Devenons des maîtres jardiniers plutôt que des sculpteurs

Devenons des maîtres jardiniers plutôt que des sculpteurs

Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que, l’environnement dans lequel nous évoluons, a une plus grande influence que notre bagage génétique. Les neurosciences affectives et sociales et l’épigénétique permettent de nous éclairer sur la manière dont notre cerveau est influencé par ce que nous vivons principalement au niveau relationnel et sur l’impact de notre alimentation, notre environnement physique, la pollution, les relations peuvent modifier l’expression de nos gènes favorablement ou défavorablement.


La neurobiologie nous démontre à quel point l’environnement a une influence majeure et direct sur le développement des enfants et que nous sommes prédéterminés pour être en relations intimes avec les autres. Pour qu’un enfant s’épanouisse, il en revient aux adultes de leur offrir cet environnement favorable à leur croissance. Un environnement adapté à leurs besoins qui sera capable de les soutenir et de les nourrir affectivement, socialement et cognitivement.

Le processus de croissance du cerveau humain suit un développement prolongé qui débute environ 2 semaines seulement après la conception et qui poursuit son court tout au long de l’enfance, de l’adolescence pour atteindre sa maturité vers notre 30e année de vie (parfois plus tardivement selon les sources). Cette maturation cérébrale suit un plan de développement innée. L’être humain possède tout ce qu’il faut biologiquement et génétiquement pour croître en maturité. À condition que l’environnement soit optimal.

Ainsi, chaque être humain a un « plan » global inné unique de développement du cerveau et l’environnement dans lequel il évolue déterminera sa réalisation. Ce sont les signaux reçus via l’environnement qui favoriserons ou non ce potentiel génétique et qui guidera le développement neuronal. La maturité cérébrale se déploie à partir des facteurs génétiques et environnementaux et de leurs interactions complexes au fils des années.

Pour que ce « plan » global croît, le lien affectif doit être le noyau de l’écosystème dans lequel l’enfant évolue. L’attachement profond et sécure envers les adultes qui prennent soin de l’enfant est à la base de la sécurité intérieure de celui-ci et par conséquent, à la base du développement optimal de sa maturité cérébrale. Il est instinctif pour un enfant de s’attacher aux adultes qui l’entourent. Un environnement qui met de l’avant l’attachement au centre de l’éducation de l’enfant est un environnement naturel qui respecte les lois biologiques et physiologiques de notre nature humaine. Gordon Neufeld mentionne que « rien ne pourrait être plus important que ce facteur dans le développement. Nous devons toujours garder l’attachement à l’esprit[1]. » Cet élément relationnel doit être au cœur des milieux scolaires.

Extrait tiré de ce livre

Nous mélangeons souvent amour et respect alors que respecter et aimer sont eux notions complètement distinctes. Dernièrement, à la mi-juin, nous avons assisté à des vagues de dénonciations d’agressions sexuelles. Ces vagues envoient un message fort sur la notion de consentement, de l’intégrité physique et psychologique, sur les frontières personnelles. Nous parlons de culture du viol, mais ce à quoi nous assistons à mon avis va beaucoup plus loin dans la notion de respect de soi et de respect de l’autre. Le respect de soi. Un respect que nous n’avons jamais, pour la grande majorité d’entre nous, pu bénéficier.

Quand l’éducation est basée sur : « C’est pour ton bien. », « Fait dont plaisir! », « Sois poli embrasse grand-maman! », « Si tu veux ton cadeau, viens me donner un bec avant. », « Vas faire un câlin, aller! ». Mais aussi dans des violences dites ordinaires : « Ne pleure pas. », « Arrête tes caprices! », « Sois fort! », « Je te met une claque sur une fesse pour que tu comprennes. ». Ce n’est pas banal.  Jiddu Krishnamurti portait cette réflexion : « Afin de comprendre comment un enfant se développe, on doit le regarder jouer ; l’étudier sous différentes humeurs. On ne peut pas projeter sur lui nos propres préjugés, nos propres espoirs, ni nos propres peurs, de même qu’on ne peut pas modeler l’enfant pour qu’il corresponde à nos souhaits. Si l’on juge sans cesse l’enfant en fonction de nos goûts personnels, il se créera forcément des obstacles et des entraves dans notre relation avec lui tout autant que dans ses relations avec le monde. » Le consentement, le respect du corps, le respect et l’écoute des émotions, apprendre à reconnaître et nommer les besoins, tout cela s’apprend tout d’abord en respectant les enfants dans la relation que nous avons avec eux.

Quand ces frontières sont constamment franchies sous prétexte de normes sociales, de politesse, d’éducation, de faire plaisir à l’autre, comment dès lors est-ce possible de s’affirmer? De dire non, fermement et avec douceur sans avoir peur, sans figer, sans ressentir de honte, de confusion et de culpabilité? Comment espérons-nous recevoir du respect d’autrui alors que ni lui ni nous avons conscience de nos propres limites personnelles et intimes? Comment une personne peut-elle respecter l’autre alors qu’elle ne sait même pas se respecter elle-même?

Cela s’applique également en milieux scolaires. Pour tout ce qui a trait à l’éducation des enfants, « nous sommes devenus sculpteurs au lieu des maîtres jardiniers que nos jeunes enfants requièrent[2] », remarque Deborah Macnamara docteure, spécialiste du développement et membre du corps professoral de l’Institut Neufeld. Alors que notre rôle ne devrait qu’être simplement d’observer, de trouver et d’ajuster l’environnement dans lequel l’enfant évolue afin de lui permettre de grandir. En sculptant nos enfants, même avec tout notre sentiment d’amour pour eux, nous ne les respectons pas malheureusement.

À l’instar des végétaux, les enfants possèdent en eux tout ce qui est nécessaire pour s’épanouir à condition d’avoir un écosystème optimal qui permettra cet épanouissement. Lorsque nous regardons les végétaux, nous constatons à quel point la diversité est présente, riche, complexe et en interaction avec tout ce qui est présent dans leur écosystème. Pour qu’une graine, qu’un bulbe ou qu’un tubercule prenne racines et croît, ils ont besoin d’un environnement favorable : un terreau fertile, de la luminosité, de l’ombre, de l’eau. Tous des paramètres variables selon le moment de croissance et aussi selon chaque variété. Quand nous jardinons et que nous mettons une graine de tournesol en terre, nous savons que si nous prenons soin de son environnement, la graine deviendra un tournesol. Nous savons que la graine possède en elle tout ce dont elle a besoin pour devenir une fleur. Bien enracinée, la graine se transforme progressivement, elle croît, elle se métamorphose jusqu’à l’épanouissement de la fleur. Le tournesol ne ressemble dès lors plus à la petite graine que nous avons mis en terre. Nous avons eu confiance qu’en veillant à lui offrir un bon environnement, que la graine deviendrait une plante, qui donnerait un bourgeon et que la fleur s’épanouirait.

Si nous étions des maîtres jardiniers pour nos enfants? Si nous prenons conscience qu’être en proximité dans la relation avec l’enfant nous permet de voir ses véritables besoins et d’y répondre instinctivement avec plus de respect. Nous ne serions plus dans la peur que l’élève échoue. Nous aurions pleinement confiance en lui, en nous et nous saurions qu’il suit son rythme normal de développement.

Mélanie Ouimet


[1] Gordon Neufeld, dans préface, Deborah Macnamara, Jouer, grandir, s’épanouir, le rôle de l’attachement dans le développement de l’enfant, Éditions au carré, 2017

[2] Deborah Macnamara, Jouer, grandir, s’épanouir, le rôle de l’attachement dans le développement de l’enfant, Éditions au carré, 2017

Les enfants s’adaptent, dites-vous?

Les enfants s’adaptent, dites-vous?

Comme à chaque année, la rentrée scolaire est autant source de joie, de fébrilité, d’excitation que d’appréhension, d’anxiété et d’incertitudes. Cette année, la rentrée sera bien particulière avec la COVID-19.

Malgré tout notre bon vouloir, l’anxiété, les incertitudes et les craintes feront sans aucun doute partie des émotions dominantes pour bon nombre d’adultes, tant chez les parents que le personnel scolaire. Et pour les jeunes également, d’autant plus qu’ils sont des éponges émotionnelles ; ils ressentent et absorbent celles des adultes.

Lors de l’annonce de son plan scolaire modifié pour l’entrée de septembre, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge mentionnait entre autres combien il était important que les jeunes puissent retourner en classe pour revoir leur enseignant ainsi que tout le personnel du milieu puisque ce sont bien souvent des personnes signifiantes dans leur vie. Pourtant, rien dans son plan ne prévoit mettre un accent sur le développement affectif des jeunes. Comme au printemps dernier, des moyens sont déployés pour s’assurer que les élèves rattrapent lesdits retards scolaires. Le gouvernement prévoit « un investissement de 20 millions de dollars pour embaucher davantage de techniciens en éducation spécialisée, d’enseignants et de tuteurs » et cette mesure servira à « faire du rattrapage, de la récupération, de l’aide aux devoir, et de tisser des liens entre les familles et les écoles (…) pour aider les jeunes à surmonter leurs difficultés. »

Bien sûr, les apprentissages cognitifs sont importants. Cependant, est-ce que nous nous trompons encore une fois dans les priorités? Nos jeunes qui vivent des bouleversements majeurs depuis des mois n’auraient-ils pas plutôt besoin d’un accompagnement relationnel et émotionnel?

Les enfants s’adaptent entendons-nous un peu partout.

Non! Les enfants ne s’adaptent pas seuls sans ressource et sans réponse à leurs besoins fondamentaux. L’être humain ne s’adapte pas à des manques. Nous devons arrêter de croire que nos jeunes peuvent faire face à tous ces bouleversements sans qu’il n’y ait de conséquences sur leur développement affectif, social et intellectuel. Nous nous mettons carrément la tête dans le sable lorsque nous croyons ainsi en la pensée magique pour nous déculpabiliser.

Cette pensée nous démontre à quel point notre ignorance est grande quant au développement affectif des enfants et adolescents. Nous manquons également de connaissance sur le fonctionnement du cerveau humain. Les expériences émotionnelles interfèrent dans les apprentissages. Un jeune qui est anxieux, triste, inquiet, fâché ne sera pas disponible pour apprendre et c’est tout à fait normal. L’enfant éprouvera un mal-être à l’intérieur de lui et il sera impossible pour lui d’être attentif, concentré, créatif et motivé. Il aura par ailleurs de la difficulté à identifier verbalement ce qu’il ressent ; les enfants ont besoin d’un adulte pour les aider à décoder ce qui se passe en eux.

Les enfants compensent. Compenser, ce n’est pas s’adapter! Nous aussi d’ailleurs, adultes, nous compensons et nous nous épuisons dans ce monde de performance. Avant la pandémie, plusieurs jeunes souffraient déjà d’anxiété, d’angoisse de séparation, d’attachement insécurisé, d’agressivité, de dépression. Leurs comportements dérangeants en reflétaient d’ailleurs leur grand mal-être intérieur. La médicalisation de leurs émotions était monnaie courante. Eh bien, depuis le début de la pandémie, le Québec connait une hausse de diagnostics psychiatriques ainsi qu’une hausse de médicamentation subséquente – plusieurs jeunes ont vu revoir la dose de leur médicamentation à la hausse. Trouvons-nous cela normal? Est-ce acceptable? Est-ce sain? Est-ce véritablement de l’adaptation? Est-ce le prix que nos jeunes doivent payer face à notre déni de leurs états émotionnels et face à notre manque de connaissance et de responsabilisation?

Si les enfants s’adaptent autant que nous le disons, comment se fait-il qu’ils soient sur-médicamenter à ce point? Comment se fait-il qu’ils manquent de concentration, qu’ils souffrent d’anxiété, que leurs comportements soient opposants, agressifs, colériques et que le nombre de crises augmentent?

Les enfants ont des besoins affectifs immensément grands. Lorsque ces besoins de relations, de sécurité, d’appartenance ne sont pas comblés, ils ne peuvent plus fonctionner de manière saine et optimale. Ils ne peuvent plus apprendre convenablement. Ils ne peuvent plus s’épanouir selon leur plein potentiel.

Nos enfants ne souffrent pas de troubles psychiatriques ni de troubles d’apprentissage. Ils souffrent cruellement du manque de relation sécuritaire. Ils souffrent de ne pas être entendus et compris.

