Une des problématiques souvent relevée chez les enfants autistes est leur tendance à fuguer. En effet, on estime qu’environ le tiers[1] des enfants autistes sont susceptibles de fuguer. Ce risque de fugue estimé ou d’errance est plus élevé chez les autistes que chez les non-autistes. Ces fugues sont très anxiogènes pour les parents et elles sont également très difficile à comprendre.
De manière générale, on propose une liste de conseils afin d’aider à prévenir l’errance des enfants autistes dans le but d’éviter une tragédie. Bien que les outils proposés s’avèrent souvent indispensables pour la sécurité de l’enfant devant ses fugues imprévisibles, on n’offre rarement des pistes concrètes afin de comprendre les motivations de l’enfant à fuguer et ainsi, à y mettre fin en développant d’autres stratégies.
Bien souvent, on se limite à dire que les fugues sont une « simple » problématique liée au trouble autistique et que « ces enfants » n’ont pas la notion de danger. Il faut ainsi apprendre à vivre avec « le trouble ».
La prudence s’acquiert au fur et à mesure des expériences de vie chez tous les enfants. Il est très difficile pour les enfants d’évaluer les risques potentiels pour sa sécurité. Chaque enfant progresse à son rythme et passe progressivement de l’âge de l’imaginaire à l’âge de la raison. Parfois, il paraîtra très « mature » et raisonnable dans certaines situations, et parfois, il sera plus ambivalent face à une autre situation.
Or, lorsqu’un autiste prend la fuite, cela n’a aucun lien avec la compréhension de la notion de danger. Un enfant autiste en fugue n’est pas, à priori, un enfant imprudent n’ayant aucune notion du danger. L’enfant autiste en fugue agit instinctivement à l’anxiété qu’il ressent sur le moment. Son cerveau est en mode « défensif » et ce sont les mécanismes de survie qui prennent le dessus. Ainsi, pour la majorité des situations, l’enfant fugue par peur. Il fuit un danger potentiel, qu’il soit réel ou non.
Dans son livre « Aimer dans l’imbroglio », Lucila Guerrero relate certains faits qui se sont passés dans l’établissement scolaire de son fils. « En après-midi, un enfant autiste est rentré dans la classe parce que la porte n’était pas bloquée. Son enseignante lui a dit de retourner dehors. L’enfant ne voulait pas et il a couru pour ne pas se faire attraper. L’autre adulte responsable de la classe lui a pris la main et l’a serré fort. L’enfant a crié, disant qu’il avait mal. Mais l’adulte ne l’a pas lâché. Il l’a trainé par terre pour le mettre hors de la classe. »
On comprend aisément, à l’aide de plusieurs autres exemples similaires illustrés dans son livre, que le jeune autiste a subi de la violence physique et psychologique de la part du personnel enseignant. L’environnement scolaire n’est pas sécuritaire. Il se sent menacé. S’enfuir, se mettre à courir, fuguer sont des mécanismes de survie !
Malheureusement, les situations comme celles-ci sont encore trop nombreuses dans nos écoles, qu’elles soient spécialisées en autisme ou non. Par contre, il n’y a pas besoin que la situation perçue comme menaçante soit aussi évidente pour que l’enfant autiste se sente véritablement en danger et que les mécanismes de fuite s’opèrent.
Parfois, il s’agit d’un incident très mineur, d’une dispute antérieure, d’un ton de voix trop élevé, de l’ambiance environnante, des stimuli trop envahissants, d’une incohérence, d’un manque de repère sécuritaire, d’un manque de lien de confiance, d’un climat autoritaire. Tous ces éléments sont anxiogènes. Ils peuvent tous être perçus comme un potentiel danger. Ils peuvent tous être perçu comme une menace à l’intégrité et à la survie de l’enfant.
Tout être humain qui se sent menacé agira ainsi : attaque, fuite, immobilisation. Comme le mentionne Catherine Gueguen[2], les enfants sont dominés par leur cerveau émotionnel. Ils réagissent instinctivement pour leur survie. Leurs émotions sont vécues très intensément. Par exemple, lorsqu’ils sont en colère ou qu’ils ont peur, ils peuvent être poussés à attaquer, à fuir ou à se figer. Ils n’ont pas encore la maturation nécessaire pour prendre de la distance avec leurs émotions et analyser la situation avec discernement.
C’est précisément ce qui se passe généralement lorsqu’un enfant autiste fugue ou se cache. Il ressent une forte anxiété qui le pousse à s’enfuir.
Bien qu’il ne soit pas toujours facile de découvrir ce qui pousse un enfant autiste à s’échapper, tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas compris la source, l’inconfort persistera chez l’enfant, qui sera contraint de fuir à nouveau.
Mélanie Ouimet
[1] https://www.eurekalert.org/pub_releases/2016-04/nh-ooa042616.php
[2] Vivre heureux avec son enfant, Catherine Gueguen, ROBERT LAFFONT, novembre 2015