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L’orthophonie et le développement organique du langage chez les enfants autistes

Le développement du langage chez les enfants autistes est souvent perçu comme une difficulté, voire un déficit, ce qui pousse de nombreux parents à chercher des services comme l’orthophonie afin de soutenir cet aspect du développement de leur enfant. Cependant, cette vision déficitaire reflète les normes et les attentes sociales autour de la communication plutôt qu’une véritable compréhension des particularités de l’autisme. Il est essentiel de comprendre que ce développement atypique n’est ni un trouble ni un retard en soi, mais bien un développement atypique du langage et de la communication.

Un développement organique et naturel

Contrairement à l’idée d’un retard ou d’un déficit, le langage des autistes se développe de manière organique et naturelle selon un rythme qui leur est propre. Plutôt que de se conformer aux normes et standards neurotypiques de la communication, les enfants autistes explorent des formes d’expression différentes, souvent non verbales ou à travers des systèmes de communication alternatifs. Puis, pendant que le langage verbal se déploie plus tardivement que la moyenne, les enfants autistes déploient leurs facultés perceptives. Ils développent donc d’autres compétences essentielles à leur développement global avant le langage verbal.

Par exemple, un enfant autiste pourrait prendre la main d’un adulte pour lui montrer ce dont il a besoin ou utiliser des gestes, des sons ou des expressions faciales spécifiques pour se faire comprendre. Ces comportements communicatifs sont parfois interprétés comme un manque de communication, alors qu’ils constituent en réalité des formes naturelles et innées d’expression. Les services d’orthophonie, bien qu’ils puissent être utiles, ne doivent jamais être perçus comme un moyen de forcer l’enfant à entrer dans des normes communicationnelles qui ne lui correspondent pas.

Pressions sociales et pathologisation du développement

La société dans laquelle nous vivons est profondément structurée autour de normes strictes en matière de communication et de comportement. Dès la garderie et plus encore à l’école, les enfants sont confrontés à des attentes précises concernant leur langage et leur manière de socialiser. Malheureusement, pour les enfants autistes, ces environnements sont souvent ressentis comme oppressants parce qu’ils ne respectent pas leur rythme de développement naturel.

Cette pression pousse souvent à pathologiser ce qui, dans un autre cadre, pourrait simplement être considéré comme une expression de la diversité humaine. Le fait que les autistes ne répondent pas aux critères standards de communication ne signifie pas qu’ils ont un trouble ou un retard, mais plutôt que les environnements scolaires et sociaux sont trop rigides pour accommoder cette diversité. En d’autres termes, ce n’est pas le développement de l’enfant qui est problématique, mais la manière dont les institutions perçoivent et traitent la diversité et le développement atypique.

L’importance d’une approche respectueuse et adaptée Dans cette perspective, l’orthophonie devrait s’inscrire dans une démarche respectueuse, visant non pas à corriger ou à normaliser les enfants autistes, mais à les accompagner dans l’exploration de moyens de communication qui leur conviennent. Cette approche doit mettre en avant le respect de la singularité de l’enfant et la valorisation de sa manière innée de communiquer. Les parents et les éducateurs doivent aussi être formés à être attentifs aux signaux naturels de l’enfant, plutôt que de chercher à imposer des codes sociaux qui pourraient être inconfortables ou inadaptés. Il est important de respecter le rythme de développement atypique : les compétences perceptives doivent, la plupart du temps, se développer avant le langage.

L’objectif ne devrait donc pas être de forcer un enfant autiste à utiliser des mots ou des phrases d’une manière qui ne lui est pas naturelle, mais plutôt de respecter toutes les formes de communication qui permettent à l’enfant de s’exprimer selon son propre rythme. Un enfant qui prend la main d’un adulte pour lui montrer ce dont il a besoin communique de façon très claire, même si cela ne correspond pas aux normes verbales habituelles.

L’importance de former les adultes

En réalité, ce n’est pas sur l’enfant qu’il faut concentrer nos efforts, mais sur les adultes qui l’entourent. Les parents, les enseignants et tous les adultes qui côtoient l’enfant doivent apprendre à être à l’affût de toutes formes de communication innées et naturelles, qu’elles soient verbales ou non. Il est primordial de créer des environnements où les enfants autistes se sentent compris et acceptés sans avoir à se conformer aux attentes verbales des neurotypiques.

Un enfant autiste, même s’il ne parle pas de manière conventionnelle, est tout à fait capable de communiquer ses besoins et ses émotions à travers des gestes, des sons ou des comportements. Le défi provient généralement des adultes qui peinent à décoder les messages de l’enfant. En ce sens, il est essentiel que les adultes apprennent à reconnaître ces signaux et à y répondre de manière adaptée, plutôt que d’essayer de contraindre l’enfant à adopter des formes de communication qui lui sont étrangères.

Le développement du langage chez les enfants autistes ne doit pas être considéré comme un retard ou un déficit, mais comme une expression naturelle atypique. Plutôt que de chercher à les intégrer dans des normes sociales qui ne leur conviennent pas, il est essentiel de respecter leur rythme et leurs formes de communication, aussi atypiques soient-elles. Le soutien en orthophonie, s’il est utilisé, doit s’inscrire dans cette perspective, en valorisant les moyens d’expression innés de l’enfant et en formant les adultes à être plus réceptifs à ces signaux.

La véritable inclusion ne consiste pas à changer l’enfant pour qu’il s’adapte au monde, mais à transformer nos normes sociales et nos institutions pour qu’elles accueillent toute la diversité de la communication humaine.

Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme