La résistance des enfants face à des consignes simples, comme s’habiller, déjeuner ou aller se coucher, est souvent interprétée comme un signe de résistance à l’autorité ou d’un manque d’écoute de la part de l’enfant. Mais il est essentiel de se demander comment ces demandes sont formulées et quel type de relation nous avons avec nos enfants. S’agit-il d’une invitation à collaborer ou d’un ordre déguisé qui exige la conformité ? Dès qu’on dit « l’enfant n’obéit pas » ou « l’enfant résiste à la demande », on signale en fait qu’on souhaite l’obéissance de l’enfant, et non sa coopération.
La relation de pouvoir et l’autoritarisme
Quand l’adulte attend de l’enfant qu’il se conforme sans discuter et sans considération pour ses besoins, il instaure une relation de pouvoir sur l’enfant, souvent teintée d’autoritarisme. Dans ce type de relation, l’enfant n’est pas réellement invité à participer ou à s’impliquer dans le processus ; il est plutôt censé obéir, sans prise en compte de ses propres besoins ou ressentis. Cette dynamique devient particulièrement difficile pour les enfants neurodivergents, qui sont très sensibles à la contrainte et perçoivent souvent la demande comme une menace à leur autonomie et à leur intégrité.
Pour ces enfants, la pression exercée par un adulte pour obéir augmente le stress et l’anxiété, ce qui alimente des réactions de résistance et d’opposition légitimes. Leur comportement devient alors une réponse naturelle pour défendre leur besoin de sécurité intérieure et de respect de leur intégrité. La résistance n’est pas un refus pur et simple, mais une manière pour l’enfant de dire : « Écoutes-moi! », « As-tu pensé à moi? », « Suis-je important? ».
La complexité du coucher : Un moment de séparation et de libération émotionnelle
Les défis rencontrés au moment d’aller au lit illustrent particulièrement bien ce phénomène. L’heure d’aller au lit est un moment où les enfants, souvent épuisés par leur journée, ressentent avec plus d’intensité leurs émotions, leurs peurs et leur stress. C’est un moment où le besoin d’accompagnement émotionnel et de connexion est plus fort, et où une simple consigne comme « Va te coucher » peut être perçue comme une rupture dans le lien de sécurité. L’enfant a besoin de sentir qu’on le comprend et qu’on respecte son besoin de réconfort avant de s’endormir. C’est un moment où l’enfant a profondément besoin de connexion avec ses figures d’attachement.
Pour favoriser cette transition et ce long moment de séparation qu’est la nuit, il est essentiel de prendre le temps de se connecter et de vérifier ce que l’enfant ressent. Peut-être a-t-il des inquiétudes ou des angoisses qu’il n’a pas eu l’occasion d’exprimer, et le coucher devient le moment où ces émotions refont surface. En offrant un accompagnement bienveillant et une écoute attentive, on aide l’enfant à se sentir en sécurité, ce qui facilite son passage au sommeil.
Inviter l’enfant à collaborer plutôt qu’à obéir
Pour éviter les tensions et les résistances, il peut être bénéfique de transformer les consignes en propositions de collaboration. Par exemple, au lieu de dire « Va t’habiller », on peut dire « Viens choisir ensemble ce que tu veux porter aujourd’hui ». Cela permet à l’enfant de sentir qu’il a un rôle actif dans le processus, qu’il participe à une décision partagée. Le but n’est pas de le faire obéir, mais de l’aider à se sentir écouté et respecté dans ses choix.
Pour le coucher, plutôt que de dire « C’est l’heure, va au lit », il est possible de lui proposer une routine partagée : « On va lire une histoire ensemble, puis je reste encore un peu pour qu’on parle si tu veux ». Cette approche donne un espace à l’enfant pour exprimer ses émotions et l’accompagne vers la transition de manière sécurisante.
Un soutien précoce et adapté : Un cadeau pour l’autonomie future
En offrant ce type de soutien, on aide les enfants à développer une meilleure régulation émotionnelle et un sentiment de sécurité intérieure. Ce soutien est particulièrement précieux pour les enfants neurodivergents. Ce soutien relationnel leur apprend qu’ils ont le droit d’avoir leurs propres besoins et que ces besoins sont entendus. Cela rend la transition vers l’autonomie plus douce et plus solide, puisqu’elle repose sur des bases de confiance et de respect.
Comprendre et répondre à cette résistance non pas comme un défi ou un trouble, mais comme une invitation à repenser notre manière de communiquer et d’accompagner, ouvre la porte à une relation véritablement collaborative, où les besoins de chacun sont respectés. Lorsque les enfants sentent que leurs besoins sont respectés, même face aux consignes de la vie quotidienne, ils se sentent davantage en sécurité et peuvent alors se détendre et coopérer de manière plus naturelle.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme