Dans notre société, le stress, l’anxiété et la souffrance émotionnelle sont souvent perçus comme des états à fuir, à éviter ou même à traiter médicalement. On entend souvent des phrases comme « le stress, c’est mauvais pour la santé » ou « personne ne devrait endurer de la souffrance ». Ces messages contribuent à renforcer une vision négative des émotions difficiles et des mécanismes d’adaptation naturels de notre corps. Et si, au lieu de les éviter, nous choisissions de traverser consciemment ces émotions pour les transformer en alliées ?
Choisir de traverser, et non de subir
L’idée d’« endurer » ou de « subir » le stress et l’anxiété peut sembler inacceptable dans une société où le bien-être rapide et l’évitement des inconforts sont valorisés. Pourtant, il est possible de faire un choix conscient et courageux de traverser ces émotions, un pas à la fois. Plutôt que de chercher à les effacer ou à les combattre, nous pouvons décider de les apprivoiser, de les accueillir comme des signaux qui révèlent nos besoins profonds. Ce choix implique d’aller à l’écoute de soi, de ses émotions et de son corps, dans une démarche de découverte et parfois aussi de guérison.
Comprendre les émotions comme des mécanismes adaptatifs
Le stress et l’anxiété jouent un rôle essentiel dans notre survie. Ce sont des réactions naturelles et nécessaires pour nous préparer à réagir face à des défis. Cependant, lorsqu’ils deviennent chroniques en raison de traumatismes ou de peurs bloquées, ils peuvent engendrer des mécanismes d’adaptation différents. Il est alors facile de les percevoir comme des problèmes, mais cette perception ignore le potentiel de guérison qu’ils recèlent. L’anxiété chronique, par exemple, est souvent la manifestation d’une peur profondément enracinée liée à des expériences traumatiques antérieures. La reconnaître comme une part de nous à explorer, et non comme un trouble à réparer, ouvre la porte à un rétablissement plus respectueux de notre être.
Se reconnecter au corps pour traverser les vagues émotionnelles
Traverser ses émotions, c’est surtout se reconnecter à notre corps, en douceur. Contrairement aux approches purement cognitives, cette exploration passe par l’acceptation de ce que nous ressentons physiquement et émotionnellement. Prendre conscience des sensations corporelles, écouter les réactions de notre système nerveux, et comprendre les messages de notre corps nous aident à réguler naturellement notre état. Ce processus, bien qu’inconfortable, permet de retrouver une sécurité intérieure en lien avec notre véritable expérience.
Le rôle de la co-régulation et du lien d’attachement
Ce voyage intérieur est souvent complexe et peut être facilité par un accompagnement bienveillant et sécurisé. Il n’est pas toujours possible de se connecter à nos sensations corporelles puisqu’elles peuvent être trop envahissantes et être source d’angoisse. Ainsi, la co-régulation dans un lien d’attachement sécurisant joue un rôle clé dans le processus de guérison : ce lien nous soutien pour retrouver petit à petit une sécurité intérieure suffisante pour tolérer les inconforts liés aux sensations. Contrairement aux méthodes purement rationnelles ou axées sur la pensée, cette approche permet de plonger dans ses émotions en étant soutenu, de manière à retrouver un sentiment d’intégrité et de sécurité en soi. Un accompagnant formé aux approches corporelles et au traumatisme, par exemple, peut accompagner ce cheminement en aidant la personne à explorer ses peurs sans les fuir. Dur dur à trouver au Québec!
Une guérison sans pathologisation : Un engagement quotidien
Ce processus de reconstruction et de rétablissement n’a pas besoin de passer par la pathologisation des émotions ni par une étiquette de trouble psychiatrique. C’est un engagement envers soi-même, un choix conscient de s’accepter et de se comprendre pour vivre pleinement. Cela demande du courage, de la patience, et un engagement quotidien, mais cette approche permet de vivre en harmonie avec ses émotions et de retrouver un sentiment de sécurité dans son corps. Traverser ses émotions de manière consciente, accompagné d’un soutien sécurisant, permet une véritable guérison. Ce cheminement nous libère des peurs bloquées et nous réconcilie avec nous-mêmes, pour finalement vivre dans une liberté intérieure et un ancrage solide.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme
Références complémentaires :
• Gabor Maté – Maté, G. (2010). In the Realm of Hungry Ghosts: Close Encounters with Addiction. Il explore le lien entre trauma et mécanismes d’adaptation, soulignant comment les émotions non résolues influencent notre expérience quotidienne.
• Stephen Porges – Porges, S. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation. La théorie polyvagale explique comment la co-régulation aide à restaurer la sécurité intérieure.
• Sophie Maffolini (2020). L'anxiété sans complexe.
• Sonia Lupien – Lupien, S. (2007). Par amour du stress. Un ouvrage qui démystifie le stress et montre comment il peut être une ressource lorsqu’on le comprend mieux.