Dans notre société actuelle, les enfants passent une grande partie de leur temps à l’école. Cet environnement a des attentes au niveau des comportements, des émotions et des performances académiques qui ne correspondent que rarement aux besoins des jeunes. Beaucoup de parents et membres du personnel scolaire expriment leur frustration face aux comportements d’enfants qui semblent agités ou inattentifs, comme ceux qui parlent sans permission, se lèvent en classe, ou ont du mal à suivre les consignes. Cependant, derrière ces comportements se cachent souvent des besoins fondamentaux non satisfaits, tels que le besoin de mouvement, de stimulation, et de communication. Ces comportements, souvent perçues comme des manques d’obéissance, soulèvent des questions cruciales sur la manière dont notre système d’éducation respecte - ou ignore - les besoins naturels des enfants.
Les besoins fondamentaux des enfants en opposition aux attentes scolaires
Les attentes scolaires actuelles mettent une pression énorme sur les enfants pour qu’ils restent assis, concentrés et silencieux pendant de longues heures, ce qui va à l’encontre de leur nature profonde. Comme le souligne le pédiatre et chercheur Peter Gray, spécialiste en psychologie de l’éducation, les enfants possèdent un besoin inné de mouvement et d’interaction sociale pour développer leur cerveau et leur sécurité corporelle. Il mentionne que les enfants apprennent mieux lorsqu’ils sont libres de se déplacer, de jouer et de socialiser. Ainsi, lorsque nous leur demandons de rester calmement assis et de rester silencieux pendant des heures, nous leur demandons de réprimer leurs besoins instinctifs, ce qui peut causer de la frustration, de l’agitation, et des difficultés d’attention. Nous leur imposons un rythme qu’ils sont incapables de tenir tant c’est contre nature et anxiogène pour eux.
Le rôle des impulsions naturelles dans le développement des enfants
L’agitation, le besoin de bouger et de parler, ne sont pas des manques de discipline ou d’écoute d’une consigne, mais des impulsions naturelles qui jouent un rôle essentiel dans le développement sensorimoteur et cognitif des enfants. Selon des études en neurosciences, le mouvement aide non seulement à oxygéner le cerveau, mais aussi à réguler les émotions et à augmenter la concentration . Les jeunes, en particulier, ont des systèmes sensoriels et des capacités d’autorégulation qui ne sont pas encore complètement développés. Leur demander de se conformer aux normes de comportement adulte – dont nous aurions du mal à se conformer nous-même! - revient à leur demander de réprimer des fonctions essentielles pour leur croissance. C’est comme si nous leur demandions de passer une journée entière sans boire ni manger et que nous les réprimandions parce qu’ils s’évanouissent.
Le système scolaire : obéissance plutôt qu’une écoute des besoins
Notre système scolaire, conçu pour standardiser les comportements et les apprentissages, valorise souvent, sous le couvercle de la coopération et de l’écoute des consignes, l’obéissance au détriment de l’écoute des besoins. En demandant à l’enfant de comprendre « ce qu’on attend de lui », on place l’accent sur l’adaptation aux attentes des adultes, plutôt que sur la compréhension et l’intégration des besoins individuels de chaque enfant. Les recherches de Alfie Kohn, spécialiste en éducation, dans son livre Punished by Rewards, montrent que l’accent mis sur la discipline et l’obéissance peut inhiber le développement de la curiosité et de l’autonomie, qualités pourtant essentielles pour un apprentissage durable.
Dans ce cadre, il est essentiel de se demander si nous cultivons réellement le potentiel de chaque enfant ou si nous cherchons avant tout à les conformer aux normes de l’adulte. Cette standardisation de la conduite et des attentes peut limiter la capacité des enfants à s’épanouir pleinement, en réprimant des besoins naturels pourtant vitaux pour leur équilibre.
Repenser l’environnement scolaire pour répondre aux besoins des enfants
Des alternatives existent pour mieux aligner l’environnement scolaire avec les besoins des enfants. Par exemple, des méthodes pédagogiques comme celles de Montessori ou Reggio Emilia mettent l’accent sur la liberté de mouvement et l’apprentissage actif, permettant aux enfants de s’impliquer dans des activités qui répondent à leurs intérêts et à leur rythme. Les classes flexibles, avec des espaces modulables et des périodes de pause régulières, montrent également des résultats positifs. Ces modèles éducatifs placent l’enfant au centre de son apprentissage, reconnaissant l’importance de la satisfaction de ses besoins sensoriels et moteurs.
En adoptant une approche plus attentive et respectueuse des besoins naturels des enfants, les enseignants et les institutions peuvent offrir un environnement dans lequel les enfants se sentent valorisés et compris. Cela réduit le stress, augmente la motivation et peut, à long terme, encourager des comportements plus attentifs sans que l’enfant ne soit contraint de renier sa nature.
Vers une éducation respectueuse et équilibrée
Les comportements d’agitation et de désobéissance apparente des enfants en classe sont souvent l’expression de besoins naturels qui méritent d’être entendus et compris. Notre système éducatif gagnerait à évoluer vers une approche qui valorise autant le bien-être physique et émotionnel des enfants que leur performance académique. Plutôt que de demander aux enfants de « comprendre ce qu’on attend d’eux », nous devrions nous efforcer de comprendre ce qu’ils attendent de nous, en tant qu’adultes responsables de leur éducation et de leur développement.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme