L’hypersensibilité perceptive des autistes

L’hypersensibilité perceptive des autistes

La majorité des gens croient que l’hypersensibilité des autistes est liée à un système d’intégration sensorielle défaillant et qu’ils doivent être stimulés pour éveiller leurs sens. 

Un autiste aborde son environnement de manière totalement différente d’un non-autiste. Par le biais de l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), nous pouvons voir que le cerveau des autistes utilise davantage les aires sensorielles (perceptives) que les non-autistes[1]. C’est ce que nous appelons une réorganisation des aires cérébrales. Cette réorganisation entraîne un fonctionnement perceptif chez les autistes. 

Pour faire très simple, nous pourrions dire que le cerveau d’un autiste favorise des intérêts sensoriels, concrets, précis et objectifs alors que le cerveau des non-autistes favorise des intérêts généraux, subjectifs, abstraits et donc, la socialisation. 

Un autiste est un être social comme tous les humains, mais son cerveau ne priorise pas les informations sociales comme peut le faire le cerveau des non-autistes. Également, comme la perception est plus élevé, les autistes voient et ressentent une multitude de détails. Le flux sensoriel devient très important. C’est ce flux important d’information qui peut créer l’hypersensibilité et les surcharges sensorielles des autistes. Il ne s’agit donc pas d’une mauvaise intégration sensorielle. 

Comme les autistes perçoivent beaucoup plus de détails, ils n’ont aucunement besoin que l’on stimule et éveil leurs sens. Ils le sont suffisamment ! Leurs expériences sensorielles sont immenses. 

Un autiste qui est obnubilé par le tournoiement d’un ventilateur, par des roues de ses petites voitures, par des rayons lumineux ou qui passe constamment ses doigts sur ses yeux n’est pas en recherche sensorielle. Du moins, pas dans le sens que peuvent le penser les non-autistes. Cette « recherche » de stimulation sensorielle n’est pas la conséquence d’un système d’intégration sensorielle non-fonctionnel. La personne autiste recherche les attraits sensoriels par plaisir et intérêt tout comme un non-autiste recherche le bavardage social. Il joue simplement, d’une manière atypique.

Il en va de même lorsqu’un autiste fait des alignements par exemple. Ce n’est pas une mauvaise intégration sensorielle qui l’empêche d’entrer en relation avec le monde « extérieur ». L’autiste est dans le même monde, mais sa manière d’entrer en contact avec ce monde est différente. Le cerveau perceptif entraîne une pensée en image. Cette pensée est non linéaire. Par les alignements, l’autiste observe, apprend et entre en relation avec son environnement. 

Quand un autiste se balance, saute, tourne en rond, fait des bruits de bouche ou est incapable de rester en place, ce n’est pas un problème de proprioception lié à une mauvaise intégration sensorielle. Par conséquent, il n’a pas besoin de se faire balancer sur une balançoire pour combler un manque sensoriel. Ces mouvements l’aident à assimiler l’information entrante. Cette bougeotte est un mécanisme que le cerveau utilise pour aide l’autiste à se réguler et à trouver son équilibre interne. 

Dans cette même optique, certains autistes peuvent sembler indifférent à la douleur ou à la température. Il s’agit de sensations et celles-ci sont abstraites. Elles sont également nombreuses en stimuli perceptifs. Il est parfois difficile pour un autiste d’associer la sensation, par exemple, le froid, avec les frissons et tremblements de son corps. Les sensations peuvent être très diffusent. Combinées aux autres stimuli ambiants de l’environnement, les sensations deviennent alors à peine perceptibles. De plus, lorsque l’autiste a fait le lien entre les frissons, les tremblements et le froid, cela ne veut pas dire qu’il saura davantage comment se réchauffer. Il doit apprendre en plus à associer le tout avec les vêtements qui le tiendront au chaud. Il ne s’agit pas d’apprendre par cœurs la séquence, mais bien d’apprendre à l’autiste comment reconnaitre les sensations par lui-même et de faire des liens les unes avec les autres. Ensuite, il pourra mieux généraliser.

Les intérêts et les jeux des autistes qui semblent être limitatifs et stéréotypés dans leur développement ne le sont pas. Pas plus que les comportements « bizarres » et inhabituels que l’on peut observer chez eux en lien avec leurs sens. 

Quand un autiste semble avoir un besoin insatiable de stimulation sensorielle, ce n’est pas parce que son système nerveux a besoin de plus de stimuli sensoriel mais bien parce que le cerveau perceptif favorise les intérêts liés aux sens. 


Mélanie Ouimet


[1]http://grouperechercheautismemontreal.ca/SurLeSpectre/Sur_le_spectre_no_2_2016-10.pdf

Également en ligne au MPLV : https://www.mamanpourlavie.com/blogues/le-blogue-dune-maman-autiste/15935-l-a-hypersensibilit-perceptive-des-autistes.thtml

TDAH: comprendre et favoriser l’estime de soi

TDAH: comprendre et favoriser l’estime de soi

Éparpillé, décentré, agité, impulsif, rêveur, colérique, oppositionnel sont des qualificatifs péjoratifs et dévalorisants souvent décrits pour parler d’une personne ayant un TDAH. On observe, on appose des étiquettes et on instaure un plan d’intervention. Les approches traditionnelles, outre la médicamentation, concentrent leurs efforts sur des thérapies comportementales qui se caractérisent par un programme d’encadrement et de surveillance. On établit avec l’enfant des objectifs et des récompenses dans l’objectif d’obtenir de celui-ci de meilleurs comportements et résultats. Cependant, ces deux méthodes omettent l’essentiel : la perception et le vécu intérieur de la personne ayant un TDAH. 

