La dyspraxie est officiellement un trouble neurodéveloppemental de la coordination motrice (TDC). La dyspraxie se distingue parmi les autres DYS par son impact quotidien sur la gestion des mouvements. Contrairement aux défis liés au langage ou à la lecture, la dyspraxie concerne directement l’action physique et la capacité à effectuer des gestes précis et organisés. Cela en fait parmi les DYS une forme particulièrement complexe à vivre parce qu’elle affecte des fonctions motrices essentielles à la plupart des tâches du quotidien. Pourtant, en adoptant la perspective de la neurodiversité, il est possible de percevoir cette organisation cérébrale non pas comme un trouble mais, comme un modèle alternatif. Ce organisation permet à des capacités distinctes et précieuses d'exister.
Les défis quotidiens de la dyspraxie
Pour les dyspraxiques, les défis sont directement liés à la planification et à l’exécution des mouvements, qu’il s’agisse de gestes fins, comme écrire ou boutonner une chemise, ou de mouvements plus larges, comme courir ou attraper un objet. Cette réorganisation cérébrale entraîne des difficultés à automatiser les gestes ce qui rend chaque mouvement moins fluide et plus conscient. Cela demande beaucoup de concentration pour s’exécuter. De ce fait, la dyspraxie se démarque par son impact visible et constant, rendant la gestion du corps et de l’espace plus laborieuse. Les activités physiques peuvent demander beaucoup plus d’effort et de concentration, ce qui peut amener une fatigue importante et un sentiment d’isolement dans les situations sociales ou sportive.
Forces insoupçonnées de la dyspraxie
Cependant, bien que ces défis soient importants, il est essentiel de reconnaître que la dyspraxie n’est pas simplement une série de défis à surmonter, à rééduquer et encore moins à pallier. En réalité, le cerveau des dyspraxiques est remodelé de manière à favoriser un potentiel spécifique et des forces uniques. Les défis et les forces forment donc un tout indissociable. C’est parce que les défis moteurs sont présents que les forces suivantes peuvent exister. Ces aptitudes ne sont pas compensatoires.
Les dyspraxiques ont une grande capacité d’analyse et de réflexion. Ces personnes ont souvent une capacité d’analyse particulièrement fine. Le besoin de réflexion leur permet de développer une pensée méthodique et détaillée. Cette aptitude se manifeste dans leur manière de comprendre le monde et de résoudre des problèmes, souvent en adoptant une approche plus réfléchie et très créative. Les dyspraxiques, en raison de leur approche non linéaire et non automatique du mouvement peuvent avoir des habiletés exceptionnelles pour concevoir des systèmes complexes. Leur manière d'aborder les problèmes par étapes et de manière parfois très analytique leur permet de structurer les informations de manière originale, souvent en voyant des liens invisibles aux yeux des autres. Comme beaucoup de neurodivergents, les dyspraxiques ont des compétences visuo-spatiales accrues. Comme pour l’autisme, la dyslexie, la dysphasie, certaines personnes dyspraxiques démontrent une excellente perception visuo-spatiale. Cela peut sembler paradoxal, étant donné leurs défis moteurs, mais leur cerveau peut exceller dans l’organisation mentale de l’espace, même si la réalisation physique est plus difficile. Ils ont la capacité innée pour visualiser et organiser mentalement l'espace. Le défi devient donc une force en soi puisque la manière dont ils perçoivent l’espace est atypique, fluide et sort du cadre. La réorganisation cérébrale excelle dans la représentation spatial ce qui peut être un fort atout dans des domaines comme l'ingénierie, le design, la manipulation d'images et d'objets en trois dimensions. Ces compétences peuvent être très utiles dans des domaines comme les mathématiques, la physique ou les jeux vidéo, des domaines pour lesquels la planification et la visualisation mentale jouent un rôle clé. Un autre potentiel commun aux personne neurodivergentes dont les dyspraxiques ne sont pas exceptions, la créativité et l’innovation. Le cerveau des dyspraxiques, en abordant les mouvements et les actions de manière moins automatique, permet de favoriser une pensée divergente. Les personnes dyspraxiques ont un véritable potentiel pour trouver de nouvelles solutions, pour explorer des chemins inédits et d'adopter des approches créatives dans différents contextes, que ce soit pour la réalisation de problèmes pragmatiques complexes ou pour des projets artistiques. Les dyspraxiques ont généralement une haute sensibilité à leur environnement. Ils peuvent avoir une attention particulière aux textures, aux sons, à la lumière ce que offre un énorme potentiel dans des domaines pour lesquels la sensibilité sensorielle est un atout comme dans les arts visuels ou la musique.
La dyspraxie, bien qu’elle soit plus visible et plus complexe à vivre en raison de son impact direct sur la motricité, n’est pas simplement un obstacle ni un trouble à remédier. Le cerveau des dyspraxiques est organisé différemment ce qui leur permet de développer des forces uniques, comme une capacité accrue à analyser, à créer et à innover. Ces forces ne sont pas des réponses compensatoires aux difficultés motrices, mais bien l'expression directe d'un cerveau remodeler autrement. Il est donc essentiel de reconnaître ces forces innées et créer un environnement où elles sont valorisées permet de voir la dyspraxie sous un angle qui met en avant les talents plutôt que simplement des défis.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme