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Respect de la confidentialité médicale : une priorité absolue

Je vois souvent des situations où un enfant neuroatypique est mis en position de vulnérabilité à cause d’informations personnelles partagées avec un groupe. Prenons cet exemple : un jeune ayant reçu un diagnostic de TDAH qui, à chaque fois qu’il exprime des émotions fortes, qui bouge ou qui agit de manière inattendue, se fait dire par ses pairs : « As-tu pris tes médicaments? ». Ces remarques, en apparence anodines, deviennent des outils de stigmatisation qui le blessent profondément.

Ces situations découlent souvent d’un paradigme médical dominant. Lorsqu’un comportement est interprété uniquement à travers le prisme d’un diagnostic, l’enfant est réduit à un « trouble » qu’il faudrait corriger. Cette approche, qui semble parfois bien intentionnée, nourrit la stigmatisation. Au lieu de reconnaître la richesse de la diversité humaine, elle renforce l’idée que ces comportements sont problématiques et qu’ils doivent être maîtrisés, souvent par des moyens externes comme la médication.

Une violence banalisée et insidieuse

Lorsqu’un enfant entend à répétition des remarques comme « As-tu pris tes médicaments? », ce n’est pas seulement son comportement qui est remis en question. Ce sont ses émotions, sa manière d’être, et sa place dans le groupe qui deviennent des cibles. Ces propos envoient des messages implicites lourds de conséquences : « Tu es trop », « Tu n’es pas comme les autres », « Tu dois être corrigé pour être acceptable », « Tu nous tapes sur les nerfs quand tu es toi », « Tu déranges ! », « Tu es insupportable! ».

Cette forme de violence, bien qu’elle semble subtile, s’inscrit profondément dans la psyché de l’enfant. Ces mots minimisent ses besoins réels, invalident ses émotions et renforcent un sentiment de décalage ou d’inadéquation. Pour les enfants neuroatypiques, qui vivent déjà dans un monde souvent inadapté à leur réalité, ces situations s’ajoutent à un poids quotidien difficile à porter.

Ces actes sont des violences relationnelles graves. Ces violences, répétées quotidiennement qui semble peu, sont en réalité source de stress chroniques et donc de traumatisme profond. Puis, le cycle des comportements dérangeants sera augmenté et nous accentuerons ce stress chronique en mettant la responsabilité sur ladite neurologie défaillante de l’enfant. Un diagnostic de trouble grave du comportement pourra même être posé, accentuant la détresse du jeune qui est tout sauf pathologique : elle est réelle et légitime.

Sortir du paradigme médical

Il est essentiel de repenser notre manière de comprendre et d’aborder ces comportements. Plutôt que de les expliquer par le biais d’un diagnostic psychiatrique – « Il fait ça parce qu’il a un trouble » – nous devons les envisager sous un angle humain et inclusif. Un enfant neuroatypique agit ainsi non pas parce qu’il est « défectueux », « incapable » ou « déficient », mais parce qu’il est très sensible, qu’il vit peut-être une surcharge émotionnelle, ou qu’il répond à des besoins spécifiques pour se réguler comme le mouvement, la parole et geste.

En mettant de côté la notion de problème, nous pouvons apprendre à voir ces comportements comme des indicateurs précieux de ce que l’enfant vit. Cette approche valorise la neurodiversité, c’est-à-dire la reconnaissance que les cerveaux fonctionnent et ressentent différemment et que ces différences ne sont pas des erreurs, mais des variations naturelles de l’expérience humaine.

Le rôle des adultes : exemplarité et responsabilité

Les enfants ne naissent pas avec des idées stigmatisantes. Ces dynamiques se construisent parce qu’ils observent les adultes autour d’eux. Lorsque des enseignants ou des parents partagent des informations médicales pour expliquer un comportement, cela envoie un message clair : ces détails peuvent être utilisés pour catégoriser, juger, stigmatiser, exclure.

Les adultes ont donc une responsabilité cruciale. Respecter la confidentialité médicale est un impératif absolu. Les comportements des enfants peuvent être expliqués sans jamais exposer leurs diagnostics ou leur médication. Parler de neurodiversité, de besoins spécifiques, de haute sensibilité ou d’anxiété permet de créer un cadre de compréhension sans stigmatisation.

C’est aux adultes de modéliser le respect en enseignant aux enfants à voir la diversité comme une richesse et non comme un problème.

Soutenir l’enfant concerné

Dans ces situations, l’enfant qui subit ces attaques a besoin d’un soutien clair et concret. Il doit se sentir vu, entendu et protégé. Valider ses émotions est une première étape essentielle : il est normal qu’il ressente de la colère, de la tristesse ou de la frustration face à ces remarques injustes.

Il est également important de lui rappeler qu’il n’est pas défini par ces mots ou par un diagnostic. Renforcer sa confiance en lui, lui offrir un espace sécurisant et s’assurer qu’il se sente respecté dans son unicité sont des gestes indispensables pour réparer les blessures causées par ces dynamiques toxiques.

Une opportunité pour grandir

Ces situations, bien qu’inacceptables, représentent une opportunité de changement. En transformant ces moments en occasions d’apprentissage, nous pouvons enseigner aux enfants et aux adultes à respecter les différences et à créer des environnements inclusifs et bienveillants.

Parler de neurodiversité, valider les besoins spécifiques des enfants et reconnaître leurs émotions comme légitimes nous permet de bâtir une société où chaque individu, neuroatypique ou non, se sent respecté et valorisé. Cela commence par une prise de position ferme : la confidentialité médicale est sacrée, et la diversité humaine est une force, jamais un trouble à médicaliser.

Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme