Lorsqu’on parle du TDAH, on parle souvent de dysrégulation émotionnelle pour expliquer les difficultés d’attention et d’engagement des jeunes et des adultes. Cependant, cette approche pathologise un mécanisme biologique naturel. Comme l’explique Céline Alvarez, l’apprentissage est intrinsèquement lié à l’émotion et au plaisir. Dans son ouvrage « Les lois naturelles de l’enfant », elle explique que l’apprentissage optimal survient lorsque l’enfant est motivé émotionnellement. Selon elle, l’émotion active le système de récompense dans le cerveau, notamment par la dopamine, ce qui renforce la concentration et l’engagement dans les tâches. Il s’agit d’un processus fondamental pour l’engagement, la motivation et donc, l’apprentissage.
D’autres études scientifiques corroborent cette perspective. Immordino-Yang et Damasio, par exemple, démontrent que les émotions sont centrales dans le processus d’apprentissage. Ils expliquent que nous ne pouvons pas apprendre efficacement sans engagement émotionnel. Cela met en évidence l’importance de créer des environnements d’apprentissage qui répondent aux besoins émotionnels des élèves, au lieu de les forcer à suivre des méthodes éducatives qui n’activent pas leur intérêt intrinsèque.
Les personnes neurodivergentes, comme ces qui ont un TDAH, ne sont pas incapables de se concentrer, mais il est possible pour elles de le faire lorsque la tâche est engageante. Cela devient évident avec l’hyperfocus où des personnes qui ont un TDAH peuvent se plonger avec intensité dans des activités qui les passionnent. Ce n’est donc pas une question de trouble de l’attention, mais plutôt de mauvaise adéquation entre les attentes du système éducatif et les besoins biologiques de l’enfant. Ou encore entre les fonctionnements de certains milieux de travail qui ne comblent pas ces besoins fondamentaux des adultes.
Ennui et dysfonctionnement systémique
L’ennui que ressentent de nombreux enfants en classe est le symptôme d’un système dysfonctionnel qui néglige l’importance de l’émotion dans l’apprentissage. On demande aux enfants d’ignorer leurs inclinations naturelles et d’accepter passivement des connaissances qui ne suscitent aucune stimulation émotionnelle. De plus, en étant assis sur une chaise quasi la journée durant! Dans ce cadre, il n’est pas surprenant que beaucoup perdent leur concentration ou deviennent agités. Leurs besoins fondamentaux ne sont pas comblés. On leur demande de réprimer émotions et mouvements quotidiennement. Ouf!
Des études récentes3 sur le TDAH confirment cette observation : la motivation et l’intérêt sont des moteurs essentiels de l’attention. Lorsque l’enfant est motivé émotionnellement, sa concentration est accrue, et ce, même chez les enfants avec un diagnostic de TDAH. Ce n’est donc pas une dysfonction cérébrale, mais bien un décalage entre les méthodes éducatives actuelles et la manière naturelle dont les enfants en général apprennent, particulièrement les enfants neuroatypiques. Et ce n’est pas différent pour les adultes.
Repenser l’éducation pour mettre l’émotion en avant plan
Pour améliorer l’éducation, il est essentiel de revoir le système entier. Plutôt que de considérer l’enfant neurodivergent comme dysfonctionnel, il est temps de reconnaître que l’émotion, l’intérêt et la curiosité sont au cœur des apprentissages.
Le système éducatif actuel, avec son insistance sur la mémorisation et les contenus décontextualisés, échoue à répondre aux besoins émotionnels des enfants, ce qui conduit à des problèmes de concentration et par conséquent, d’apprentissage. L’enseignement devrait donc être adapté pour favoriser des environnements d’apprentissage qui respectent la biologie humaine. Cela implique de proposer des activités qui suscitent un intérêt émotionnel réel et qui activent le système de récompense intrinsèque des enfants. Apprendre ne devrait pas être une contrainte, mais une aventure stimulante, où l’engagement émotionnel est au centre.
Ce n’est pas l’enfant qui a un TDAH qui doit être changé, mais bien l’environnement dans lequel il évolue. En créant des espaces d’apprentissage plus en phase avec les lois biologiques de l’émotion et de la motivation, nous permettons à chaque enfant, neurotypique ou neurodivergent, de s’épanouir pleinement.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme
Références :
1. Alvarez, C. (2016). Les lois naturelles de l’enfant. Les Arènes.
2. Immordino-Yang, M. H., & Damasio, A. (2007). We feel, therefore we learn: The relevance of affective and social neuroscience to education. Curriculum Inquiry, 37(2), 95-113.
3. Corbisiero, S. et al. (2022). A systematic review of emotional dysregulation in adult ADHD. Journal of Attention Disorders.