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L’opposition avec ou sans provocation : de grands défis, mais pas un trouble!

Le trouble d’opposition avec ou sans provocation ne devrait pas être une étiquette pour décrire les jeunes ni un diagnostic psychiatrique que nous devrions leur imposer. Certes, il s’agit de comportements qui peuvent être très difficiles et très intenses à gérer, surtout lorsque ces comportements deviennent chroniques. Par contre, comme pour chaque comportement, il s’agit d’un langage affectif. Il est essentiel de comprendre ce qui motive l’opposition et la provocation qui peuvent avoir plusieurs motivations.

Un enfant ou un adolescent qui s’oppose ne cherche pas à nous provoquer ni à nous faire suer. Il cherche avant tout à s’affirmer. Souvent, cette affirmation de soi est très maladroite. Les enfants peuvent frapper, mordre, cracher, donner un coup de pied dans le tibia, les adolescents peuvent nous insulter, frapper dans le cadre de porte. La force de frustration est puissante et la rage ressentie est intense. C’est difficile, voire impossible pour les jeunes de s’exprimer verbalement et de mettre en mots ce qu’ils ressentent.

Parfois, que ce soit à la maison ou à l’école, la consigne demandée n’est simplement pas comprise ou elle peut générer des émotions désagréables chez particulièrement chez les jeunes neuroatypiques. Les enfants peuvent se sentir contraints, ils peuvent bloquer, figer sur place, argumenter, s’opposer. La consigne doit faire du sens pour ces enfants, c’est primordial. Ils peuvent avoir besoin d’explications supplémentaires, que la consigne soit très explicite, que les raisons de cette consigne soient claires.

Il arrive que la consigne ne fasse jamais sens pour l’enfant. Par exemple, au niveau des codes sociaux comme la politesse : dire bonjour, dire merci, dire au revoir, ne pas parler trop fort, sourire en retour, rester à table jusqu’à ce que tous aient terminé, regarder sans les yeux, faire la bise, faire un câlin, faire une poignée de main. Rappelons ici qu’il s’agit de codes et de normes sociales avant tout. Tout est donc relatif à la société, à la culture, à l’époque. Et surtout, les codes sociaux ne sont qu’une parure, qu’une forme pour vivre en société de manière harmonieuse et respectueuse – en superficie. Si cela n’est que parure, qu’un bien paraître, quel est le sens? Faire semblant? Pourquoi? Si cela n’est pas sincère et ressenti, pourquoi jouer la comédie? Pourquoi ne pas affirmer ses vrais sentiments? Les neuroatypiques détectent ce qui est faux, ce qui est vide, ce qui n’est qu’apparences. Ils se sentent floués, inconfortables, perdus, trahis. L’intégrité est également très importante. Alors pourquoi dire bonjour juste par politesse si ce n’est pas senti? Pourquoi dire merci quand nous ne sommes pas contents? Pourquoi faire un câlin si nous n’en avons pas envie? Dur dur tous ces non-sens!

Puis, vous êtes-vous déjà demandé ce que vos propres demandes ou phrases peuvent avoir comme réactions émotionnelles chez votre enfant : « Restes sage! », « Ne bouge pas », « Restes assis et ne parle pas », « Fais-moi pas honte », « Ne me fais pas de crises ». Et lorsque vous vous exprimez sous forme d’ordres plutôt que demandes à votre enfant : « Range ta chambre immédiatement », « Vas faire tes devoirs! », « Habilles-toi rapidement, on part maintenant! ». L’enfant se sent contraint. Il peut se sentir littéralement comme un objet plutôt que comme un être humain. Il peut percevoir ces phrases, ces ordres comme de la provocation ou comme un affront. Ces phrases activent les régions primitives de son cerveau. Il est normal qu’il réagisse par attaque, fuite ou immobilisation. Et via l’attaque comme l’opposition, il souhaite s’affirmer, protéger son intégrité. Il a besoin d’être considéré.

Lorsque les défis d’opposition sont chroniques chez un jeune, la réaction au stress est une piste à explorer. La neuroception, c’est-à-dire la capacité du cerveau à détecter un danger ou une menace, s’active et provoque des réactions défensives même si le danger ou la menace n’est pas imminente. Notre cerveau détecte automatiquement et de manière subconsciente le danger lors de situations courantes de la vie. Parfois, selon différentes situations, selon la perception, la sensibilité, la maturité cérébrale, le jeune est dans une réaction de stress. Le système nerveux de l’enfant réagit et place l’enfant involontairement dans une posture défensive qui entraîne une multitude de comportements difficiles dont l’opposition.

Les neurodivergents étant de personnes hypersensibles se retrouvent souvent dans un état de stress ; ils perçoivent énormément de stimuli et un stimuli est un stresseur. C’est très insécurisant. C’est une des raisons pourquoi des comportements d’opposition et de provocation sont souvent observées chez les enfants et les adolescents neurodivergents. Ces jeunes se sentent souvent impuissants et hors de contrôle, ce qui déclenche aisément des réactions défensives. À cela s’ajoute tous les autres facteurs environnementaux anxiogènes comme des conflits familiaux, un deuil, un déménagement, de l’intimidation, de la violence familiale ou scolaire, un traumatisme. Il y a tant de facteurs stressants qui peuvent amener un enfant à réagir de manière défensive. C’est pourquoi, si nous souhaitons apporter un soutien approprié et bienveillant, il est essentiel d’aller à la source. Et pour chacun des enfants, ce sera différent.

Les méthodes de gestion du comportement général ne sont généralement pas appropriées. Tout d’abord, celles-ci sont généralistes et ne tiennent que rarement compte de la situation unique de l’enfant. Ensuite, c’est le comportement qui est visé et non tout l’aspect émotionnel. Les plans d’interventions cherchent à éliminer le comportement dérangeant, à récompenser les comportements attendus, à ignorer le jeune, à retirer des objets ou des activités plaisantes pour l’enfant lorsque celui-ci se comporte mal. Souvent, même un traitement médicamenteux est utilisé. Ces techniques comportementales reposent sur le principe que l’enfant a un contrôle sur ces comportements. Alors que ce n’est pas le cas. L’enfant réagit ainsi involontairement et par instinct de survie. Cela ne signifie pas non plus que son cerveau est défectueux, bien au contraire.

Lorsque nous sommes sous stress et que notre cerveau réagit, il y a trois possibilités : l’attaque, la fuite ou le figement. Ainsi, les comportements d’opposition et de provocation ne sont que l’expression d’une réponse à un danger : l’attaque. Il ne s’agit aucunement d’une mauvaise conduite volontaire ni d’un trouble psychiatrique. Les jeunes ne font pas exprès. Ils n’ont aucunement l’intention de nous faire suer.

Lorsque nous optons pour des techniques comportementales telles qu’énumérées ci-haut, nous plaçons le jeune dans une détresse supplémentaire. Son cerveau nous perçoit comme une menace supplémentaire et son sentiment d’insécurité augmente. Nous voilà dans un cycle vicieux.

Un jeune qui est constamment en défiance oppositionnel a surtout besoin de lien d’attachement avec l’adulte. Un lien dans lequel l’adulte lui apportera compréhension, soutien, confiance, ouverture et la sécurité émotionnelle dont il a tant besoin pour se déposer et s’ouvrir sur sa vulnérabilité et sa détresse. Se sentir en sécurité est un grand besoin chez les jeunes neurodivergents et cela prend énormément de temps pour construire ce sentiment à l’intérieur de soi. 


Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité, co-chercheuse en autisme