Toutes ces mesures sanitaires augmentent l’anxiété déjà présente chez nos jeunes avant la pandémie. Une anxiété qui sera davantage présente que les autres années de rentrée scolaire. Un enfant anxieux aura des comportements dérangeants ; c’est sa manière d’exprimer et de nous communiquer maladroitement son mal-être. Nos jeunes auront besoin d’être accueilli pleinement dans les émotions tumultueuses qu’ils vivront. Ils auront besoin d’adultes présents à l’entourent d’eux qui en prendront soin. Ils auront besoin d’un village d’attachement pour répondre à tous leurs besoins affectifs. Le village, ce sont les parents, les grands-parents, mais également les enseignants et tous les acteurs du milieu éducatifs.

Sans une écoute de leur vécu intérieur, comment pouvons-nous penser que nos jeunes seront disponibles à faire des apprentissages? Comment pouvons-nous croire un instant que les enfants pourront rattraper desdits retards dans un tel environnement?

Pensons simplement à nous, adultes, qui sommes bousculés depuis des mois pour de multiples raisons. Comment pouvons-nous même s’attendre à ce que parents et enseignants soient disponibles pour accueillir ces émotions des jeunes? Comment les enseignants, déjà saturés en temps normal, pourront-ils prendre soin des jeunes tout en mettant une fois de plus, l’accent sur l’aspect académique?

Nos priorités ne devraient-elles pas plutôt de s’assurer que chaque adulte accompagnant puisse être suffisamment disponible émotionnellement pour recevoir les émotions intenses des jeunes dont ils ont la responsabilité de prendre soin? Ne devrions-nous pas mettre l’accent sur l’aspect humain plutôt que sur la performance scolaire?

Si nous souhaitons réellement que nos jeunes s’adaptent aux changements et qu’ils soient résilients dans l’adversité, nous devons leur offrir des bases solides. Nous devons prendre le temps de leur offrir un espace sécuritaire. Et ces bases débutent par des relations affectives sécurisantes. Nourrir des relations harmonieuses, bienveillantes, chaleureuses et empathiques ne doivent plus être considérées comme des alternatives superficielles, farfelues et utopiques. C’est une nécessité développementale neurobiologique.

Mélanie Ouimet

La décharge de colère n’est pas un trouble neurologique

La décharge de colère n’est pas un trouble neurologique

Le 17 avril dernier, une mère a témoigné de l’expulsion de son enfant de son CPE en raison de ses troubles de comportement[1]. À la lumière des commentaires, force est de constater que les parents et les adultes accompagnateurs sont en détresse et dépassés face à ces comportements dérangeants et qu’ils manquent cruellement de ressources, de connaissances sur le développement et sur la maturité cérébrale des enfants. 

Que s’est-il passé pour que nous arrivions à croire qu’un enfant en crise soit en psychose? À quel moment en sommes-nous venus à oublier que les émotions, aussi fortes et intenses soient-elles, soient une pathologie? À quel moment avons-nous perdu, en tant d’adulte, confiance en nos propres ressources intérieures pour accompagner un enfant? Pourquoi préférons-nous collectivement se faire croire que nos enfants souffrent de plus en plus de troubles mentaux? Serait-il plus facile de croire que les enfants ont tous un trouble mental que de remettre en question nos interventions et de prendre notre part de responsabilité dans la détresse que vivent nos enfants? 

Nous préférons collectivement faire croire à des enfants, à de JEUNES enfants, que leur cerveau est troublé, qu’ils sont troublés EUX dans leur esprit, que d’assumer notre désarroi et notre impuissance envers l’enfance, les laissant croire que ce qu’ils ressentent n’est que résultante d’un dysfonctionnement. Nous « pathologisons » l’enfance, nous médicalisons l’enfance. C’est terrible que de ne plus avoir le droit de ressentir! 

Un enfant en crise n’a pas un trouble de comportement! La colère est normale, saine et souhaitable, comme toutes autres émotions. Il est également normal qu’une crise de grande intensité puisse durer de quelques minutes à 45-60 min[2]. Ces réactivités sont normales compte tenu de son âge et de sa maturité cérébrale. 

