Ces garçons hypersensibles incompris

Ces garçons hypersensibles incompris

Les enfants qui ont une intelligence atypique (autistes, TDAH, DYS, HP) sont hypersensibles. Ils ont un grand besoin de sécurité. Ces enfants ont les sens extrêmement aiguisés. Le cerveau perçoit davantage de détails provenant de leur environnement. À noter qu’ils n’ont pas de problèmes d’intégration sensorielle. Il s’agit véritablement du cerveau qui est « branché » différemment et qui perçoit plus de stimuli. Les hypersensibles absorbent également tout comme des éponges hyper efficaces. Puisque le flot de stimuli est incessant, les hypersensibles doivent apprendre à gérer ces informations entrantes pour garder l’équilibre interne. Il est essentiel pour ces personnes, enfants ou adultes, d’évacuer, de trier, d’ordonner, de respirer, en bref, de faire de la place à l’intérieur de soi pour créer suffisamment d’espace intérieur pour affronter le quotidien. Pour les enfants hypersensibles, cette paix intérieure passe par la sécurité de leur environnement et donc, des liens qu’ils ont avec les adultes qui les accompagnent.

Dans un espace sécuritaire dans lequel l’enfant sera pleinement accueilli, il pourra déposer toutes les émotions intenses qu’il vit. Cultiver la vie émotionnelle et répondre au besoin de proximité est la clé de l’épanouissement des enfants hypersensibles, filles comme garçons.

Les garçons hypersensibles sont généralement mal compris. Leur mal-être se traduit souvent par des comportements perturbants comme l’hyperactivité, l’impulsivité, l’opposition, la provocation ou l’agressivité. Également, nous avons d’énormes préjugés quant à la sensibilité masculine. De manière générale, nous avons de la difficulté à répondre à leurs véritables besoins soit parce que nous ne décodons pas ces besoins ou soit parce que la croyance populaire invite à « endurcir » les garçons. Un petit garçon sensible qui a besoin de proximité, de câlins, de lien, d’exprimer ses émotions sera vite qualifié de « trooooop sensible! », voire de faible et d’inadapté. « Il va falloir s’endurcir un peu! », « Le monde est difficile, il ne te fera pas de cadeau! », « Ne sois pas si douillet, il faut être fort! ». Des phrases encore entendues trop souvent qui proviennent de cette croyance populaire qu’il est nécessaire, pour être fort, de se couper de nos émotions, de notre sensibilité, de la relation d’attachement pour affronter le monde dur dans lequel nous vivons et c’est encore plus vrai pour les garçons. Or, ce que nous encourageons, ce sont des habitudes de vie qui distendent le lien, qui nous éloignent de l’empathie, de la collaboration et de la communication.

Kate Stone Lombardi aborde cette thématique spéciale dans son livre intitulé : Le mythe du garçon à maman : pourquoi garder nos fils proches les rend plus forts[1]. Ce livre révèle des recherches intéressantes qui nous amènent à réfléchir sur notre manière d’éduquer les garçons, particulièrement les hypersensibles. Les relations de proximité nourrissent les garçons et contribuent à leur plein épanouissement. À l’inverse, des comportements dérangeants, de l’anxiété de séparation et de la détresse surviennent lorsqu’ils sont poussés à une séparation précoce et que leurs émotions ne sont pas entendues.

Fait intéressant également. Les garçons hypersensibles sont plus susceptibles de vivre de l’anxiété de séparation que les filles hypersensibles. L’anxiété de séparation se comble par le lien. Hé oui! Contrairement à la croyance populaire qui affirme que l’enfant doit apprendre à supporter la séparation d’avec ses figures d’attachement pour arrêter son anxiété, c’est en solidifiant le lien et en répondant aux grands besoins de lien que le sentiment de sécurité intérieur de l’enfant prendra de l’expansion.

Dans son livre, Lombardi mentionne que les liens proximaux avec les garçons les soutiennent à chaque étape de leur développement. En lien, le développement de leurs compétences socio-émotionnelles est favorisé. Ainsi, ces garçons arrivent à mieux communiquer leurs émotions et leurs besoins. Ils s’épanouissent alors mieux au niveau académique également. Leurs comportements dérangeants s’estompent. Ils sont moins susceptibles de développer des comportements à risque une fois arrivés à l’adolescence. À l’âge adulte, ces hommes collaborent mieux en milieu de travail et deviennent des leaders plus efficaces. Ils deviennent également de meilleurs conjoints et pères puisqu’ils ont su développer de bonnes capacités de communication, d’empathie et leur grande sensibilité s’est déployée de manière optimale.

Nos émotions, notre sensibilité sont l’essence de ce que nous sommes. Elles expriment nos besoins les plus profonds nécessaire à la connaissance et à l’expression de Soi. Alors, qu’est-ce qui fera de nos garçons en développement deviendront des hommes solides, capables de s’affirmer avec douceur, de tenir compte de leurs besoins et de ceux d’autrui, d’exprimer leurs émotions de manière respectueuse? Que voulons-nous pour nos garçons? Que voulons-nous pour nos enfants? Quel avenir et quel monde souhaitons-nous qu’ils aient? Pour quel avenir nous les accompagnons dans leur parcours développemental?

Mélanie Ouimet


[1] Kate Stone Lombardi, The mama’s boy myth Why keeping our sons close makes them stronger, Avery Trade, mars 2013

La propreté : un concept parfois complexe pour les autistes

La propreté : un concept parfois complexe pour les autistes

L’apprentissage de la propreté est un concept parfois laborieux à comprendre pour les autistes. Il faut savoir en premier temps que l’autisme n’empêche pas la propreté.

Si une personne autiste est aux couches à un âge très tardif, ce n’est pas l’autisme la cause, mais l’incompréhension de l’autisme qui prive l’autiste d’assimiler le concept de la propreté. 

Lorsqu’on essaie d’apprendre à un enfant autiste la propreté, nous avons tendance à l’encourager avec un système de récompenses. Premièrement, nous oublions que la propreté d’un autiste peut arriver un peu plus tardivement que la moyenne et que c’est indépendant de la volonté de l’enfant. Il ne sera donc ni rare ni anormal qu’un enfant autiste de 4-5 ans, parfois un peu plus, porte des couches.  

Mais surtout, plusieurs ignorent que parfois, l’enfant autiste n’a pas conscience de toutes les parties de son corps. Il ne sait pas qu’il a une vessie et ne fait pas le lien entre le liquide par terre et son corps qui vient d’éliminer son pipi. Il ne sait pas intuitivement qu’il faut faire ses besoins seulement dans la toilette et non dans ses culottes ou sur le plancher. Il ne sait pas qu’il peut faire ses besoins ailleurs que dans la toilette de sa maison. Il ne sait pas qu’il peut aller faire pipi quand il ressent seulement une petite envie non urgente, ce qui permet d’éviter les accidents. Il ne sait pas qu’il ne peut pas faire ses besoins dehors comme les animaux. Il ne sait pas que la sensation qu’il ressent dans son corps est en lien avec l’élimination de son urine ou de ses selles. Ce sont tous des exemples de pistes à explorer qui, si nous l’ignorons, peuvent empêcher l’enfant autiste d’acquérir la propreté. 

L’autiste peut également avoir besoin qu’on lui explique tout le processus d’élimination des déchets biologiques pour comprendre logiquement le concept de propreté. Il faut généralement être très explicite avec les autistes pour qu’ils puissent acquérir et bien comprendre de nouveaux concepts comme celui de la propreté. Il ne faut pas hésiter à prendre du papier et des crayons pour dessiner ou mieux encore, lui montrer par l’exemple ! Et ce, même si l’enfant est non verbal, il comprend. 

Par ailleurs, il n’est pas rare d’entendre que les autistes jouent dans leurs excréments et font de jolies œuvres d’art sur les murs ! Encore une fois, ce n’est pas la condition autistique qui génère cette problématique ou une déficience intellectuelle associée à l’autisme. Certains jeunes enfants, autistes ou non autistes, expérimentent le plaisir de jouer dans leurs selles. Pour les enfants, les selles ne sont pas sales et ils n’ont pas encore l’émotion de dégoût associée à leurs selles. Ce comportement fait partie du développement des enfants et s’étend parfois plus longtemps pour les autistes, pour qui le plaisir passe par le sensoriel avant le social. 

Cependant, pour certains autistes, parfois, cette phase perdure et il est important d’aider la personne autiste à comprendre que les selles ne sont pas propres. Par le même principe, la personne autiste n’a pas nécessairement la conscience naturelle et innée que les textures brunes qui se retrouvent dans sa couche ou par terre sont ses excréments. Ils ne peuvent pas savoir et comprendre que « ce n’est pas propre et qu’il y a plusieurs bactéries nocives pour leur santé ». Ils ont besoin d’avoir une explication claire et logique. Et parfois, selon l’âge chronologique, ce principe logique ne peut être compris, que l’on soit autiste ou non. Ce n’est pas un signe de déficience quelconque lié à l’autisme. 


Les autistes sont des êtes perceptifs. L’abstrait est complexe pour eux. Il faut revenir à la base et s’assurer avant toute chose que l’enfant autiste ressent ses sensations internes et qu’il a bien conscience de son corps et de ses frontières entre lui et son environnement. 

Plus l’enfant grandira, plus il sera en mesure de comprendre et d’assimiler le concept lorsqu’on lui explique concrètement et non en le motivant par des systèmes de récompenses car on court le risque que l’autiste demeure aux couches toute sa vie ou qu’il ne sache pas généraliser ce concept comme bien d’autres d’ailleurs. 

Mélanie Ouimet


Aussi disponible sur le MPLV: https://www.mamanpourlavie.com/blogues/le-blogue-dune-maman-autiste/17285-la-propret-un-concept-parfois-complexe-pour-les-autistes.thtml

La pensée en images, les fonctions exécutives et l’attention

La pensée en images, les fonctions exécutives et l’attention

Le « déficit » des fonctions exécutives est une problématique de plus en plus abordée lorsqu’on parle entre autres d’autisme ou de TDAH. 

Les fonctions cognitives sont les capacités de notre cerveau nous permettant de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances[1]. Les fonctions exécutives et l’attention font parties de ces fonctions cognitives. 

Les fonctions exécutives représentent un ensemble hétérogène de processus cognitifs de haut niveau. Ces processus cognitifs sont associés généralement à l’intelligence d’un individu. Quand une personne a des difficultés à ce niveau, nous avons tendance à nommer cette difficultés « troubles », ou « déficit ». 

Cependant, nous oublions un élément fondamental. Les neurologies divergentes. Le fonctionnement de la société n’est basé que sur la neurologie majoritaire, celle des neurotypiques. Tous les comportements que nous pouvons observer, comme les processus cognitifs sont basés sur cette norme et également évaluer selon cette norme. 

Les autistes et les personnes ayant un TDAH ont un cerveau davantage perceptif. Quand notre cerveau analyse les informations de manière perceptive, l’ordre de pensée n’est pas linéaire. Le cerveau est bombardé de stimuli et le flux informatif est très élevé. 

Il est alors facile de se sentir perdu, confus et distrait parce qu’on n’arrive que difficilement à rendre les informations entrantes fluides et de les prioriser. Il y en a trop. 

Lorsqu’on traiter les informations de manière perceptive, il faut généralement plus de temps pour traiter les informations abstraites et les environnements changeants. Il faut les analyser de manière consciente, manuellement. Nous devons essayer de construire un scénario continu et fluide avec des images reçues de toute part, sans lien nécessairement les unes avec les autres. 

Nous avons un tas d’images, d’idées et de schémas qui circulent dans notre tête. Elles circulent extrêmement rapidement, sans ordre linéaire. Quand un imprévu ou une nouvelle tâche s’ajoute, notre schéma initial s’égare ou explose et nous devons tout refaire pour donner un sens cohérant. C’est un processus ardu et complexe. 

