Dans notre société, le stress et l’anxiété sont souvent perçus comme des états à éviter à tout prix. Cette vision alimente une peur disproportionnée de ces réactions naturelles, surtout chez les jeunes, à qui l’on enseigne que le stress et l’anxiété sont des expériences néfastes. Pourtant, loin d’être dangereuses, ces réactions sont indispensables à notre survie et à notre adaptation. Par ailleurs, il est crucial de différencier leurs formes ponctuelles de leurs manifestations prolongées et chroniques, souvent liées à des traumatismes.
Le stress : une réponse psychophysiologique essentielle
Le stress est une réponse physiologique naturelle du corps à une menace perçue ou réelle, qu’elle soit consciente ou inconsciente. Cette réaction active plusieurs systèmes. Au niveau du cerveau, l’amygdale et le système limbique sont responsables de la détection du danger et s’active lorsqu’une menace est détectée. Le système hormona quant à lui, libère des hormones comme l’adrénaline et le cortisol, ce qui permet d’augmenter l’énergie disponible nécessaire à notre survie. Le système immunitaire se mobilise également temporairement pour réagir efficacement à la menace. Puis, les organes vitaux, dont le cœur et les poumons, sont sollicités pour assurer une réponse rapide.
Le stress aigu correspond à une mobilisation immédiate de l’organisme face à une menace, comme lorsque l’on évite un accident de justesse. Il disparaît une fois la situation passée, laissant place à un retour à l’équilibre naturel du système nerveux.
Lorsque le corps est exposé à des stress répétitifs ou prolongés sans possibilité de relâchement, le stress chronique s’installe. Cela se produit souvent lorsque la personne est confrontée à des situations auxquelles elle ne peut ni échapper ni réagir efficacement (comme des violences ou un environnement dysfonctionnel). Le système nerveux reste bloqué dans un état d’alerte, incapable de relâcher la tension accumulée. Stephen Porges, à travers sa théorie polyvagale, explique que ce phénomène résulte de l’impossibilité pour l’organisme de revenir à un état de sécurité. Le stress chronique est souvent une conséquence directe de traumatismes non résolus. Le stress chronique n’est pas pathologique mais, il nécessite différentes approches pour soutenir le retour à l’état de sécurité intérieur.
Anxiété : une émotion naturelle
L’anxiété est une émotion universelle qui nous aide à anticiper et à nous préparer à des situations incertaines. Selon l’American Psychological Association (APA), elle se manifeste par une appréhension ou une inquiétude en lien avec des événements futurs. Comme le stress, l’anxiété active des mécanismes physiologiques similaires, mobilisant le corps pour réagir comme s’il affrontait une menace réelle.
Cette anxiété peut être nécessaire dans certaines situations comme avant un examen scolaire, lors d’une présentation orale, durant un entretien d’embauche, avant un rendez-vous amoureux. Dans ces situations ponctuelles, l’anxiété est une réaction naturelle qui s’atténue une fois l’événement passé. Elle fait partie de la gamme des émotions humaines et, à ce titre, elle n’est ni négative ni à éviter. Il s’agit d’une émotion désagréable à ressentir comme la peur, la colère, la tristesse qui est nécessaire à notre survie : elle dicte ce que nous avons besoin.
Lien entre anxiété chronique et traumatismes
Lorsque l’anxiété devient chronique, elle résulte souvent d’expériences traumatiques passées. Gabor Maté explique que l’anxiété chronique peut être liée à des peurs bloquées, souvent issues de l’enfance. Ces peurs persistent en arrière-plan et continuent d’activer les systèmes de réponse au danger, même en l’absence de menace immédiate. L’anxiété chronique n’est donc pas une défaillance, mais un mécanisme d’adaptation face à des expériences qui n’ont jamais pu être pleinement traitées ou régulées. Lorsque nous disons à une personne qu’elle a un trouble anxieux, nous masquons les traumatismes qu’elle a vécu et nous lui laissons croire qu’elle est dysfonctionnelle. Nous individualisons ses défis plutôt que de rendre la responsabilité aux violences qu’elle a vécu.
Stress et anxiété : des signaux adaptatifs
Plutôt que d’être perçus comme nuisibles, le stress et l’anxiété devraient être compris comme des signaux adaptatifs. Ils nous renseignent sur nos besoins et nous permettent de mieux nous préparer aux défis de la vie. Par exemple, une anxiété ponctuelle avant une présentation nous pousse à mieux nous préparer, tandis que le stress aigu en situation d’urgence nous aide à réagir rapidement. Cela nous permet de nous mobiliser et nous de mettre en action.
Ces émotions se dissipent naturellement après un événement, tout comme la tristesse ou la colère. Ce n’est que lorsqu’elles sont associées à des traumatismes que leur régulation devient plus difficile. Apprendre à les reconnaître et à y répondre de manière bienveillante permet de rétablir un équilibre intérieur et de mieux s’adapter aux situations de la vie.
Mélanie Ouimet, fondatrice de mouvement francophone de la neurodiversit et co-chercheuse en autisme
Références complémentaires :
• American Psychological Association (APA) : Définition de l’anxiété et distinction entre réaction émotionnelle normale et pathologique.
• Porges, S. W. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation. New York: Norton.
• Maté, G. (2003). When the Body Says No: Understanding the Stress-Disease Connection. Toronto: Vintage Canada.
• Lupien, S. (2015). Par amour du stress. Montréal : Éditions Marabout.