La décharge de la colère, bien qu’explosive chez de jeunes enfants, est nécessaire pour un retour à l’équilibre. Il n’en revient qu’aux adultes d’offrir une présence chaleureuse et d’offrir des outils à l’enfant une fois le retour au calme chez ce dernier. Un enfant ne peut maitrise seul ses émotions. Il a besoin de l’aide d’un adulte pour contenir ses émotions qui débordent et l’envahissent. Il a besoin d’une présence calme, ferme et bienveillant.

Certains enfants seront plus réactifs que d’autres. Certains seront ainsi plus susceptibles de faire davantage de crises plus fréquemment et plus intensément. Les enfants ayant une grande sensibilité par exemple peuvent se retrouver à ressentir plus fortement leur environnement, à avoir plus de difficulté à gérer les sensations que provoquent les émotions dans leur corps. Ils peuvent être plus anxieux. Ils peuvent être plus sujet à ressentir un énorme malaise et ils ont beaucoup de difficulté à le communiquer avec des mots. Ils ne peuvent pas prendre de recul seul, réfléchir et analyser ce qu’ils vivent.  

Il s’agit d’un passage normal de l’enfance. Il est primordial que les adultes qui accompagnent l’enfant l’apaisent plutôt que de le réprimander. Notre propre attitude en tant qu’adulte peut augmenter la détresse chez l’enfant, que ce soit par un simple regard exaspérer, un haussement de voix, un cri, ou simplement en demandant à l’enfant de se calmer. Alors que la crise est la manière de se calmer… 


Il demeure extrêmement exigeant d’accompagner un enfant en crise. La décharge émotionnelle de la colère est puissante et vive. Plusieurs cris, hurlements, gestes brusques, besoin de lancer des objets et de tout saccager sur son passage, etc. surviennent fréquemment. L’accueil de cette émotion est particulièrement difficile. Le sentiment d’impuissance face à l’expression du mal-être de l’enfant est bien présent. 

Par contre, ce n’est qu’avec une présence bienveillante, rassurante, ferme et douce que l’enfant pourra, progressivement, apprivoiser ce qui se passe en lui. Un enfant en crise a surtout besoin de tendresse. Offrir un câlin ou poser un regard tendre à l’enfant est parfois suffisant pour faire descendre un peu la tension ressentie chez ce dernier. Chaque geste doux envers l’enfant le sécurise et l’aide à apprivoiser ses émotions et à maitriser ses impulsions. « Un comportement parental affectueux a un impact positif considérable sur la maturation des lobes frontaux de l’enfant.[3] » Par ailleurs, l’amour et la tendresse sont des carburants pour l’enfant. Ce sont des besoins vitaux et leur réservoir affectif se vide beaucoup plus rapidement que celui des adultes et ce qui est souvent à l’origine des crises.  

Il est donc normal pour un enfant de ne pas comprendre ce qui se passe en lui lorsqu’il est en crise. Il ne comprend pas ce qu’il ne ressent ni plus qu’il ne peut se contenir seul. L’enfant non accompagné risque de se sentir honteux de ressentir la colère et monstrueux de réagir si violemment sans pouvoir se contrôler. Nous devons le rassurer et lui dire que ce qu’il ressent est normal et lui apprendre à nommer ses émotions.

Il s’agit d’un travail d’accompagnement à long terme! Nous avons tendance à rechercher des méthodes rapides et quasi miraculeuses. Or, le cerveau d’un enfant est immature et le cerveau humain prend plusieurs années avant d’atteindre sa pleine maturité. Les colères explosives sont simplement la « conséquence de l’immaturité du cotez préfrontal et des circuits relayant l’information entre le cortex et le système limbique Le cerveau supérieur n’est pas assez développé pour pouvoir gérer de tels orages émotionnels.[4] » Un jeune n’aura pas cette capacité de réfléchir seul à ces actes lorsqu’il vit une tempête émotionnelle avant 13-14 ans nous rappelle Isabelle Filliozat[5]

Ce qu’il faut savoir également c’est que tous comportements sont des manières de communiquer, parfois très maladroitement un besoin, une détresse. Un enfant en crise émotionnelle très puissante est littéralement envahi et submergé par des émotions qui le dépasse. Il est normal qu’il n’entende plus rien et qu’il soit hors de contrôle. 


En tant qu’adultes, nous avons la responsabilité d’accompagner les enfants. Nous avons la responsabilité de gérer nos propres émotions, d’aller chercher les outils pour favoriser notre propre paix intérieure afin d’offrir une qualité de présence optimale envers l’enfant[6].  Nous avons la responsabilité de nos propres interventions envers eux que nous nous devons de remettre en question. 

Il devient bien trop facile et commun d’attribuer aux enfants un trouble de santé mental et ce sont eux, qui en subiront les conséquences et risque d’être blessés en silence[7]. Gardons en tête que la colère est une émotion humaine normale et saine. Les enfants vivent de grandes tempêtes émotionnelles. C’est déconcertant, mais de grâce, n’en faisons pas une pathologie !


[1] https://www.tvanouvelles.ca/2019/04/17/expulse-a-5-ans-de-son-cpe

[2] Isabelle Filliozat, au cœur des émotions de l’enfant, 

[3] Catherine Gueguen, pour une enfance heureuse

[4] Catherine Gueguen, pour une enfance heureuse

[5] Isabelle Filliozat, il me cherche, comprendre ce qui se passe dans son cerveau entre 6 et 11 ans

[6] https://joelmonzee.com/developper-la-pleine-presence/

[7] La neurodiversité, 20e anniversaire de la naissance du concept, collectif, chapitre Joël Monzée, p.191-220, mars 2019

Opposition et provocation : l’importance de l’écoute et de l’empathie

Opposition et provocation : l’importance de l’écoute et de l’empathie

Le trouble d’opposition avec provocation et agressivité est souvent remarqué chez les enfants autistes et/ou ayant une TDA-H. Refus d’obéir aux demandes faites par une figure d’autorité, tenir tête en permanence, crises importantes et violentes. Ces comportements sont exaspérants pour les parents qui deviennent rapidement à court de ressources pour traverser cette période pénible et ardue. 

Et si le trouble d’opposition était examiné et abordé sur un autre angle. 

Il est difficile pour les parents d’avoir un enfant qui s’exprime avec intensité, il faut le reconnaître. Et à l’inverse, il est facile de qualifié un enfant de difficile, de capricieux, d’agressif et de lui imposer une étiquette de trouble oppositionnel sans pousser plus loin. Catégoriser et qualifier peuvent être aidant pour comprendre le fonctionnement d’une personne et de voir combien l’humanité est neurodiverse. Ces qualificatifs – subjectifs selon chaque personne -devraient cependant demeurer neutres et non dépréciatifs de la valeur d’un individu (Aucun enfant n’est méchant ou petit monstre).

À la base, s’opposer signifie se différencier. L’enfant ressent le besoin de devenir une personne à part entière et indépendante. Cette étape est normale et fait partie du développement de l’enfant. Quand cette période s’intensifie et perdure, cela ne signifie pas que l’enfant est capricieux, mal élevé ou désobéissant mais bien que l’enfant essaie de nous exprimer un besoin (très malhabilement !).

Un parent qui prend une position menaçante, qui fait les gros yeux, qui cri, qui impose une punition ou une correction physique ou qui utilise la violence verbale envers un enfant en crise, ralenti la maturation de son cerveau. Ces humiliations et peurs ne font qu’augmenter l’agressivité de l’enfant et accentuer son niveau d’anxiété. 

Les phrases telles que « Tu es insupportable! » « Qu’est-ce que tu as encore fait ! » « Arrêtes de pleurer! » « Tu es trop gâté! » « Obéis ou alors… » « Tu me fais honte! » « Ton frère est plus sage que toi. » « Cesse tes caprices! » augmentent l’agressivité et l’anxiété chez l’enfant. 

Envoyer un enfant réfléchir dans sa chambre, surtout en bas de 5 ans, n’est pas une bonne solution. Le cerveau des enfants n’est pas encore suffisamment mature pour prendre du recul et pour analyser leurs actes seul. 

Ainsi, lorsqu’on dit une de ces phrases à un enfant ou que nous optons pour une punition ou retrait, ses réactions seront d’enfouir ses émotions à l’intérieur de lui jusqu’à ce que cette émotivité ressurgisse en agressivité, en paroles violentes (Je te déteste, tu es méchante maman) ou encore en cette émotivité implosera en anxiété, insomnie, impuissance (je suis nul, je suis mauvais). La réaction de l’enfant pourra également être instantanée soit par des cris, hurlements, coups, pleurs. Sa rage déferlera jusqu’à ce qu’elle soit entendue. Le but n’est pas de rendre la vie des parents insupportables, de leur faire honte ou de se montrer irrespectueux ou blessant. L’objectif – non conscient – pour l’enfant est de retrouver son calme intérieur, de faire évacuer ses émotions qui le rendre mal à l’intérieur de lui. 

Ces comportements de violence que les parents jugent inacceptables sont souvent punis. La relation avec l’enfant tombe alors dans un cycle de reproches et d’indignation. Les défis rencontrés ne sont jamais résolus. 

Dans une relation saine et respectueuse, il n’y a pas de personne autoritaire ni de personne obéissante. Les luttes de pouvoir sont alors absentes. Agir avec empathie plutôt que par autorité permettra à l’enfant d’affranchir son émotivité et de trouver des solutions. 

Quand un enfant obéit à un ordre, son cerveau frontal demeure inactif. À l’inverse, lorsque le parent amène l’enfant à réfléchir en lui offrant un choix, l’enfant a la possibilité de prendre une décision, son cerveau frontal se mobilise lui permettant de penser, de décider, d’anticiper, de prévoir et de devenir une personne responsable. 

Un enfant en crise est un enfant qui a besoin d’aide. Il a besoin de ses parents pour s’autoréguler. Seuls l’empathie et la bienveillance sont de mise dans ces moments. 

Lorsqu’un enfant s’apprête à taper, le parent peut par exemple arrêter son geste calmement avec douceur. En moment de crise, les paroles sont inutiles. Contenir l’enfant contre soi, même s’il se débat, l’aide à s’apaiser. 

Une fois le calme retrouver, nous pouvons aider l’enfant à mettre des mots sur ses émotions. ‘’Tu étais très en colère.’’ ‘’Tu as le droit d’être en colère, mais pas de mordre. Parler permet de trouver des solutions, ensemble.’’ 

Se montrer bienveillant envers un enfant que nous qualifions de difficile n’est pas de tout repos pour les parents. Il s’agit d’un travail à long terme.  N’hésitez pas à demander de l’aide lorsque vous êtes épuisés. Vous ne pouvez pas tout faire tout seul, c’est impossible. Ayez des attentes réalistes envers votre enfant et envers vous-même. Nous avons tous besoin de se ressourcer pour redevenir un parent calme et attentif aux besoins de notre enfant. Un enfant peut être plus demandant et plus difficile mais l’épuisement parental est également à prendre en considération. Est-ce vraiment l’enfant qui est difficile ou la relation que nous avons avec lui qui est difficile à gérer ? L’effort pour construire cet relation sera d’autant plus exigeante et tumultueuse si nous sommes épuisés. 

Asseoir son autorité parentale en donnant des ordres n’est pas un moyen efficace d’obtenir la collaboration d’un enfant. Un enfant a toujours une bonne raison de s’opposer ou d’être agressif (Bien que leurs comportements ne soient pas toujours acceptables !). Tenter d’avoir raison ou de le frustrer davantage, envenime notre relation avec lui. Nous pouvons par contre l’aider à communiquer ses émotions. Une relation harmonieuse repose avant tout sur la patience, l’imagination, le jeu, l’écoute et l’empathie. Cherchons à comprendre ce qui se passe dans la tête de notre enfant. 

Derrière un comportement, aussi déstabilisant et gravissime soit-il, il y a toujours un motif sur ce qui touche profondément l’enfant. Un besoin inapaisé qui chercher à s’exprimer bien maladroitement. 

Petites pistes de réflexions de Mitsiko Miller :

Opposition et lutte de pouvoir
Comportements traduits en phrases:
« Écoute-moi!!!! Je veux parler!!! Écoute-moi!!!!!! »
« As-tu pensé à moi? Suis-je important à tes yeux? »
« Je me sens attaqué et critiqué! Est-ce que tu m’aimes vraiment? »
« Je ne me sens pas compétent! »
« Ce n’est pas juste! »
« Je ne comprends pas la pertinence de ta demande. Aide-moi à comprendre les raisons de ta requête!»
Besoins possibles derrière les comportements: Écoute, considération, compréhension, sens, respect, amour, choix, autonomie, confiance.

Mélanie Ouimet


Références :

Pour une enfance heureuse, Catherine Gueguen

Mitsiko Miller : http://familleharmonie.com/2014/05/31/arrete-tes-caprices/

J’ai tout essayé, Isabelle Filliozat

La science au service des parents, Margot Sunderland

Pourquoi l’enfant est toujours plus « difficile » avec maman ?

Pourquoi l’enfant est toujours plus « difficile » avec maman ?

On entend souvent que les jeunes enfants se comportent différemment à l’école, en milieu de garde, chez les grands-parents qu’à la maison. Un bon nombre de crises des enfants subviennent à la maison, en particulier, en présence de la mère. On les perçoit souvent comme un mauvais comportement, comme un caprice ou comme un manque d’autorité parentale. 

Pourtant, ces crises de colère, de larme, d’agitation sont la simple expression des tensions accumulées tout au long de la journée ou dans les jours précédents. Les enfants font face à plusieurs situations stressantes et à plusieurs contraintes durant la journée qui peuvent paraître très banales pour les adultes. Ils attendent donc d’être en milieu de confiance pour laisser sortir leurs émotions éprouvées dans la journée. 

Les crises doivent être entendues et vécues par l’enfant. Et non refoulées en eux. La crise est la manière naturelle pour un enfant de se calmer, il doit passer par cette étape afin de retrouver la sérénité. Les émotions sont présentes pour aider l’enfant à libérer les tensions de son corps. Ces déchargent émotionnelles permettent à l’enfant de se soulager et de retrouver son calme. 

Pour qu’une décharge émotionnelle soit permise, l’enfant doit se sentir en confiance avec la personne devant lui. Cette personne doit se montrer à l’écoute et empathique face à ce qu’il vit. 

Dans chacune des crises, l’enfant confie un sentiment à ses parents. Chaque enfant le fera d’une manière différente. Certains auront besoin de contact physiques, d’autres auront besoin de s’exprimer librement sans contact physique et d’autres auront besoin de taper le parent. Une tape ne doit pas être perçue comme un mauvais comportement chez les jeunes enfants. Bien sûr, ces gestes impulsifs doivent être arrêter, mais avec douceur. Il faut comprendre que souvent ils tentent simplement de reprendre le contact avec le parent, bien maladroitement. Il s’agit de leur manière de vérifier que le lien d’amour n’est pas brisé entre lui et son parent. 

Les crises de colère ne sont pas dirigées contre le parent. L’enfant ne rejette pas son parent.  Au contraire, les crises sont destinées pour le parent en qui l’enfant a confiance. L’enfant ne sait pas toujours utiliser les mots pour exprimer ces ressentis. Il éprouve seulement un mal être profond et tente de s’en libérer. 

Un enfant qui hurle, court dans toutes les pièces, tape, mord, pleure, crie, se roule par terre, gesticule dans tous les sens est plutôt spectaculaire et déboussolant!  Les parents ne savent pas toujours comment réagir et intervenir. Imaginons alors plus simplement que l’enfant s’assoie près de vous et vous confie ses peines, ses angoisses, ses frustrations quotidiennes. Vous seriez probablement assis à ses côtés entrain de l’écouter. Une présence silencieuse, calme et tendre est parfois bien suffisante. 

Les décharges émotionnelles réservées aux parents, (en particulier à la mère à qui on confie souvent nos peines!), ne sont pas des caprices du à un manque d’autorité.  Ces décharges sont une preuve de confiance qu’a l’enfant envers ses parents. Il ne s’agit pas de poser des limites mais bien de faire preuve d’écoute empathique. 

Mélanie Ouimet


  • « Il cherche » et Au coeur des émotions de l’enfant, Isabelle Filliozat
  • La science au service des parents, Margot Sunderland
  • Pour une enfance heureuse, Catherine Gueguen