité, impulsif, rêveur, colérique, oppositionnel sont des qualificatifs péjoratifs et dévalorisants souvent décrits pour parler d’une personne ayant un TDAH. On observe, on appose des étiquettes et on instaure un plan d’intervention. Les approches traditionnelles, outre la médicamentation, concentrent leurs efforts sur des thérapies comportementales qui se caractérisent par un programme d’encadrement et de surveillance. On établit avec l’enfant des objectifs et des récompenses dans l’objectif d’obtenir de celui-ci de meilleurs comportements et résultats. Cependant, ces deux méthodes omettent l’essentiel : la perception et le vécu intérieur de la personne ayant un TDAH. 

Par ailleurs, la faible estime de soi est souvent remarquée chez les personnes ayant un TDAH. A priori, il est facile de faire le lien entre les difficultés et les échecs rencontrés et la faible estime de soi. Cependant, cette relation de causes à effet est trop simpliste. 

Pour comprendre les comportements et réactions des personnes ayant un TDAH, il est essentiel de connaître leur fonctionnement interne. La grande sensibilité que possèdent les personnes avec une attention modulaire est un élément clé dans cette compréhension. Leur frontière interpersonnelle est en effet très souple et perméable à l’environnement qui les entoure. Ainsi, de par cette grande hypersensibilité, les personnes ayant un TDAH perçoivent et ressentent l’ambiance et les émotions d’autrui très fortement tant et si bien qu’il est difficile, voire impossible, de faire la distinction entre leurs propres émotions et celles des autres. Le chaos interne s’installe donc facilement. 

Les personnes ayant des frontières interpersonnelles si perméables se retrouvent rapidement désorganisées et en surcharge sensorielle. C’est ainsi que, facilement, nous les jugerons et blâmerons d’être lunatiques, d’avoir l’esprit ailleurs, d’être paresseux, d’être distraits, d’être brouillons ou d’être rêveurs. Alors que leur besoin immédiat est simplement d’avoir un endroit calme pour se ressourcer et se recentrer sur elle-même.

Les frontières interpersonnelles souples jouent également un rôle sur le plan émotionnel. La tolérance à la frustration est généralement basse. On remarque des comportements impulsifs et oppositionnels. Ainsi, les parents, souhaitant mettre fin à ces « mauvais comportements », peuvent se retrouver dans un cycle sans fin d’argumentation, de punitions, de conséquences et constater que leur enfant semble complètement indifférent. 

Les punitions, les conséquences ainsi que les méthodes de renforcements positifs ne sont pas des solutions efficaces et concrètes et ne font qu’accentuer la mauvaise estime de soi d’une personne qui ne sait pas bien se définir soi-même. Gardons en tête: derrière chaque comportement se cache une émotion, un sentiment, une sensation qui est nécessaire de décoder. 

Par leur concept de soi mal défini, les sentiments d’ennui, de honte, d’incompétence, d’embarras, de solitude, d’incompréhension, etc. sont souvent ressentis chez les personnes ayant un TDAH et ces sentiments jouent un rôle majeur dans l’état d’agitation, de dispersion, d’impulsivité et de frustration observé chez ces personnes. Il est ainsi important d’accueillir cette expression maladroite sans jugement et sans punition et d’y apporter, par la suite, des outils pour aider la personne à mieux se comprendre et s’exprimer dans le futur. 

Le développement d’un lien d’attachement et de sécurité au sein de la famille est à la base du développement d’une bonne estime de soi. L’écoute empathique sans jugement permettra à la personne de se sentir aimée et accueillie pour ce qu’elle est. Décrypter le sens des comportements et paroles malhabiles : besoin d’écoute, besoin de considération, de se sentir aimé, de compréhension, de respect, de tendresse, de douceur, etc. Aider la personne à savoir mettre des mots sur son vécu, sur ses ressentis, décoder ce qui lui appartient de ce qui ne lui appartient pas. Il sera ensuite plus facile de gérer les stimuli environnementaux ainsi que les émotions des autres et par conséquent, de mieux se définir en tant que personne indépendante d’autrui : d’avoir un concept de soi plus clair. 

Une personne ayant un TDAH a souvent de la difficulté à se définir et les défis deviennent alors nombreux. La malléabilité de leurs frontières interpersonnelles rend extrêmement difficile le concept de soi, et par conséquent, l’estime de soi. C’est dans cette optique que les interventions devraient se concentrer. 

L’impact des succès, des échecs, des difficultés jouent un rôle dans l’estime de soi. Mais avant tout, l’estime de soi se bâtit sur la connaissance de soi, de ses désirs, de ses besoins, de ses capacités, de ses sentiments, etc. C’est en se penchant sur le fonctionnement interne de la personne ayant un TDAH que nous pourrons favoriser son estime de soi. Nous pourrons l’aider à mieux se définir, à mieux se connaître et ainsi favoriser sa capacité à reconnaître ses habilités, ses qualités, son sentiment de pouvoir et de compétence personnelle. Nous l’aiderons à mieux comprendre le fonctionnement de ses frontières interpersonnelles, à en réguler la perméabilité et à être conscient de ce qui lui appartient comme sentiment et émotions. Nous l’aiderons à atteindre son plein potentiel en toute confiance.


Mélanie Ouimet


Référence: Le TDAH, une force à rééquilibrer : Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivitéDiane Dulude, PH.D, Les éditions du CRAM et les éditions Porte-Bonheur.