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Syndrome de Gilles de la Tourette : et si c’était de l’anxiété?

Le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) est officiellement un trouble neurologique qui se manifeste par des tics moteurs et vocaux involontaires, apparaissant généralement pendant l’enfance. Des comportements comme se racler la gorge, renifler ou émettre des bruits répétitifs en sont des exemples fréquents. Ces tics sont souvent amplifiés par l’anxiété et peuvent être perçus comme des réponses corporelles à une tension émotionnelle sous-jacente. C’est ce que nous allons explorer dans cet article.

Les tics, une réponse corporelle naturelle à l’anxiété

Les tics, tels que se racler la gorge, ne sont pas des comportements gênants ou inappropriés qu’il faut éliminer à tout prix. Ils sont souvent une réponse naturelle et instinctive du corps face à des émotions intenses, comme l’anxiété. Lorsque l’anxiété augmente, l’enfant peut utiliser ces tics comme une stratégie d’adaptation pour gérer ce qu’il ressent intérieurement. Les tics sont en fait une manière instinctive de réguler une surcharge émotionnelle ou sensorielle. Cela se fait involontairement.

Il est crucial de rappeler que l’anxiété est une émotion humaine normale et naturelle, et non un problème à traiter ou à éliminer (Voir l’article sur l’anxiété). Au lieu de voir les tics comme quelque chose à éradiquer, il est important de les accepter comme une manifestation de la gestion des émotions du jeune et même de l’adulte. L’important est de reconnaître que les jeunes peuvent développer des moyens d’adaptation face à leurs émotions et c’est OK.

La médicalisation excessive : une approche à questionner

Dans notre société actuelle, le modèle clinique et psychiatrique domine notre manière de conceptualiser… les émotions. Ainsi, beaucoup d’enfants présentant des tics sont rapidement diagnostiqués avec des troubles psychiatriques et se voient prescrire des médicaments puissants. Cela peut parfois être utile pour réduire l’intensité des symptômes, mais cette approche pose plusieurs problèmes. D’une part, elle peut renforcer l’idée que les tics ou l’anxiété sont des problèmes à corriger plutôt que des aspects humains naturels à accueillir. D’autre part, elle peut détourner l’attention des besoins émotionnels fondamentaux de l’enfant.

En prescrivant des médicaments pour réduire les tics, on risque de masquer les émotions profondes de l’enfant plutôt que de l’accompagner dans son ressenti. Cela peut inhiber l’enfant dans son développement émotionnel, en lui faisant croire que ce qu’il ressent n’est pas acceptable, que ces gestes et comportements ne sont pas « corrects » ou qu’il doit être « normalisé » à tout prix pour ne pas déranger ou pour être accepter.

Une approche empathique qui accepte les tics

Plutôt que d’essayer de supprimer les tics, une approche bienveillante et empathique peut aider l’enfant à comprendre que c’est parfaitement acceptable d’en avoir. Le fait de ressentir de l’anxiété ou de développer des tics pour la gérer est une réaction humaine normale. L’objectif ne doit pas être d’empêcher les jeunes de ressentir ou de s’adapter, mais plutôt de les soutenir dans cette expérience.

Les enfants ont besoin d’être entourés de personnes qui acceptent qu’ils vivent des émotions comme l’anxiété et qui reconnaissent que leurs tics sont une forme d’expression. C’est en créant un environnement où l’enfant se sent compris, soutenu, et en sécurité émotionnelle qu’on peut réellement l’accompagner. Oui, nous pouvons l’aider à explorer d’autres moyens de gérer ses émotions, mais sans pression de corriger ce qu’il ressent ou fait.

Il est également essentiel de normaliser l’idée qu’avoir des tics n’est pas un problème en soi. Les tics sont une stratégie d’adaptation que l’enfant ou l’adulte utilise, et cette stratégie fait partie intégrante de sa manière de gérer l’environnement qui l’entoure. En tant qu’adultes, notre rôle est de leur permettre cet espace d’expression tout en offrant un soutien émotionnel bienveillant. Une telle approche permet de renforcer la relation de confiance et d’accompagner les jeunes à travers leurs émotions, plutôt que de les étiqueter ou de chercher à les réparer.

Il est à mon sens essentielle d’avoir une approche relationnelle et à l’écoute des jeunes, qui ne cherche pas à médicaliser leurs émotions mais à les accompagner dans leur développement émotionnel, avec compassion et respect de leur singularité.

Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité et co-chercheuse en autisme

Références complémentaires :

1. Singer, H. S. (2013). Tourette syndrome and other tic disorders. Handbook of Clinical Neurology, 112, 385-391.

2. Cohen, S. C., Leckman, J. F., & Bloch, M. H. (2013). Clinical assessment of Tourette syndrome and tic disorders. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 37(6), 997-1007.

3. Eddy, C. M., Cavanna, A. E. (2014). On being your own worst enemy: An updated review on Tourette syndrome and self-injurious behavior. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 45, 197-207.