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Est-ce l’enfant qui est « difficile » ou la relation avec l’enfant qui est « difficile »?

Dans la société dans laquelle nous vivons, nous avons de plus en plus tendance à qualifier nos enfants de « difficiles », d’« opposants », d’ « impulsifs », d’ « hyperactifs ». Nous qualifions également souvent leurs réactions émotionnelles de « disproportionnées », d’« agressives », d’ « immatures », de « violentes ».

Nous avons de plus en plus tendance à trouver un sens logique à ce que nous vivons en apposant une étiquette de trouble, souvent neurodéveloppemental. Le trouble vient justifier l’intensité et donner un sens à notre désarroi. Le trouble permet d’apaiser nos angoisses et nos questionnements. L’apaisement est pourtant, souvent, très éphémère. Un enfant avec un « trouble » vient généralement avec davantage d’anxiété et de gros questionnements quant à sa réussite scolaire et à sa vie future. On tombe également rapidement dans le piège d’associer tous les comportements de nos enfants à un symptôme en lien avec leur diagnostic.

Par ailleurs, les mots, les étiquettes, les diagnostics ont un impact majeur sur le développement émotionnel des enfants, des adolescentes et même des adultes (de plus en plus d’adultes reçoivent également des diagnostics de trouble neurodéveloppemental). Des qualificatifs de plus en plus courant, qui semblent maintenant normaux et anodins pour décrire nos enfants et pour expliquer leurs comportements, jugés « anormaux ». Pourtant, l’impact négatif est bien présent et sous-estimé : les principaux concernés souffrent et peinent à se comprendre et à s’aimer. L’estime de soi s’amenuisent, sournoisement… et la reconstruction de soi risque d’être longue et douloureuse.

Un enfant, quel qu’il soit, n’est jamais responsable des émotions vécues par ses parents. Les émotions appartiennent à la personne qui les vit et les émotions vis-à-vis une situation donnée seront différentes d’une personne à une autre, même d’un moment à un autre. L’« intensité » ne se mesure pas, ce n’est pas une chose quantifiable.

D’un autre côté, il peut être utile de nommer, d’identifier pour mettre des mots sur notre malaise et sur nos défis. Il peut être même pertinent de se pencher du côté des neurosciences pour comprendre les différentes interactions de notre cerveau, pour comprendre les divergences cérébrales, pour expliquer la diversité humaine, souvent très complexe. Nommer, s’identifier « en tant que » peut aussi permettre de mieux se connaître, de continuer notre quête de soi. Cela permet de mettre des mots sur notre propre ressenti intérieur.

Ainsi, est-ce l’enfant (ou la personne devant nous) qui est « difficile » ou la relation que nous essayons de construire avec lui qui est « difficile » ? Mitsiko Miller nous propose cette réflexion dans son billet Rester Zen face à l’intensité . Une réflexion que j’avais envie poursuive également. Tout comme Mitsiko, je crois que la réponse n’est surement pas simple.

De manière général, je préfère de loin que l’on considère un être humain comme une personne entière, complexe, avec une énergie et un esprit unique qui évolue dans le temps, et même à chaque moment ou situation donnée. Je pars également avec l’idée qu’un enfant est également un être humain à part entière, qu’il n’est pas un adulte en miniature, comme nous le rappelle Isabelle Filliozat, mais un petit être en formation. Il évolue donc à son propre rythme.

Cependant, indépendamment de notre bagage familial, environnemental, social et de notre évolution personnelle, certaines caractéristiques neurologiques semblent faire parties intégrantes de qui nous sommes. Ces caractéristiques neurologiques, lorsque bien verbalisées dans le respect de la personne, permettent bien souvent de donner un sens à certains comportements en apportant certaines réponses et viennent apaiser notre détresse.

Quand notre cerveau traite majoritairement les informations entrantes de manière perceptive, le flot de stimuli est très important. En autisme par exemple, ce fonctionnement perceptif , est démontré depuis quelques années déjà et c’est le phénomène de plasticité modale croisée qui est à la base de ce fonctionnement.

La quantité de détails que nous voyons, entendons, sentons, ressentons est faramineuse. Ainsi, notre cerveau reçoit, analyse et traite les informations à l’état brute, principalement via les aires sensorielles. Il s’agit d’une caractéristique neurologique (la plasticité modale croisée), vraisemblablement, invariable, comme pourrait l’être la couleur de yeux, de cheveux, l’ethnie, la nationalité. Peu importe comment nous allons évoluer au fil des années, cette caractéristique neurologique nous accompagnera tout au long de notre vie.

Cette caractéristique neurologique rend les personnes plus susceptibles de subir une surcharge sensorielle ou émotionnelle. C’est ainsi que pour décrire ce qui est vécu intérieurement, il est intéressant, à mon avis, d’utiliser le terme (ou l’étiquette) « hypersensible ». Lorsque nous captons les moindres détails de notre environnement, que nous absorbons tout, nous devenons vite saturés en stimuli. La société actuelle inonde en agression de tous genres.

L’enfant (et même l’adulte!) fait alors au mieux pour répondre à toutes ces agressions et leurs moyens d’exprimer leur trop plein peut se traduire par des gestes (bruits de bouche, bougeotte, sauter sur place, tourner sur soi), des rituels qui aide à mettre de l’ordre dans le chaos (que l’on nommera « rigidité », gestes stéréotypés), un besoin immense de sécurité affective (besoin d’être porté, de câlin, d’être dans un endroit sécurisant). Et lorsque la désorganisation s’installe, elle laisse place à toutes sortes de comportements « difficiles », « dérangeants », « exacerbant » !

Reconnaître cette caractéristique et l’hypersensibilité qui en découle permet d’expliquer les défis, cette « intensité! », ce côté « difficile », mais pas de qualifier, de catégoriser une personne ni de pointé du doigt ces comportements « dérangeants » comme s’ils étaient anormaux. Ces défis rencontrés sont communs pour tous les parents… et possiblement de manière beaucoup plus « intense » pour ceux qui ont des enfants hypersensibles !

Plusieurs avantages et plusieurs défis découlent de cette hypersensibilité. Mais surtout, l’hypersensibilité n’est pas une maladie ni un trouble ! Nous sommes tous des humains entiers avec des besoins uniques et spécifiques.

Mélanie Ouimet, fondatrice du mouvement francophone de la neurodiversité, co-chercheuse en autisme