Par ailleurs, la faible estime de soi est souvent remarquée chez les personnes ayant un TDAH. A priori, il est facile de faire le lien entre les difficultés et les échecs rencontrés et la faible estime de soi. Cependant, cette relation de causes à effet est trop simpliste. 

Pour comprendre les comportements et réactions des personnes ayant un TDAH, il est essentiel de connaître leur fonctionnement interne. La grande sensibilité que possèdent les personnes avec une attention modulaire est un élément clé dans cette compréhension. Leur frontière interpersonnelle est en effet très souple et perméable à l’environnement qui les entoure. Ainsi, de par cette grande hypersensibilité, les personnes ayant un TDAH perçoivent et ressentent l’ambiance et les émotions d’autrui très fortement tant et si bien qu’il est difficile, voire impossible, de faire la distinction entre leurs propres émotions et celles des autres. Le chaos interne s’installe donc facilement. 

Les personnes ayant des frontières interpersonnelles si perméables se retrouvent rapidement désorganisées et en surcharge sensorielle. C’est ainsi que, facilement, nous les jugerons et blâmerons d’être lunatiques, d’avoir l’esprit ailleurs, d’être paresseux, d’être distraits, d’être brouillons ou d’être rêveurs. Alors que leur besoin immédiat est simplement d’avoir un endroit calme pour se ressourcer et se recentrer sur elle-même.

Les frontières interpersonnelles souples jouent également un rôle sur le plan émotionnel. La tolérance à la frustration est généralement basse. On remarque des comportements impulsifs et oppositionnels. Ainsi, les parents, souhaitant mettre fin à ces « mauvais comportements », peuvent se retrouver dans un cycle sans fin d’argumentation, de punitions, de conséquences et constater que leur enfant semble complètement indifférent. 

Les punitions, les conséquences ainsi que les méthodes de renforcements positifs ne sont pas des solutions efficaces et concrètes et ne font qu’accentuer la mauvaise estime de soi d’une personne qui ne sait pas bien se définir soi-même. Gardons en tête: derrière chaque comportement se cache une émotion, un sentiment, une sensation qui est nécessaire de décoder. 

Par leur concept de soi mal défini, les sentiments d’ennui, de honte, d’incompétence, d’embarras, de solitude, d’incompréhension, etc. sont souvent ressentis chez les personnes ayant un TDAH et ces sentiments jouent un rôle majeur dans l’état d’agitation, de dispersion, d’impulsivité et de frustration observé chez ces personnes. Il est ainsi important d’accueillir cette expression maladroite sans jugement et sans punition et d’y apporter, par la suite, des outils pour aider la personne à mieux se comprendre et s’exprimer dans le futur. 

Le développement d’un lien d’attachement et de sécurité au sein de la famille est à la base du développement d’une bonne estime de soi. L’écoute empathique sans jugement permettra à la personne de se sentir aimée et accueillie pour ce qu’elle est. Décrypter le sens des comportements et paroles malhabiles : besoin d’écoute, besoin de considération, de se sentir aimé, de compréhension, de respect, de tendresse, de douceur, etc. Aider la personne à savoir mettre des mots sur son vécu, sur ses ressentis, décoder ce qui lui appartient de ce qui ne lui appartient pas. Il sera ensuite plus facile de gérer les stimuli environnementaux ainsi que les émotions des autres et par conséquent, de mieux se définir en tant que personne indépendante d’autrui : d’avoir un concept de soi plus clair. 

Une personne ayant un TDAH a souvent de la difficulté à se définir et les défis deviennent alors nombreux. La malléabilité de leurs frontières interpersonnelles rend extrêmement difficile le concept de soi, et par conséquent, l’estime de soi. C’est dans cette optique que les interventions devraient se concentrer. 

L’impact des succès, des échecs, des difficultés jouent un rôle dans l’estime de soi. Mais avant tout, l’estime de soi se bâtit sur la connaissance de soi, de ses désirs, de ses besoins, de ses capacités, de ses sentiments, etc. C’est en se penchant sur le fonctionnement interne de la personne ayant un TDAH que nous pourrons favoriser son estime de soi. Nous pourrons l’aider à mieux se définir, à mieux se connaître et ainsi favoriser sa capacité à reconnaître ses habilités, ses qualités, son sentiment de pouvoir et de compétence personnelle. Nous l’aiderons à mieux comprendre le fonctionnement de ses frontières interpersonnelles, à en réguler la perméabilité et à être conscient de ce qui lui appartient comme sentiment et émotions. Nous l’aiderons à atteindre son plein potentiel en toute confiance.


Mélanie Ouimet


Référence: Le TDAH, une force à rééquilibrer : Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivitéDiane Dulude, PH.D, Les éditions du CRAM et les éditions Porte-Bonheur.