Le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) est souvent perçu comme un problème de comportement caractérisé par des attitudes de défi, d'hostilité et de désobéissance chez les jeunes. Cependant, des recherches récentes1 suggèrent que cedit trouble peut être en partie lié à des mécanismes neurobiologiques sous-jacents, notamment la neuroception et l'hypersensibilité sensorielle. Ces concepts, intégrés dans la théorie polyvagale de Stephen Porges, offrent une nouvelle compréhension des comportements d’opposition et de provocation ainsi que des moyens potentiels pour soutenir les jeunes.
La Neuroception : Évaluation Inconsciente de la Sécurité
La théorie polyvagale de Stephen Porges introduit le concept de neuroception, un processus par lequel le système nerveux autonome (SNA) évalue de manière inconsciente l'environnement pour détecter des signaux de sécurité ou de danger. Ce processus est crucial pour la régulation des réponses autonomes. Cela influence la manière dont nous réagissons aux stimuli externes ou internes.
Chez les enfants qui ont reçu un diagnostic de TOP, une neuroception à haute sensibilité peut les amener à percevoir davantage de menaces potentielles. Par exemple, une remarque d'un enseignant peut être interprétée comme une attaque ce qui déclenche une réponse de défense agressive ou provocatrice. Le ton, la posture et les mots exprimés par l’enseignants peuvent envoyer à l’enfant le message qu’il n’est pas correct et l’enfant se sent rejeté et par conséquent, menacé dans son intégrité. Cette hypersensibilité à la perception du danger peut être exacerbée par des expériences passées de stress ou de traumatisme, rendant l'enfant encore plus réactif aux situations perçues comme menaçantes. Et nous le savons, les personnes neurodivergentes vivent davantage de situations stressantes et traumatiques.
Hypersensibilité Sensorielle : Réactivité Accrue aux Stimuli
L'hypersensibilité sensorielle est une autre dimension importante à considérer. Les enfants qui sont diagnostiqués avec un TOP peuvent avoir une réactivité accrue aux stimuli sensoriels, tels que le bruit, la lumière, ou le toucher. Cette réactivité peut entraîner des sentiments de surcharge et de stress, provoquant des comportements de défense tels que l'opposition et la provocation.
Par exemple, un enfant hypersensible aux bruits forts peut réagir de manière agressive lorsqu'il est exposé à un environnement bruyant, non pas parce qu'il veut défier l'autorité, mais parce qu'il se sent submergé et cherche à échapper à la situation stressante. Comprendre cette hypersensibilité peut aider les parents et les éducateurs à adapter l'environnement de l'enfant pour réduire les déclencheurs sensoriels et créer un espace plus apaisant.
Conclusion
La compréhension des comportements oppositionnels avec provocation à travers le prisme de la neuroception et de l'hypersensibilité plutôt qu’au travers un diagnostic psychiatrique offre une perspective plus nuancée et empathique. En reconnaissant les mécanismes sous-jacents de la réactivité émotionnelle et en adoptant une posture empathique centrée sur la relation d'attachement envers les jeunes neurodivergents, les parents et les éducateurs peuvent mieux les soutenir. Cette approche permet de modifier notre regard et nos interprétations des comportements indésirables vers une compréhension et une intervention centrée sur les besoins émotionnels et sensoriels du jeune.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme
Pour aller plus loin : L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!
Références :
1.Stephen W. Porges, The polyvagal theory: neurophysiological foundations of emotions, attachment, communication, and self-regulation, 2001; Garfinkel, S. N., & Critchley, H. D., interoception, emotion and brain: new insights link internal physiology to social behaviour dans social cognitive and affective neuroscience, 2013