Selon l’OMS, près de 12% de la population mondiale serait touchée par des difficultés à lire, à écrire ou à calculer. « DYS » signifie dysfonctionnement. D’emblée, c’est péjoratif. Ce préfixe envoie à l’enfant qu’il est dysfonctionnel au niveau de son développement et/ou de ses apprentissages : la motricité, le langage, la lecture, l’écriture, les mathématiques, les couleurs. Pourtant, les DYS ne dysfonctionnent pas! Ces personnes perçoivent davantage d’images, d’odeurs, de sons, de couleurs, de textures, d’intensité émotionnelle que la majorité des gens. Toutes les formes DYS sont des dispositions cérébrales différentes, des formes d’intelligence malheureusement, encore très largement inexplorées et inexploitées.
À l’heure actuelle où ces divergences sont perçues comme des troubles d’apprentissages, c’est un monde de souffrance, de honte et d’humiliation que vive ces neurodivergents. Dans notre société basée sur l’écrit, il devient très invalidant de confondent le sens des mots, de voir balader les lettres sous nos yeux, de peiner à déchiffrer ce qu’il y a d’écrit sous nos yeux, d’écrire grossièrement de manière presque illisible. À cela s’ajoute surtout l’incompréhension de l’entourage. Il y a une grande méconnaissance de la part des enseignants et autres professionnels. À l’école, l’enfant est vu comme un paresseux ou comme un stupide. « Il ne travaille pas! », « Il ne s’applique pas! », « Il ne met pas les efforts nécessaires! », « Elle est nonchalante! », « Il se moque de nous! », « Elle est toujours dans la lune! ».
Comme pour la majorité des neurodivergents, la pensée des DYS est non verbale c’est-à-dire qu’ils pensent en termes d’images, de concepts, d’émotions ou d’idée. Contrairement à une pensée verbale qui est davantage linéaire dans le temps et en mots. Avec ce mode de pensée, il devient alors très difficile de réfléchir à l’aide de mots dont le sens ne peut pas être mis en image. Comme pour l’alphabet. Voir des lettres « f » ou « v » n’est pas voir un sens puisque la seule image est la forme lettre en soi.
Cependant, ces défis ne sont pas des troubles d’apprentissage en soi. Lorsque nous regardons sous l’angle de déficit, nous avons tendance à décrire les neurotypes que sous cet angle. Un autiste serait affecté au niveau de la socialisation, un dyslexique au niveau des symboles imprimés, un dyscalculique au niveau des nombres. En réalité, c’est TOUT un modèle complexe alternatif qui vient modifier la manière dont les neurodivergents traitent l’information à tous les niveaux. Nous faisons de graves erreurs lorsque nous considérons que le cerveau des neurodivergents se développe de la même manière que la majorité mais, que leur cerveau fait mal. En réalité, le cerveau établit un modèle divergent de connexions et de circuits cérébraux qui confère un autre type de fonctionnement du cerveau entier.
Dans notre société, nous avons, au fils des années, mis de l’avant certaines caractéristiques, certains modes de fonctionnement, certaines disciplines et facultés, certains modes d’apprentissages qui sont valorisés. Dans l’enseignement par exemple, le verbe est prioritaire alors qu’il existe une plurialité d’autres aptitudes qui servent notre collectivité et qui sont tous aussi importants.
Par exemple, le développement normal du cerveau chez un enfant dyslexique consiste à ce que les connexions neuronales rendent naturellement l’apprentissage de la lecture plus difficile lorsqu’ils ont 6-8 ans. Cette divergence de câblage crée, comme pour la majorité des neurotypes, un énorme décalage entre ce qu’ils ont besoin d’apprendre dans le système scolaire et ce qu’ils ont besoin d’apprendre de manière naturelle. C’est un conflit réel entre ce qu’on leur exige d’apprendre et ce qu’ils apprendraient de manière naturelle et spontanée.
De plus, le système scolaire impose un modèle d’apprentissage « par cœur » dépendant du verbe. Ce n’est pas naturelle pour les enfants dyslexiques. Ils ont davantage d’habiletés pour les apprentissages via des expériences personnelles qui requièrent une vue d’ensemble de leur environnement.
À l’aide de l’imagerie fonctionnelle cérébrale, nous pouvons voir qu’il y a beaucoup plus de zones perceptives (sensorielles) qui s’allument pour une tâche chez les DYS qui ne s’allument pas chez les neurotypiques. Leur manière d’être est extra sensoriel! Ces formes d’intelligence particulières révèlent des êtres humains créatifs, imaginatifs, intelligents, originaux, hypersensibles, intuitifs aux perceptions extraordinaires qui captent tout ce qui se passe dans le monde qui les entoure. Malheureusement, le système scolaire n’est pas conçu ni adapté pour cette manière de percevoir le monde et d’apprendre. Notre société est basée sur des facultés langagières et beaucoup moins sur la perception, les compétences d’ordres visuelles, auditives, etc.
Comme pour la majorité des neurodivergents, l’aspect corporel et les sens sont très importants pour les apprentissages des DYS. Selon l’orthophoniste Béatrice Sauvageot, un DYS ne peut apprendre qu’en mouvement et il voit le monde de manière spatiale et graphique. Cependant, bien qu’il existe des exceptions, l’école ne permet que très rarement aux enfants de bouger et d’être en mouvement lorsqu’ils sont en classe. Il n’est pas permis d’être debout à côté de son bureau. Il n’est pas permis aux enfants de dessiner pendant qu’ils écoutent le cours alors que cela aide les enfants dyslexiques par exemple à être attentif et à se souvenir de son cours. Un enfant qui regarde souvent par la fenêtre est souvent rappeler à l’ordre puisqu’il semble dans la lune. Si parfois c’est permis, regarder dehors permet souvent aux DYS d’écouter le cours avec plus d’attention.
En fait, ce que le système scolaire impose aux enfants, est une forme de violence. Les enfants sont contraints de se conformer au mode d’apprentissage unique et restreint qui leur est offert. Tous les enfants qui dérogent de ce mode d’apprentissage, les enfants qui apprennent autrement, sont maltraités par les mots et les étiquettes qu’on utilise pour les décrire ainsi que par le détriment et la destruction de leur intelligence naturelle.
Afin que ce don créatif et cognitif soit révélé, il est très important de considérer toutes formes de DYS comme un don, un talent et non comme un trouble d’apprentissage. Il est important que l’enfant soit accompagné, soutenu et conscient de ses forces afin qu’il puisse s’épanouir pleinement et que ces habiletés naturelles ne sont pas détruites pas le système scolaire et par la société.
Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité, co-chercheuse en autisme