Plus nous apprenons à connaître notre mode de penser, plus nous devenons habiles pour conceptualiser les mots et notre environnement en image (schémas, pattern, émotions, etc.), plus nous apprenons à faire des associations rapidement entre nos images et ainsi, à être plus fonctionnel dans notre quotidien. 

Avoir un cerveau favorisant un traitement perceptif n’est pas un déficit attentionnel et ni un déficit des fonctions exécutives. 

Lorsqu’on parle d’attention et de fonctions exécutives, nous nous basons sur le fonctionnement des neurotypiques, les personnes qui ont le fonctionnement neurologique majoritaire, c’est-à-dire, une pensée linéaire, plus ordonnée. Alors, il est impossible de comparer ces deux modes de pensées qui sont totalement différents.

On ne peut pas demander à une personne d’avoir un ordre linéaire de ses pensées et de sa planification quand son mode de pensée inné est non linéaire !

Lorsque notre cerveau analyse les informations entrantes de manière perceptives, il favorise la pensée en images et la réflexion intuitive. Les pensées sont nombreuses, arborescentes et très rapide. Plus rapide que le raisonnement verbal. La confusion et la dispersion surviennent souvent et la personne peine à expliquer son raisonnement et ses pensées. Elle peut avoir l’impression d’être plongée dans un profond brouillard. 

La majorité des personnes neurodivergentes adultes ignorent ou ont ignoré leur fonctionnement. Personne n’a tenu compte de leurs particularités. Plutôt que d’adapter l’environnement et de tenir compte de leurs différences, leur entourage, le système scolaire et le milieu de travail tentent de normaliser ou ne tient tout simplement pas compte de ces particularités. Souvent, elles ont été critiquées et forcées de se mouler afin de faire comme les autres. Ces personnes passent pour paresseuses et d’irresponsables.

Les gens ne s’imaginent même pas tous les efforts que ces personnes doivent déployer pour essayer d’être fonctionnel dans leur quotidien. Elles sont incapables de planifier correctement et d’accomplir leurs tâches quotidiennes. Elles sont dispersées, confuses, anxieuses et elles doivent faire d’énormes efforts pour essayer de fonctionner au rythme de la société… mais elles n’y parviennent pas. Elles ont appris à compenser leurs difficultés attentionnelles et d’organisation plutôt que d’apprendre leur mode de fonctionnement divergent. 

La personne n’a tout simplement jamais pu capter comment elle fonctionne. Elle essaie seulement de compenser sans cesse pour être à la hauteur des exigences. Quand on compense toute sa vie, on ressent un profond sentiment de honte et d’incompétence. Le sentiment de ne jamais être à la hauteur. Le risque de développer de l’anxiété généralisée ou de sombrer dans une dépression est bien réelle. 

Notre société étant construite en fonction de la majorité, le mode de réflexion est d’établir des listes de tâches déroulantes suivant un ordre linéaire. La majorité des gens analysent les informations les unes après les autres. Les idées s’enchaînent dans l’ordre séquentiel, étapes après étapes. 

Mais quand une personne autiste, TDAH ou toutes autres personnes ayant cette pensée perceptive réfléchit, c’est une explosion d’idées et de tâches qui surviennent dans tous les sens dans le cerveau. La personne est assaillie de mots, de couleurs, d’odeurs, d’émotions, d’images, de schémas. 

Il est alors évident qu’il est impossible de « lire » le dessin non linéaire de la même manière que le dessin linéaire !

Dans l’explosion d’idées, il y a un élément central auquel il est embranché une multitudes d’autres chemins et idées. L’élément central est souvent l’idée (ou la tâche) sur laquelle on réfléchissait initialement. Il est donc essentiel de nous recentrer sur cette idée de base pour avancer et accomplir la tâche. Une idée centrale nous amène vers d’autres pensées secondaires et la personne fait des associations entres les pensées secondaires. Les cartes mentales ou le « mindmapping » pourraient très bien représenter ce mode de pensée non linéaire. 

Il est possible de mettre de l’ordre dans le chaos de nos pensées et de moins se laisser submergée par ce flot informatif. Il est essentiel tout d’abord de connaître de mode de pensée et de le respecter. Par la suite, nous pouvons nous recentrer sur nous-même et sur notre objectif principal. Et n’oublions pas, les fonctions exécutives sont des compétences qui se développent… à long terme!

Mélanie Ouimet


[1] https://aqnp.ca/la-neuropsychologie/les-fonctions-cognitives/

L’hypersensibilité perceptive des autistes

L’hypersensibilité perceptive des autistes

La majorité des gens croient que l’hypersensibilité des autistes est liée à un système d’intégration sensorielle défaillant et qu’ils doivent être stimulés pour éveiller leurs sens. 

Un autiste aborde son environnement de manière totalement différente d’un non-autiste. Par le biais de l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), nous pouvons voir que le cerveau des autistes utilise davantage les aires sensorielles (perceptives) que les non-autistes[1]. C’est ce que nous appelons une réorganisation des aires cérébrales. Cette réorganisation entraîne un fonctionnement perceptif chez les autistes. 

Pour faire très simple, nous pourrions dire que le cerveau d’un autiste favorise des intérêts sensoriels, concrets, précis et objectifs alors que le cerveau des non-autistes favorise des intérêts généraux, subjectifs, abstraits et donc, la socialisation. 

Un autiste est un être social comme tous les humains, mais son cerveau ne priorise pas les informations sociales comme peut le faire le cerveau des non-autistes. Également, comme la perception est plus élevé, les autistes voient et ressentent une multitude de détails. Le flux sensoriel devient très important. C’est ce flux important d’information qui peut créer l’hypersensibilité et les surcharges sensorielles des autistes. Il ne s’agit donc pas d’une mauvaise intégration sensorielle. 

Comme les autistes perçoivent beaucoup plus de détails, ils n’ont aucunement besoin que l’on stimule et éveil leurs sens. Ils le sont suffisamment ! Leurs expériences sensorielles sont immenses. 

Un autiste qui est obnubilé par le tournoiement d’un ventilateur, par des roues de ses petites voitures, par des rayons lumineux ou qui passe constamment ses doigts sur ses yeux n’est pas en recherche sensorielle. Du moins, pas dans le sens que peuvent le penser les non-autistes. Cette « recherche » de stimulation sensorielle n’est pas la conséquence d’un système d’intégration sensorielle non-fonctionnel. La personne autiste recherche les attraits sensoriels par plaisir et intérêt tout comme un non-autiste recherche le bavardage social. Il joue simplement, d’une manière atypique.

Il en va de même lorsqu’un autiste fait des alignements par exemple. Ce n’est pas une mauvaise intégration sensorielle qui l’empêche d’entrer en relation avec le monde « extérieur ». L’autiste est dans le même monde, mais sa manière d’entrer en contact avec ce monde est différente. Le cerveau perceptif entraîne une pensée en image. Cette pensée est non linéaire. Par les alignements, l’autiste observe, apprend et entre en relation avec son environnement. 

Quand un autiste se balance, saute, tourne en rond, fait des bruits de bouche ou est incapable de rester en place, ce n’est pas un problème de proprioception lié à une mauvaise intégration sensorielle. Par conséquent, il n’a pas besoin de se faire balancer sur une balançoire pour combler un manque sensoriel. Ces mouvements l’aident à assimiler l’information entrante. Cette bougeotte est un mécanisme que le cerveau utilise pour aide l’autiste à se réguler et à trouver son équilibre interne. 

Dans cette même optique, certains autistes peuvent sembler indifférent à la douleur ou à la température. Il s’agit de sensations et celles-ci sont abstraites. Elles sont également nombreuses en stimuli perceptifs. Il est parfois difficile pour un autiste d’associer la sensation, par exemple, le froid, avec les frissons et tremblements de son corps. Les sensations peuvent être très diffusent. Combinées aux autres stimuli ambiants de l’environnement, les sensations deviennent alors à peine perceptibles. De plus, lorsque l’autiste a fait le lien entre les frissons, les tremblements et le froid, cela ne veut pas dire qu’il saura davantage comment se réchauffer. Il doit apprendre en plus à associer le tout avec les vêtements qui le tiendront au chaud. Il ne s’agit pas d’apprendre par cœurs la séquence, mais bien d’apprendre à l’autiste comment reconnaitre les sensations par lui-même et de faire des liens les unes avec les autres. Ensuite, il pourra mieux généraliser.

Les intérêts et les jeux des autistes qui semblent être limitatifs et stéréotypés dans leur développement ne le sont pas. Pas plus que les comportements « bizarres » et inhabituels que l’on peut observer chez eux en lien avec leurs sens. 

Quand un autiste semble avoir un besoin insatiable de stimulation sensorielle, ce n’est pas parce que son système nerveux a besoin de plus de stimuli sensoriel mais bien parce que le cerveau perceptif favorise les intérêts liés aux sens. 


Mélanie Ouimet


[1]http://grouperechercheautismemontreal.ca/SurLeSpectre/Sur_le_spectre_no_2_2016-10.pdf

Également en ligne au MPLV : https://www.mamanpourlavie.com/blogues/le-blogue-dune-maman-autiste/15935-l-a-hypersensibilit-perceptive-des-autistes.thtml

Effondrement autistique et automutilation

Effondrement autistique et automutilation

Les crises foudroyantes reviennent souvent lorsqu’on aborde l’autisme et ses défis. Il semble être également difficile pour l’entourage de comprendre ce qui peut bien se passer dans la tête de la personne autiste qui s’effondre et perd tous ses moyens devant eux. 

Quel pire sentiment en tant que parent que de se sentir impuissant face à des comportements qui nous apparaissent incompréhensibles et si vifs. Comment pouvons-nous soutenir notre enfant (ou notre conjoint) lorsque ce dernier refuse violemment l’aide qu’on lui apporte ? L’agressivité augmente à chaque geste bienveillant offert. 

Pourtant, en soi, les autistes ne sont pas si différents des non-autistes. Lorsque nous recevons trop de stimuli, notre cerveau est sous tension. L’amygdale s’active et déclenche la sécrétion d’hormones qui activent à leurs tours les mécanismes de survies[1]. À ce moment, la réflexion et le recul sont impossibles. Le cortex préfrontal est déconnecté [2] pour privilégier l’instinct : le mode survie domine. La fragmentation[3], cette impression que tout s’effondre autour de nous, est commune à tous les êtres humains. Comme le souligne Joël Monzée[4], il s’agit d’un mécanisme de protection que notre cerveau utilise pour se protéger et il est essentiel à notre survie ! 

Pour les autistes, ce processus de base est le même. Comme le cerveau des autistes a un fonctionnement perceptif prépondérant, nous pouvons supposer que la fragmentation est beaucoup plus intense que pour les non-autistes. En autisme, on parle alors de repli autistique et d’effondrement autistique[5]. Ces deux états de crise sont provoqués par des surcharges émotionnels, cognitifs, relationnels et sensoriels. Le flot informatif (les stimuli) est beaucoup plus important puisque les aires sensitives sont sur-connectées. Plus nous recevons de stimuli, plus l’anxiété augmente. Puisque le cerveau des autistes perçoit beaucoup plus de détails, la fragmentation devient vraisemblablement plus importante. Les autistes sont des êtres hypersensibles à tous les stimuli internes et externes. 

Ces effondrements surviennent donc lorsque le cerveau des autistes est saturé (et il sature souvent très vite !!) Il a besoin d’une pause. Tout est une question d’équilibre et cet équilibre peut être plus précaire d’une personne à une autre, d’un moment à un autre, selon l’âge de la personne également, selon la maturité de son cerveau. La crise en soi est donc nécessaire et salvatrice, bien qu’elle puisse nous bousculer et nous troubler par son intensité. Il n’y a rien d’anormal dans ce comportement. 

Ainsi, un autiste ne fait pas des crises de non-sens comme on peut souvent le croire. Comme pour n’importe quel être humain, son cerveau se fragmente parce qu’il est saturé et instinctivement, c’est le mécanisme de survie qui embarque. C’est nécessaire pour se protéger ! La différence est possiblement dans les déclencheurs (les sources), dans l’intensité et dans la fréquence. 

Lors de ces effondrements, certains autistes en arrivent à « s’automutiler ». La personne autiste n’a aucune intention de se blesser gravement ou d’attenter à sa vie. Il s’agit d’une solution, d’un mécanisme d’adaptation[6] que le cerveau des autistes a trouvé pour répondre à une surcharge trop importante. 

Lorsque je suis en crise[7], initialement, je ressens fortement cet état de surcharge qui monte à une vitesse fulgurante. Je suis consciente que le point de rupture est atteint et à ce moment, il est souvent malheureusement impossible de revenir en arrière. Je suis complètement submergée par un sentiment d’impuissance et, derrières les paroles et gestes auto-agressifs, la panique s’installe. 

J’ai l’impression que mon cerveau vient d’éclater en mille morceaux. Il n’y a plus de sens, plus de logique, c’est le véritable chaos. C’est affolant ! Tous changements, gestes, paroles, mouvements, dans l’environnement sont perçus comme de véritables agressions. Tout ce qui m’entoure devient danger potentiel auquel je dois impérativement me défendre. L’instinct et les mécanismes naturels de défenses dominent mon cerveau qui se fragmente rapidement. La douleur interne est vraiment insupportable. La solution rapide que trouve mon corps pour y répondre est soit de me mordre la main fortement, de me tirer les cheveux ou de taper sur mes tempes. C’est le moyen pour que tout ce chaos s’arrête, pour me rassembler, pour limiter les éclats dans mon cerveau. Sans quoi, j’ai le sentiment que je vais m’évaporer, me faire aspirer dans un trou noir ou que je vais mourir. C’est un état de panique extrême à l’intérieur mais qui dégage un état de rage lorsqu’on le perçoit de l’extérieur. L’aide venant de l’extérieur n’est vraiment pas la bienvenue. Ensuite, il est possible que je demeure observatrice de mon environnement durant quelques minutes, voire quelques jours. 

Certains diront que la personne autiste nage en plein délire, voire qu’elle est en psychose, qu’il s’agit d’un dérèglement psychique, que ses comportements sont démesurés. Dans la réalité, il s’agit d’une déstabilisation, d’un déséquilibre interne. Le cerveau doit retrouver son équilibre et la crise est nécessaire pour y parvenir. C’est une question de physiologie et de biologie humaine.  

L’aide externe ne peut pas être bien reçu. Le cerveau est en mode protection. Comme tous éléments sont perçus comme une agression, l’aide aussi bienveillante soit-elle ne peut être accueillie par la personne au moment de l’effondrement. Comme Isabelle Filliozat le mentionne, il ne faut pas chercher à calmer l’enfant ou l’adulte mais lui apprendre à se calmer. Le meilleur moyen est simplement d’accueillir ses émotions avec une qualité de présence empathique, bienveillante et sécurisante. 

Le cerveau prend plusieurs années avant d’atteindre sa pleine maturation et par conséquent, cela prend des années avant d’avoir la capacité de prendre du recul, de réfléchir et d’anticiper les surcharges sensorielles pour éviter l’effondrement. 

Mélanie Ouimet


[1] Il me cherche, Isabelle Filliozat, lattes, mai 2014

[2] Il me cherche, Isabelle Filliozat, latte, mai 2014

[3] Et si on les laissait vivre, Joël Monzée, le dauphin blanc, janvier 2018

[4] Et si on les laissait vivre, Joël Monzée, le dauphin blanc, janvier 2018

[5] https://decouverteaspi.wordpress.com

[6] https://decouverteaspi.wordpress.com

[7] https://quebec.huffingtonpost.ca/melanie-ouimet/autisme-adulte_b_10397802.html