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Et si l’anxiété était une peur bloquée?

L’anxiété et son rôle sont souvent mal compris dans notre société. Le terme « souffrir d’anxiété » est de plus en plus galvaudé. Le nombre de personnes présentant un trouble anxieux ne cesse d’augmenter. L’anxiété nous est souvent présentée de manière négative, voir comme une pathologie. Les études démontrent d’ailleurs qui la peur d’éprouver de l’anxiété favorise le développement d’un trouble anxieux1 . Je vous propose dans cet article de voir l’anxiété sous un aspect qui est très peu abordé.

L’anxiété est une émotion désagréable à ressentir. Il s’agit d’une réaction passagère à une situation qui est perçue et ressentie comme menace pour notre intégrité. Il est important de souligner que l’anxiété est une émotion nécessaire qui permet de préparer notre corps face à un événement important entre autres comme un examen, un déménagement, un changement d’emploi, une transition scolaire, un choix de carrière, un accouchement, etc. Quand nous ressentons de l’anxiété, notre corps réagit comme s’il était confronté à une menace imminente. Ainsi, la réponse combat ou fuite est déclenchée pour nous préparer à faire face à un danger ou à l’éviter.

L'anxiété, une peur bloquée

La peur est au cœur de l’anxiété. La peur est une émotion primaire, très puissante et extrêmement désagréable à ressentir. Notre cerveau est programmé pour éviter la peur puisque la peur est associée à un danger imminent pour notre survie. La plupart des situations auxquelles nous sommes confrontées comme celles citées plus haut ne sont pas des menaces à notre survie. Cependant, comme notre cerveau est programmé pour éviter les situations menaçantes, lorsque nous y sommes confrontés. Notre cerveau met en place des mécanismes d’évitement. Dans notre société actuelle, ces mécanismes prennent différentes formes comme la procrastination, l’évitement de toutes situations imprévues, nouvelles et stressantes, l’utilisation de substances pour engourdir les sensations ou avoir des comportements compulsifs pour distraire notre esprit. À court terme, ces stratégies d’adaptation peuvent sembler efficace. Cependant, à long terme l’anxiété est renforcée ce qui peut être à la source des troubles anxieux.

Bien que désagréable et difficile à ressentir, une personne qui a plusieurs manifestations de l’anxiété ne présente aucune problématique en soi. Cependant, lorsque les manifestations se maintiennent pendant une longue période dans notre corps, il pourrait être intéressant de creuser davantage au niveau de notre réaction au stress, de notre capacité de régulation ainsi que de porter attention à nos sensations et aux émotions sous-jacentes à l’anxiété. Et oui, sous l’anxiété peut se cacher une peur bloquée qui cherche à s’exprimer. L’anxiété peut devenir un mécanisme d’adaptation puissant pour nous éviter de ressentir la peur.

Lorsque nous évitons consciemment ou inconsciemment (le plus souvent) de traverser pleinement notre peur, notre corps et notre cerveau apprennent à associer certaines situations avec la peur et l’anxiété, ce qui renforce le cycle de l’évitement et accentue les boucles de pensées ainsi que les manifestations physiques intenses de l’anxiété. Ainsi, la peur bloquée qui résulte souvent d’une exposition insuffisante à la situation menaçante ou encore à une incapacité à traverser la peur initiale est un déterminant fondamental dans le développement des troubles anxieux2.Cela survient lorsque la régulation de la peur n’est pas possible. L’anxiété persiste et devient généralisée. La peur est donc à la source dudit trouble et dans ce cas-ci l’anxiété est considérée comme une réponse prolongée et inadaptée à la peur perçue. Le système de réponse è la peur est hypersensible et hyperactif, même en l’absence de menace immédiate.

Les manifestations physiques de l'anxiété

Les manifestations physiques de l’anxiété sont également source de peur et d’anxiété. Ces sensations physiques sans danger pour notre vie sont très intenses à ressentir. Parmi les plus courants, il y a l’augmentation du rythme cardiaque, des sueurs, des tremblements, des sensations de vertige, ou de faiblesse, des maux de tête, une sensation d’oppression dans la cage thoracique, etc. Ces sensations difficiles à ressentir sont des manifestations de l’activation de notre système nerveux sympathique, notre réponse biologique au stress et à la peur. Plus nous craignons nos sensations, plus nous avons peur, plus nous évitons de ressentir, plus nos boucles de pensées s’accentue, plus l’anxiété devient intense. C’est un véritable cycle vicieux.

Approches basées sur le corps, le lien et la co-régulation

Pour briser ce cycle, il est possible d’avoir recours à des approches psychocorporelles, le contact physique ainsi que sur la relation d’attachement qui permet la co-régulation de notre système nerveux. La co-régulation implique de se synchroniser avec le système nerveux d’une autre personne ancrée et réguler. Cette co-régulation permet d’apaiser notre système nerveux et ainsi progressivement explorer, identifier et traverser la pleine intensité de notre peur et autres émotions difficiles. Lorsque nous avons suffisamment de sécurité intérieure, la respiration profonde, la méditation, le yoga peuvent nous soutenir à réguler notre système nerveux. Toutes ces approches permettent d’activer notre système nerveux parasympathique qui permet la détente et l’apaisement.

L’anxiété est donc une réponse normale à une peur perçue. L’anxiété peut également devenir un mécanisme d’adaptation puissant pour nous éviter de ressentir et de traverser la peur. En allant progressivement à la rencontre de notre peur, il est possible de réduire considérablement les manifestations chroniques de l’anxiété.


Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme 


Références :

1. Carleton, R.N., Collimore, K. C., & Asmundson, G. J. G. Intolerance of uncertainty and anxiety. Evident of interactive effects of anxiety sensitivity, 2010.

2. Craske, M. G., Rauch, S. L., Ursano, R., Prenoeau, J., Pine, D. S., & Zinbarg, R. E., What is an anxiete disorder? Depression and anxiety, 26 (12), 1066-1085, 2009. 

Pour aller plus loin :

Van der Kolk, B. A. (2014). “The Body Keeps the Score: Brain, Mind, and Body in the Healing of Trauma”. New York: Viking.

Porges, S. W. (2011). “The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-regulation”. New York: W.W. Norton & Company.

Ogden, P., & Fisher, J. (2015). “Sensorimotor Psychotherapy: Interventions for Trauma and Attachment”. New York: W.W. Norton & Company.