Le syndrome d’évitement pathologique des demandes (PDA) est un terme qui est encore méconnu au Québec. C’est également un sujet qui continue de susciter un vif débat dans le domaine de l’autisme dans les milieux anglophones. Ce profil de comportement se caractérise par une résistance extrême aux demandes, souvent interprétée comme une volonté de contrôle ou une opposition active. Cependant, à travers une approche plus nuancée, il est essentiel de repenser cette “pathologie” pour y voir un mécanisme de gestion face à l’anxiété et au stress. Je vous partage dans cette série de trois textes une vision non-pathologique de ces comportements ainsi que des pistes pour mieux comprendre ces réactions qui découlent de véritables besoins fondamentaux.
L’évitement comme réponse neurobiologique
Tout d’abord, il est important de spécifier que les comportements d’évitement ne sont pas des choix ou des caprices. Ils sont une réponse adaptative face à une surcharge sensorielle ou émotionnelle. En étant très perceptif, le cerveau des autistes capte davantage de stimuli que les non-autistes. Cette haute sensibilité active davantage le système nerveux qui est hautement sollicité. Les demandes sont des informations que le cerveau doit traiter. Ce sont aussi des stimuli. Quand cela devient trop à gérer, le système nerveux sature, se retrouve en situations de stress. Cela peut se traduire par un figement (freeze), un instinct de fuite ou une opposition frontale. Ces réponses sont instinctives et sont des stratégies de survie dans des situations perçues comme menaçantes.
Le contexte de la demande : un facteur clé
Il est également crucial de prendre en compte le contexte dans lequel la demande est formulée. Des facteurs comme la manière dont la demande est perçue, la répétition des sollicitation, l’absence de choix, trop de choix, l’obéissance peuvent intensifier les comportements d’évitement. Ce sont des contraintes et les contraintes sont par définitions des menaces à notre intégrité. L’être humain a besoin de liberté et d’autonomie. Les recherches en psychologie développementale suggèrent que les enfants, en particulier les autistes, sont plus susceptibles de ressentir une perte d’autonomie lorsqu’ils se sentent pressés ou contraints. Cela renforce l’idée que le stress provient non seulement de la demande elle-même, mais aussi du sentiment de contrôle externe qu’elle peut imposer. Pour certains autistes, ces besoins sont plus prononcés et les contraintes sont de véritables menaces à la survie directe. Ce n’est nullement pathologique mais, neurobiologique.
Approches basées sur l’anxiété et la co-régulation
Une approche centrée sur l’anxiété et donc, sur le besoin de sécurité intérieure est essentielle. Par exemple, le modèle de la théorie polyvagale1 , développé par Stephen Porges, propose que l’interaction sociale soit façonnée par les états de sécurité ressentis par une personne. Lorsqu’une personne autiste se sent en sécurité et entendue, son système nerveux parasympathique peut s’engager pleinement, facilitant ainsi la collaboration. Cela nous invite à créer un environnement relationnel où l’on priorise la connexion avant toute demande, permettant à la personne autiste de mieux réguler ses émotions. Et cela vaut pour tout être humain également.
Défis spécifiques liés au développement
Chez les enfants, le développement cérébral joue un rôle majeur dans leur capacité à répondre aux demandes. Les neurosciences ont montré que les régions du cerveau impliquées dans la régulation émotionnelle, comme le cortex préfrontal, continuent à se développer jusqu’à l’âge adulte. Ainsi, la maturation de ces structures influence directement la capacité d’un enfant et d’un ado à gérer la frustration, l’anxiété et les sollicitations sociales. Cela explique pourquoi les enfants, peuvent être plus vulnérables aux situations stressantes. Et particulièrement pour les autistes et tous autres neurodivergents.
Favoriser l’autonomie et la sécurité
Les approche visant à redonner le pouvoir à la personne sont essentielles. Nous parlons ici d’un pouvoir AVEC plutôt qu’un pouvoir SUR. Proposer des choix, valider les ressentis et reconnaître les limites du moment sont des approches qui permettent de minimiser les réactions d’évitement. De plus, réduire les attentes et offrir des objectifs progressifs peut aider à réduire le sentiment d’impuissance. La sécurité perçue dans l’environnement joue un rôle fondamental dans la régulation émotionnelle et la manière de composer avec les demandes.
Perspectives scientifiques récentes
Ainsi, la terminologie pathologique demeure très controversée. Pour ma part, je vous invite à considérer ces comportements comme des réponses adaptatives vis-à-vis de le stress et l’anxiété élevés. Des études ont démontré que les jeunes qui évitent les demandes ont des niveaux de stress et d’anxiété social très élevés2. Cette étude encourage une approche flexible et individualisée, tenant compte des besoins sensoriels et émotionnels spécifiques à chaque personne.
Par ailleurs, il est important d’adopter des interventions basées sur la réduction du stress, en particulier chez les enfants autistes qui est des comportements d’opposition3. Ils recommandent l’utilisation d’outils de régulation émotionnelle comme la méditation guidée ou des techniques de relaxation pour soutenir le déploiement de la sécurité intérieure.
La résistance aux demandes observée chez certains autistes et autres neuroatypiques peut être vue non pas comme une opposition intentionnelle ou un syndrome pathologique mais plutôt comme une réponse adaptative au stress et à la perte de contrôle perçue. Une menace directe à l’intégrité. En comprenant mieux les mécanismes de régulation émotionnelle et en adaptant nos approches, il est possible de favoriser un climat de confiance et de sécurité où la collaboration devient plus naturelle avec le temps. N’oublions pas que la sécurité intérieure et les compétences prennent du temps à se déployer et à s’acquérir.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme
Références :
1. Porges, S. W. (2017). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-regulation.
2. O’Nions, E., et al. (2020). Pathological Demand Avoidance: What and Who are We Talking About? Journal of Autism and Developmental Disorders.
3. Fidler, D. J., et al. (2021). Anxiety and the Avoidant Responses in Autism Spectrum Disorders. Developmental Psychology.