L’apprentissage du langage chez les enfants autistes est un processus complexe et souvent mal interprété. Contrairement à ce qui est parfois supposé, ce développement ne correspond pas à un retard de langage, mais plutôt à une trajectoire atypique, propre à chaque enfant. Ce processus unique peut être difficile à comprendre si l’on applique les mêmes critères que pour les enfants neurotypiques. C’est pourquoi il est essentiel de s’éloigner des standards habituels en matière de développement du langage.
Chez la majorité des enfants autistes, l’attention se porte généralement sur les aspects perceptifs avant de se tourner vers le langage verbal. Les autistes utilisent davantage leurs aires perceptives pour traiter l’information entrante. Tous les aspects sensoriels de leur environnement sont traités avec plus d’intérêt. Par exemple, c’est qui explique pourquoi certains enfants autistes tendent à maîtriser les motifs visuels avant les sons du langage. Ainsi, il n’est pas rare que certains enfants autistes apprennent à lire avant de parler, car les lettres et les mots constituent des motifs visuels réguliers et facilement reconnaissables. Cette capacité à identifier des patterns dans leur environnement visuel peut se développer bien avant l’apparition du langage verbal1.
Par conséquent, le langage verbal émerge généralement plus tard chez les enfants autistes, souvent vers l’âge de 5 ou 6 ans, voire plus tard. Cependant, il est important de souligner que cette progression n’est ni anormale ni préoccupante. Chaque enfant suit un parcours unique et il est crucial de respecter ce rythme sans imposer des attentes basées sur des normes de développement neurotypique. Les pressions pour accélérer le développement du langage, que ce soit par le biais de l’intervention comportementale intensive (ICI) ou de l’orthophonie, peuvent parfois être contre-productives, créant du stress et de la frustration pour l’enfant et ses parents. Tout est dans l’approche que nous choisissons d’utiliser et nos attentes envers les enfants autistes.
Il est plus pertinent de consolider les compétences perceptives et par le fait même, les compétences cognitives des enfants autistes puisqu’elles représentent leurs points forts et ce pour quoi leur cerveau est construit pour apprendre en premier. Ces compétences peuvent servir de base pour l’acquisition du langage verbal, mais il est essentiel de respecter le rythme de chaque enfant. L’accent doit être mis sur le développement global et harmonieux de l’enfant, plutôt que sur une course pour atteindre des jalons linguistiques spécifiques selon des standards basés sur la norme neurotypique.
En somme, l’apprentissage du langage chez les enfants autistes doit être vu comme un processus individualisé, où chaque enfant progresse à son propre rythme. Il est essentiel de reconnaître et de valoriser leurs forces naturelles, tout en permettant au langage verbal de se développer selon leur propre rythme atypique. Cela permet non seulement de respecter le développement unique des enfants autistes, mais aussi de les soutenir de manière plus adaptée et empathique.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité, co-chercheuse en autisme
Références :
1. Ostrolenk, A., d’Arc, B. F., Jelenic, P., Samson, F., & Mottron, L. (2017). Hyperlexia: Systematic review, neurocognitive modelling, and outcome. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 79, 134-149.
Pour aller plus loin :
Mottron, L. (2017). La logique des autistes. Paris : Odile Jacob.
Soulières, I., Mottron, L., Saumier, D., & Larochelle, S. (2007). Atypical categorical perception in autism: Autonomy of discrimination? Journal of Autism and Developmental Disorders, 37(3), 481-490.