Nos jeunes ne vont pas bien. « Qu’est-ce qui cloche avec nos enfants? » et « La société change » sont deux articles parus ce dimanche 28 mai dans LaPresse qui dressent un très sombre et alarmant portrait de cette détresse des enfants et adolescents1. Des articles qui soulignent également à quel point les adultes sont dépassés par cette détresse tant les besoins sont immenses et grands.
La relation parent-enfant ou encore celle enseignant-enfant m’interpelle énormément puisque la relation d’attachement est un besoin fondamental, souvent négligée. Quand nous pensons en termes de hiérarchie ou d’autorité, nous croyons souvent que l’enfant est inférieur à l’adulte et qu’il doit obéir aux adultes. Nous croyons que nous avons besoin d’asseoir notre autorité et d’être sévères et strictes. Par exemple, lorsqu’un jeune ne se soumet pas aux demandes des parents, nous pensons qu’il doit être puni, mis en retrait, se voir retirer certains privilèges, qu’il doit être humilié et ressentir de la honte pour ses comportements dérangeants, que ses émotions doivent être ignorées, qu’il devient légitime de crier ou encore de priver du lien avec le parent.
Ces croyances conditionnent le jeune par la peur. C’est pour ton bien, les racines de la violence dans l’éducation de l’enfant qu’Alice Miller abordait déjà dans les années 1980. Croyant faire pour le bien de l’enfant, ce dernier acquière plutôt qu’une personne en autorité peut utiliser son pouvoir pour faire de la violence : chantage, menace, retrait, humiliation. Il acquière qu’il est un être inférieur, fondamentalement mauvais et pas correct. Il apprend que son intégrité n’a pas de valeur. Il apprend la culpabilité de ressentir et il apprend à refouler ses sentiments vulnérables. Il apprend à éprouver la haine de lui.
Dès lors naissent des défis d’estime de soi, de confiance en soi, de la crainte des émotions, de l'anxiété chronique, des angoisses, de la colère, de la rage, un sentiment de rejet, un sentiment d’abandon, un sentiment incomplet de soi, des défis comportementaux, des défis neurodéveloppementaux et une multitude de diagnostic en santé mentale.
Combien d’adultes d’aujourd’hui connaissent ces défis?
Si à une certaine époque, les jeunes étaient moins turbulents, ils étaient certainement beaucoup plus dociles, sages, obéissants et résignés. Et ils étaient, tout comme nos jeunes d’aujourd’hui en mode survie, et possiblement davantage figés par la peur d’avoir une tape sur une fesse, d’être mis au coin, d’être menacés, de perdre l’amour de leur parent. Dans bien des foyers, un climat de peur imposant régnait tristement sur les anciennes générations, et l'enfant ressentait intuitivement qu'il n'avait que très peu de place pour s'exprimer librement, pour faire une crise émotionnelle libératrice, pour s'affirmer.
Un jeune est un être en développement. Nos enfants et nos adolescents sont dépendants des adultes qui les entourent. Ils sont dans une position très vulnérables. Les enfants ont besoin d’un cadre sécurisant pour grandir et pour développer leurs propres ressources et leurs compétences socio-émotionnelles et cognitives.
Nous parlons ici de la hiérarchie relationnelle. Une hiérarchie dans laquelle le parent est un guide pour son enfant. Le parent prend les rênes de la relation affective puisque l’adulte est plus mature émotionnellement que l’enfant. Une relation dans laquelle les besoins de l’enfant sont aussi importants que ceux que du parent. Être dans la relation avec son enfant n’est pas de dire oui à toutes ses demandes ni d’argumenter sans cesse. C’est d’accueillir inconditionnellement l’émotion de l’enfant dans une posture empathique. C’est d’accueillir la frustration profonde de l’enfant et la crise générée face à un refus de sa demande par exemple. C'est d'être un contenant sécurisant pour des émotions fortes.
C’est difficile d’être dans cette posture sécurisante, consciente, positive, bienveillante. Très difficile lorsque nous n’avons pas reçu nous-même cette éducation quand nous étions enfant. Plusieurs parents d’aujourd’hui oscillent entre une parentalité laxiste et une parentalité autoritariste. Nous sommes des parents apprenants. Allons-y avec douceur. Nous ferons des erreurs et c'est normal.
Nous sommes habitués à chercher des coupables et à jeter le blâme sur les parents, les enseignants ou sur les jeunes pour tout cette détresse dans les milieux éducatifs qui nous concerne tous. Je nous invite à être tous des acteurs de changement et à prendre nos responsabilités. Nous vivons tous dans cette même société effrénée, perfectionniste et compétitive. En tant qu’adultes, nous vivons des stress importants, une pression énorme et nous avons très peu de temps pour prendre soin de notre intérieur. Il est alors difficile de prendre soin de nos enfants lorsque nous sommes nous-même épuisés. Il est difficile d’être dans une relation sécurisante et d’être dans une présence empathique lorsque nous-même sommes dans un état de stress et que nous avons besoin d’empathie. Je nous invite à favoriser l'ouverture, le respect et l'empathie envers tous.
Un lien d’attachement sécurisant est un besoin fondamental pour le développement affectif, social et cognitif de l’enfant. L’enfant est vu, compris, entendu dans ses émotions et besoins. Un enfant dans ce lien sécuritaire collabore avec joie. Il sent qu’il a de l’importance et que son élan de vie peut exister. Nous ouvrons la voie vers une saine gestion des émotions, de l’autonomie, du vivre-ensemble et de l’expression de soi. Un pas à la fois.
Mélanie Ouimet
Fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité