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Comprendre les défis de réponse aux besoins corporels chez les neurodivergents (PDA) : une réponse au stress et à la sollicitation

Certaines personnes, particulièrement les neurodivergentes, peuvent ressentir leurs sensations corporelles – faim, soif, envie d’uriner – mais avoir du mal à y répondre immédiatement. Ce phénomène n’est pas un dysfonctionnement ou une pathologie, mais plutôt une réponse adaptative à des contraintes internes ou externes. Je vous propose de mieux comprendre les mécanismes d’adaptation lié au stress ainsi que des pistes à explorer pour mieux comprendre ce qui se passe dans ces situations.

Une réponse au stress : quand le cerveau se fige

Lorsqu’une personne est confrontée à trop de sollicitations ou à de l’anxiété, son système nerveux peut déclencher une réaction de figement (réponse dite « freeze »). Même si elle perçoit son besoin (comme aller aux toilettes), son cerveau est contraint de prioriser la gestion de l’anxiété ou du stress au détriment de la réponse à ce besoin corporel. C’est une adaptation naturelle, où le cerveau tente de conserver de l’énergie ou de se protéger en évitant tout mouvement perçu comme « de trop ». Il s’agit en fait d’une réponse au stress liée à la survie, dans ce cas-ci le figement.

Dans ces moments, répondre à un besoin physiologique peut sembler secondaire face à l’effort que nécessite déjà la régulation émotionnelle. Le corps reste donc immobile, attendant un retour au calme pour passer à l’action. Le système nerveux répond à la menace, simplement.

Dans ce cas-ci, la personne a besoin d’un espace d’apaisement afin de réguler son système nerveux pour revenir dans le présent et être ancré.

Hyperfocus et perte de fluidité

Certaines personnes, particulièrement celles avec un profil autistique ou TDAH, peuvent entrer dans un état d’hyperfocus lorsqu’elles sont absorbées par une activité ou une pensée. Dans cet état, toute interruption (même celle d’un besoin corporel) peut être perçue comme perturbante. Aller aux toilettes ou manger devient alors un obstacle au flux de concentration qu’elles cherchent à maintenir. Cela explique pourquoi ces personnes peuvent choisir, parfois inconsciemment, d’ignorer leurs sensations pour préserver leur élan.

Cette réaction est également une adaptation : maintenir la concentration permet d’avancer dans une tâche qui procure du sens ou du plaisir, même si cela implique de différer un besoin. Ce n’est donc pas une incapacité, mais une gestion instinctive de l’énergie mentale.

Inertie et transition difficile entre les tâches

Certaines personnes éprouvent des difficultés à amorcer ou à changer d’activité. Répondre à un besoin corporel implique souvent une transition – par exemple, interrompre une tâche pour aller manger ou boire de l’eau. Cela peut être vécu comme lourd ou inconfortable, en particulier lorsque l’esprit est déjà sollicité par d’autres préoccupations.

L’inertie de la tâche est une réaction courante face à ces transitions : même si le besoin est perçu, il est parfois difficile de passer à l’action, surtout si la personne est en état de surcharge cognitive. Là encore, cette inertie est une réponse naturelle du cerveau, qui tente d’éviter un effort supplémentaire.

C’est le système nerveux encore une fois qui répond instinctivement au surplus de stress ressenti. Il est donc essentiel de répondre au besoin de calme, de sécurité, de prévisibilité ainsi de permettre la régulation du système nerveux.

Un effort constant de régulation émotionnelle

Pour certaines personnes, particulièrement les enfants ou les adolescents dont le cerveau est immature, répondre aux besoins corporels est plus complexe, car cela demande une forme de régulation émotionnelle et cognitive. Le cerveau est encore immature, surtout chez les jeunes de moins de 9 ans ou lors de l’adolescence. Cela explique pourquoi la gestion des besoins physiologiques peut devenir difficile dans les moments de stress ou de surcharge.

Ils ont besoin d’être co-régulés par les adultes dans un lien d’attachement sécurisant qui leur permettra de se déposer et de relâcher. Puis, cette base de sécurité et cette co-régulation viendra soutenir les déploiements de ces compétences de régulations émotionnelles et cognitives. Ainsi, à l’âge adulte, il sera beaucoup plus facile de reconnaître nos états intérieurs et nos besoins de régulation.

Nombreux adultes d’aujourd’hui n’ont pas reçu cet attachement sécurisant durant leur enfance, ce qui accentue de nombreux défis liés à la réponse des demandes internes.

Accompagner avec bienveillance : favoriser la régulation et la conscience corporelle

Ces comportements d’évitement liés au figement ne sont pas des dysfonctionnements. Ils sont des réponses naturelles et adaptatives à des sollicitations internes ou environnementales. C’est ainsi que fonctionne notre système nerveux. Avec du soutien, il est possible d’apprendre à mieux naviguer entre ces besoins et ces états émotionnels. L’accompagnement basé sur la parentalité consciente et la connexion émotionnelle aide à co-réguler ces moments de figement ou d’hyperfocus. En renforçant le lien d’attachement, en offrant de la sécurité émotionnelle, et en valorisant le ressenti corporel, on permet à l’enfant (et même un adulte dans un lien d’attachement sécure) de développer une meilleure conscience de soi.

Quelques pistes pour soutenir ce développement : •

Prendre le temps d’être en lien avant de formuler une demande, afin de diminuer le stress et d’encourager une réponse corporelle.

• Inviter à reconnaître ses sensations (faim, soif, besoin d’uriner) sans pression, en utilisant des jeux ou des moments de respiration consciente.

• Soutenir les transitions entre les tâches avec douceur, en proposant des temps de pause ou en permettant à l’enfant de reprendre son activité après.

• Encourager l’écoute intérieure : apprendre à ressentir sans se sentir submergé permet de mieux gérer ses besoins au quotidien.

Les difficultés à répondre aux besoins corporels, comme différer une envie d’aller aux toilettes ou ignorer la faim, sont des réactions normales dans des contextes d’anxiété, d’hyperfocus ou de surcharge cognitive. En offrant un environnement sécurisant et une approche fondée sur l’attachement, on peut accompagner ces personnes neuroatypiques à mieux réguler leurs sensations et à retrouver un équilibre entre leurs besoins internes et leurs activités. Ces apprentissages prennent du temps, mais ils se construisent toujours dans la relation et la bienveillance.

Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme